SORTIE OU NON DE L’ATOME, PROLONGATION DES RÉACTEURS… QUELS PAYS EUROPÉENS MISENT ENCORE SUR LE NUCLÉAIRE?

L’Allemagne sort du nucléaire, la Belgique y reste temporairement, la France veut construire de nouvelles centrales et la Pologne y réfléchit… Entre les Européens, l’atome demeure un vrai sujet de débat, rendu encore plus urgent par l’objectif de neutralité carbone en 2050 et la nécessité de se défaire du gaz et du pétrole russe. L’Usine Nouvelle fait le tour d’Europe – au sens large – des positions de chaque pays.

L’Europe se déchire sur l’atome. Alors que la France et une grande partie des pays de l’Est veulent construire de nouveaux réacteurs SMR, l’Allemagne s’apprête à fermer ses trois derniers réacteurs en 2022. Les tensions ont culminé lors de l’établissement de la taxonomie européenne, qui doit flécher les investissements du secteur privé vers les actifs verts et inclura finalement l’énergie nucléaire.

Si certains pays sont des soutiens historiques de l’atome, d’autres ont toujours refusé de s’en doter (Autriche, Portugal, Danemark…). L’équation est compliquée encore par l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030 par rapport à 1990, et par la nécessité de se défaire des importations russes en hydrocarbure depuis l’invasion de l’Ukraine. Pour, contre, hésitants… Tour d’Europe de la position de chaque pays sur l’atome.

Les pays en faveur du nucléaire

L’Arménie n’a qu’une seule centrale nucléaire sur son territoire, mais elle est hautement controversée. La centrale de Metsamor, construite en 1976, date de l’époque soviétique. Ses réacteurs ont été conçus comme ceux de Tchernobyl, c’est-à-dire « à cœur ouvert », sans dôme de protection en cas d’accident. Le site se situe également en zone sismique. Depuis la reprise de la guerre avec l’Azerbaïdjan, il fait même l’objet de menaces militaires. La centrale produit toutefois à elle seule 40% de l’électricité du pays. En 2015, le gouvernement a voté son prolongement jusqu’en 2026. Ce délai pourrait toutefois être prolongé de dix ans, le temps pour l’exploitant russe Rosatom de bâtir une nouvelle centrale de 1 000 mégawatts sur le même site.

La Biélorussie ne compte qu’une seule centrale nucléaire en activité, celle d’Ostroviets, située à 50 kilomètres de Vilnius, en Lituanie. Le pays a plusieurs fois protesté contre cette centrale très proche de sa capitale, qui puise dans une rivière traversant Vilnius pour refroidir ses réacteurs. La centrale est implantée en zone sismique. La centrale d’Ostroviets est la première centrale biélorusse, construite par l’entreprise russe Rosatom. L’assemblage d’un deuxième réacteur a été achevé en mars 2021.

La Bulgarie a décidé en début février 2022 d’abandonner la construction de la centrale de Béléné, un serpent de mer qui empoisonne sa vie politique depuis les années 1980. Sofia mise plutôt sur de petits réacteurs modulaires. Le pays a signé un mémorandum en février 2021 avec l’entreprise américaine NuScale. Washington redoutait l’influence grandissante de Moscou dans le pays, puisqu’un accord avait été trouvé en 2006 avec le géant russe Rosatom pour la construction de la centrale de Béléné. La Bulgarie a également prolongé de dix ans les deux réacteurs encore en activité de sa centrale de Kozlodoui, seule centrale du pays. La fermeture des unités 1 et 4 de Kozlodoui, en très mauvais état, avait été jugée impérative par Bruxelles pour entrer dans l’Union européenne.

L’Espagne dispose de sept centrales nucléaires, qu’elle souhaite fermer d’ici à 2035 pour tirer toute son électricité d’énergies renouvelables en 2050. Le pays était opposé à l’inclusion du gaz et du nucléaire parmi les investissements labellisés « verts » par Bruxelles. La centrale d’Almaraz (Cáceres) non loin de la frontière portugaise, suscite néanmoins des tensions avec le voisin, qui n’a jamais compté sur l’atome. À noter que l’Espagne possède une centrale « fantôme », jamais mise en route en raison de l’opposition locale en 1981, à Lemoniz, dans le Pays basque. Une inactivité qui a un coût pour les contribuables espagnols : 5,8 milliards d’euros, versés à l’opérateur Iberdrola.

