UNE MONTAGNE S’EST-ELLE EFFONDRÉE SUR LE SITE D’ESSAIS NUCLÉAIRES NORD-CORÉEN ?

Sciences et Avenir : Des géologues chinois mettent en évidence le probable affaissement du mont Mantap qui abrite le site d’essais nucléaires de la Corée du Nord. Celui-ci pourrait n’être plus fonctionnel et Kim Jong-un n’aurait alors d’autre choix que de le fermer.

Des années durant, Kim Jong-un, le dirigeant de la Corée du Nord, a prétendu qu’il ne renoncerait jamais à l’arme atomique, son bouclier stratégique contre une éventuelle invasion américaine. Mais lors du sommet intercoréen, qui s’est tenu le 27 avril à Panmunjom en présence du président sud-coréen Moon Jae-in, le président nord-coréen a surpris tout le monde en s’engageant à fermer, dès le mois de mai, le site d’essais nucléaires de Punggye-ri, dans le nord-est du pays. Pour prouver sa bonne foi, il a même invité des observateurs étrangers à être les témoins de cette fermeture réalisée, dit-il, dans la perspective d’une paix future avec la Corée du Sud. La réalité est probablement tout autre : Kim Jong-un n’aurait d’autre choix que la fermeture de ce site, sans doute bien endommagé par le dernier essai nucléaire. C’est ce que suggère en effet des géologues chinois, menés par Dongdong Tian and Jiayuan Yao de l’Université de sciences et technologie de Chine. Dans un article à paraître dans le journal Geophysical Research Letters, basé sur une surveillance sismique de l’activité nucléaire de leur voisin, ils indiquent que le mont Mantap (2205 mètres), qui surplombe le site d’essais nucléaires de la Corée du Nord, s’est probablement affaissé. Le site ne pourrait ainsi plus être utilisé pour de nouveaux tests. Surtout, soulignent les chercheurs, “l’effondrement du site appelle une surveillance continue de toute fuite de matière radioactive provenant du site d’essais nucléaires.”

Ces conclusions s’appuient sur les données sismiques enregistrées par 1972 stations autour du globe à la suite du plus puissant des six essais nucléaires réalisés en Corée du Nord, le 3 septembre 2017. Ce test était d’une puissance estimée à plus de 100 kilotonnes de TNT, soit 8 à 10 fois plus que les cinq essais réalisés auparavant – pour comparaison, la bombe larguée par les États-Unis sur Hiroshima en 1945 avait un rendement d’environ 15 kilotonnes… La République populaire démocratique de Corée avait alors annoncé qu’elle avait mené avec succès un essai thermonucléaire (bombe à hydrogène).

Un séisme d’une intensité de 6,3 sur l’échelle de Richter

Cette secousse impressionnante, d’une intensité de 6,3 sur l’échelle de Richter, a déclenché quatre autres petits tremblements de terre au cours des semaines suivantes. “L’analyse sismique révèle que le premier événement, survenu huit minutes et demi après l’essai, est un effondrement quasi vertical […] à une distance d’environ 440 m au nord-ouest du site d’essais, sa source sismique étant représentée par une force unique presque verticale” écrivent les auteurs de l’étude. Le site d’essais nucléaires nord-coréen est constitué de plusieurs tunnels creusés dans la montagne. Selon les chercheurs, les précédents essais nucléaires les ont sans doute fragilisés et on peut supposer qu’au moins une cavité s’est effondrée lors du dernier essai. Mais si l’on en croit les déclarations du dictateur nord-coréen, deux tunnels seraient encore en bon état. Des scientifiques avertissent cependant que s’il devait y avoir de nouveaux essais cela pourrait provoquer des tremblements de terre dévastateurs à une échelle bien plus large.

Les essais nucléaires de la Corée du Nord inquiètent les Chinois, car le centre d’essais est situé près de la ville de Kilju, à moins de 100 kilomètres de leur frontière. Initiés en 2006, ces essais ont déjà provoqué des phénomènes sismiques dans les villes frontalières chinoises, provoquant évacuations d’écoles et de bureaux. Si les Chinois craignent que des radiations soient transportées par les vents, les échantillons prélevés le long de la frontière par les autorités chinoises ne trahissent pour l’instant aucune contamination radioactive.

De nombreux volcanologues redoutent par ailleurs que de nouvelles secousses ne réveillent le Mont Paektu (ci-dessus), un volcan s’élevant à la frontière avec la Chine, à environ 110 km de Punggye-ri. Au cours des dernières années, des chercheurs chinois ont notamment observé des signes de retour à une phase active : séismes réguliers, augmentation de température dans les sources thermales proches, élévation du sol, fusion partielle de la croûte. La dernière éruption du Mont Paektu, en 946, avait été la quatrième plus grosse éruption de notre ère. S’il se réveillait, les conséquences seraient désastreuses pour une bonne partie de la Corée du Nord et du nord-est de la Chine.

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