La Finlande fait régulièrement les gros titres en France pour son EPR sur l’île d’Olkiluoto, retardé depuis 2009 en raison de vannes défectueuses et de fissures sur les tuyaux. Enfin raccordé au réseau électrique national depuis mars, il devrait fournir 14% de son électricité d’ici à l’été. Deux autres centrales, à Olkiluoto et à Loviisa, sont également en service. Le 2 mai, le consortium finlandais Fennovoima a annoncé avoir annulé un contrat de centrale nucléaire avec le russe Rosatom, dont la construction devait avoir lieu à Hanhikivi. Le nucléaire fait assez peu débat en Finlande, où l’éolien est handicapé par la faiblesse du vent et le solaire par celle de l’ensoleillement. Perçu comme une énergie verte, le nucléaire est surtout vu comme un moyen de se défaire de la dépendance énergétique du pays à l’égard de la Russie.

Pays le plus nucléarisé d’Europe, la France a tiré 69% de sa production électrique du nucléaire en 2021, selon le bilan annuel de RTE. Les 56 réacteurs nucléaires du pays restent néanmoins fragilisés par leur ancienneté, puisque la plupart d’entre eux auront plus de 60 ans en 2050. EDF a donc initié un « grand carénage », soit un programme de maintenance de ces réacteurs, tandis que le candidat Emmanuel Macron a promis la construction de six EPR2, avec l’objectif de démarrer le premier en 2035. Des études ont également été lancées pour « huit EPR additionnels », et aucun réacteur en état de produire ne sera fermé. Un milliard d’euros sera également consacré au développement des petits réacteurs modulaires, les SMR.

Le nucléaire faisait partie de l’un des rares sujets d’accord entre la France et la Hongrie lorsqu’Emmanuel Macron s’est rendu à Budapest, en décembre 2021. Le pays tire la moitié de sa production électrique de sa centrale de Paks, qu’il prévoit de doter de deux nouveaux réacteurs d’ici à 2027. L’opposition conteste ces travaux, qui ont été attribués en 2014 sans appel d’offres international à l’entreprise publique russe Rosatom, accroissant la dépendance du pays à l’égard de la Russie. Les autorités autrichiennes s’y opposent également, en raison du risque sismique.

Autre pays à vouloir relancer le nucléaire, les Pays-Bas prévoient la construction de deux nouvelles centrales nucléaires. C’est le résultat de l’accord de coalition passé en décembre 2021 afin d’atteindre l’objectif de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Le pays reste encore très dépendant des énergies fossiles : le gaz représente à lui seul 58% de son mix électrique, rappelle le journal spécialisé RGN. Or, l’extraction de gaz naturel doit cesser d’ici à 2030 et le pays va sortir progressivement du charbon, qui représente encore 14% de son mix. La seule centrale nucléaire du pays en activité, celle de Borssele, doit fermer sur le papier en 2033. Mais elle verra sans doute sa durée de vie prolongée de 10, voire 20 ans.

Le gouvernement de la République tchèque a lancé en mars un appel d’offres pour la construction d’une nouvelle centrale de troisième génération, à Dukovany. Les quatre réacteurs qui s’y trouvent actuellement doivent cesser leur activité entre 2035 et 2037. La capacité du site de Temelin, qui compte deux réacteurs, doit également être renforcée. Les autorités veulent faire passer la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité d’un tiers à plus de la moitié d’ici 2040, pour se défaire du gaz russe et atteindre les objectifs climatiques du pays.

La Roumanie prépare le prolongement et l’extension de son unique centrale, celle de Cernavoda, avec la construction de deux nouveaux réacteurs. La production d’électricité du pays d’origine nucléaire passera de 19, à 30%. Le pays a également annoncé lors de la COP26 à Glasgow choisir la technologie américaine pour se doter de petits réacteurs modulaires. Le développement du nucléaire roumain pourrait toutefois être affecté par le réchauffement climatique : du fait des températures en hausse, le débit du Danube s’affaiblit, ce qui a déjà obligé la centrale de Cernavoda à cesser sa production l’été, faute d’eau pour refroidir ses réacteurs.

Le nucléaire ne fournit que 14,5% de son électricité au Royaume-Uni, mais ce n’est pas faute d’avoir tenté de relancer la filière. En 2008, le gouvernement britannique voulait faire construire de nouvelles centrales entièrement financées par des groupes privés qui, rebutés par le coût, ont abandonné les uns après les autres. Seule la centrale EPR d’Hinkley Point C est actuellement en construction, pour un coût compris pour l’instant entre 22 et 23 milliards de livres, contre 18 milliards initialement. Le pays mise désormais sur les mini-réacteurs modulaires de Rolls-Royce, qui devraient entrer en service au début des années 2030. Alors que deux réacteurs viennent de fermer et que deux autres doivent suivre d’ici à 2024, le gouvernement de Boris Johnson souhaite porter le nucléaire à 25% de son mix énergétique, dans le but de réduire la dépendance du Royaume-Uni à l’égard du pétrole russe. Dans une interview au Sunday Telegraph, le ministre de l’Ênergie, Kwasi Kwarteng, a déclaré que le pays pourrait construire jusqu’à sept centrales nucléaires d’ici à 2030.

Si la Slovaquie n’a que deux centrales nucléaires sur son sol, celle de Mochovce fait l’objet d’un contentieux avec Vienne depuis longtemps en raison de sa proximité avec l’Autriche. L’autorité de sûreté nucléaire slovaque a rejeté en janvier 2022 le recours déposé par une association environnementale autrichienne et autorisé l’exploitation du troisième réacteur de la centrale, qui devait entrer en fonction en 2019. Le quatrième réacteur devrait commencer à produire l’an prochain, contre 2020 à l’origine. Dans un tweet de 2019, l’ancien chancelier autrichien Sebastien Kurz s’était dit déterminé à « empêcher l’expansion de la centrale de Mochovce par tous les moyens ».

La Slovénie compte la seule centrale au monde partagée avec un autre pays, la Croatie. Construite sous l’ère yougoslave à la frontière entre les deux États actuels, le contrôle de la centrale est partagé à parts égales entre deux entreprises publiques de chaque pays, de même que le partage de l’électricité produite. Zagreb et Ljubljana se sont mis d’accord pour prolonger sa durée de vie de vingt ans, jusqu’en 2043, mais n’ont pas trouvé de solution pérenne pour les déchets nucléaires. Côté slovène, ceux-ci sont pour l’instant stockés sur le site même, mais « les capacités de la centrale sont atteintes : c’est plein à 99% », reconnaît Miran Stanko, le maire de la commune de Krško, interviewé par le journal Le Courrier des Balkans. Côté croate, les déchets se trouvent dans les collines de la Trgovska Gora, proche d’un site Natura 2000. Cela n’a pas empêché les deux pays de décider d’une extension de leur centrale, avec la construction d’un nouveau réacteur. L’activité sismique de la région inquiète aussi les pays voisins. Fin décembre 2020, le mécanisme de sécurité du site s’est déclenché, et la centrale a dû rester à l’arrêt près de 24 heures.

Six réacteurs sont toujours en fonctionnement en Suède, en dépit d’un référendum de 1980 dont les trois options soumises au vote incluaient toutes une sortie de l’atome. La sortie a depuis été abandonnée, mais deux réacteurs ont été récemment fermés pour raisons financières. Après le départ des écologistes du gouvernement social-démocrate, la Suède a donné son feu vert à un site d’enfouissement des déchets nucléaires, qui doit être opérationnel en 2025. Gauche et droite continuent de s’opposer sur l’atome dans le pays, la première misant davantage sur les énergies renouvelables et la seconde sur de petits réacteurs modulaires.

Les centrales nucléaires de l’Ukraine ont fait la une de l’actualité quand, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 mars 2022, des tirs russes ont incendié un laboratoire et un bâtiment consacré aux formations de la centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe. Aucun réacteur n’a été touché, ni aucune fuite radioactive détectée, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’Ukraine compte quatre centrales et quinze réacteurs dispersés sur son sol, qui datent tous des années 1980 et fournissent la moitié de son électricité au pays. Quant à la centrale de Tchernobyl, elle n’est plus occupée par les troupes russes depuis jeudi 31 mars, selon Kiev. Le réacteur accidenté dans l’explosion de 1986, est recouvert d’une chape d’acier étanche et contient du magma hautement radioactif. Il est toujours interdit de résider en permanence dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale.

La Russie dénombre 38 réacteurs nucléaires sur son sol, ce qui en fait le quatrième pays le plus nucléarisé au monde, derrière les États-Unis, la France et la Chine. Le nucléaire ne représente pourtant que 21% de sa production électrique en 2021, contre 59,3% pour les énergies fossiles, la Russie étant une grande productrice de pétrole et de gaz. Le parc nucléaire russe, bâti dès l’après-guerre, est actuellement en cours de renouvellement. Le réacteur nucléaire d’Obninsk, en banlieue de Moscou, a été le premier au monde raccordé à un réseau d’alimentation électrique, en 1954. Deux réacteurs supplémentaires sont aujourd’hui en construction. La Russie est également à l’origine de la première centrale flottante au monde, près de la ville portuaire de Pevek, en mer de Sibérie orientale, afin de fournir plus facilement en électricité cette région isolée à la suite de l’arrêt de la centrale locale. Les associations écologistes ont dénoncé les risques de ce projet sur l’environnement.

Ils parient sur l’atome dans un futur proche

Très dépendante des polluants schistes bitumineux pour son électricité, l’Estonie cherche à diversifier son modèle énergétique, en misant notamment sur le nucléaire. « J’adopte une attitude positive à l’égard du nucléaire », a déclaré en janvier 2022 au journal estonien Postimees Kaja Kallas, la Première ministre du pays. Sandor Liive, le fondateur de Fermi Energia, expliquait en février 2022 à ce même journal que son entreprise pourrait bâtir un petit réacteur modulaire dans les années 2030, au bout de dix ans de travaux préliminaires. Une centrale nucléaire aiderait également à faire baisser le prix de l’électricité, selon lui.

La Pologne parie elle aussi sur le nucléaire pour réduire sa dépendance au charbon, très polluant mais qui fournit à lui seul les trois-quarts de son électricité. L’atome présente aussi l’avantage de réduire les importations russes de pétrole et de gaz, dont le pays reste très friand. EDF a présenté en novembre 2022 une « offre préliminaire non-engageante » pour la construction de quatre à six EPR, d’une capacité de 6,6 à 9,9 gigawatts. Si l’énergéticien espère que ses efforts auprès de Varsovie depuis dix ans vont finir par payer, les déboires de ses EPR en Finlande et au Royaume-Uni pourraient favoriser l’américain Westinghouse et le sud-coréen Kepco, également sur les rangs.

La Serbie réfléchit elle aussi au nucléaire pour diversifier son mix énergétique, alors que son électricité dépend à 70% du charbon. Un moratoire de 1989 interdit pourtant la construction de centrales nucléaires dans le pays, en réponse à la catastrophe de Tchernobyl, mais la transition énergétique fait partie des critères européens pour adhérer à l’UE. Zorana Mihajlovic, ministre de la Construction, des Transports et des Infrastructures, a déclaré en janvier 2022 que la décision du gouvernement sur le nucléaire serait rendue avant la fin de l’année. La Serbie pourrait prendre exemple sur ses voisins bulgare et roumain, et se doter de petits réacteurs modulaires.

Lancé en 2007, le programme nucléaire de la Turquie devrait aboutir en 2023, date du centième anniversaire de la République turque. Une première centrale nucléaire, dotée de quatre réacteurs de technologie russe, devrait entrer en activité à cette date et couvrir 10% des besoins en électricité du pays. « Ceux qui sont sensibles à l’indépendance économique de la Turquie et à la prospérité du peuple, ne peuvent pas s’opposer à l’énergie nucléaire », a répondu le président Recep Tayyip Erdogan en novembre 2011, aux écologistes critiques du projet. La Turquie reste encore très dépendante des importations de gaz russe et iranien pour son électricité, et sa population pourrait atteindre les 97 millions d’habitants en 2100 d’après l’Ined. La guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie pourraient retarder le lancement de cette première centrale. Le gouvernement prévoit deux autres centrales, mais le contrat signé en 2013 avec Areva et Mitsubishi pour la construction de réacteurs sur les bords de la mer Noire a lui aussi pris du retard, et le budget explosé.

Ils doivent en sortir… plus ou moins prochainement

En Allemagne, l’Energiewende (la transition écologique) devrait toucher à sa fin. Décidée par Angela Merkel en 2011 à la suite de l’accident de Fukushima, la sortie du nucléaire s’achèvera fin 2022 quand les trois derniers réacteurs en service (Neckarwestheim, Isar 2 et Emsland) fermeront. Le 31 décembre 2021, trois réacteurs ont déjà cessé d’opérer (Brokdorf, Grohnde et Gundremmingen C). En l’espace de vingt ans, 35 centrales auront fermé outre-Rhin. Mais l’épineux problème du stockage des déchets n’est pas encore réglé. La nouvelle coalition au pouvoir à Berlin, menée par le social-démocrate Olaf Scholz, s’est engagée à recourir pour 80% aux renouvelables en 2030 dans la production de son électricité, contre 42% actuellement. Le gouvernement assure vouloir accélérer en la matière. Début 2022, la guerre en Ukraine a éveillé les consciences sur la vulnérabilité énergétique allemande, très dépendante des importations d’hydrocarbures russes. En réaction, le pays souhaite diversifier ses sources d’approvisionnement et envisage de se tourner davantage vers l’importation de gaz naturel liquéfié.

En Belgique, le dossier est épineux, et les dernières décisions gouvernementales controversées. La fin du nucléaire est inscrite dans la loi depuis 2003. La sortie devait être progressive et s’achever en 2025. Mais au cours des deux dernières décennies, rien ne s’est déroulé comme prévu dans le royaume. Si bien que sept réacteurs sont toujours en activité sur le territoire, et que leur arrêt vient d’être repoussé de 10 ans, bien au-delà de 2025. En réaction à la guerre en Ukraine, le gouvernement s’inquiète pour la sécurité des prix et de l’approvisionnement. Car qui dit sortie du nucléaire, dit produire de l’électricité autrement. Or, les capacités de production alternatives manquent toujours. Selon les experts, il faudrait construire a minima deux nouvelles centrales au gaz pour pallier le manque. Pas forcément très écologique, ni réalisable en trois ans à peine… Mais ce report ne résout pas tous les problèmes. L’exploitant du parc nucléaire belge, Engie, via sa filiale Electrabel, a annoncé au début de l’année 2021 qu’il stopperait le nucléaire en Belgique en 2025, quoi qu’il arrive. Des négociations vont avoir lieu entre Engie et les autorités belges pour trouver un compromis financier sur la question. À noter par ailleurs que le gouvernement belge ne tire pour autant pas un trait définitif sur le recours à l’atome et va investir dans les « nouvelles technologies émergentes » telles que les réacteurs modulaires (SMR).

En Suisse, la sortie du nucléaire sera une réalité en 2034, selon la stratégie énergétique helvétique. La décision de se passer de l’atome a été approuvée à 58,2% par la population en 2017, lors d’un référendum. La volonté gouvernementale de sortir progressivement du nucléaire avait déjà été décidée en 2011. Concrètement, chaque centrale devra cesser ses activités une fois l’âge fatidique de 50 ans atteint. En 2019, la centrale de Mühleberg a été la première à être mise à l’arrêt.

Italie et Lituanie : le choix de la sortie du nucléaire

Depuis 1990, plus aucune centrale nucléaire n’est en activité sur le sol italien. Cette décision a été prise à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1987. Cette année-là, à l’issue d’un référendum, les Italiens se sont prononcés contre l’atome. Résultat : l’Italie avait fermé ses quatre centrales nucléaires, dont la dernière en 1990. Si au cours des décennies suivantes, des décideurs politiques ont souhaité relancer une filière nucléaire dans le pays, la population s’y est de nouveau massivement opposée en juin 2011 (95% contre), juste après la catastrophe de Fukushima. Malgré tout, le nucléaire est bien présent dans le mix énergétique du pays, contraint d’importer un peu plus de 10% de son électricité.

Il fut un temps où la Lituanie était dotée de l’énergie nucléaire. Le pays balte exportait même de l’électricité vers ses pays voisins, la Lettonie, l’Estonie et même la Biélorussie. Mais cet héritage de l’URSS n’a pas survécu à l’intégration du pays au sein de l’Union européenne. En 2001, un démantèlement prématuré de son unique centrale nucléaire d’Ignalina et de ses deux réacteurs a débuté, sur demande de Bruxelles (qui finance cette fermeture à hauteur de 95%, selon The Shift Project). Le premier a été arrêté en 2004, le second en 2009. Depuis, la Lituanie importe son électricité depuis les pays nordiques.

Les pays qui n’ont jamais franchi le pas… même si certains ont pu y réfléchir

Si l’Albanie a un temps envisagé de lancer une filière nucléaire, l’idée n’a jamais abouti. « Notre but principal est de faire de l’Albanie une superpuissance de l’énergie dans la région », avait pourtant déclaré en 2007 le Premier ministre albanais de l’époque, Sali Berisha. Le dirigeant avait même failli signer en avril 2009 un accord avec son homologue croate Ivo Sanader pour la construction d’une centrale nucléaire au bord du lac de Skadar. Le projet a été mis en suspens en 2012.

L’Autriche est frontalement opposée au nucléaire. Le pays est toujours à l’heure actuelle en croisade contre l’énergie nucléaire au niveau européen, alors que son inclusion dans la taxonomie verte vient d’être actée. Une centrale avait pourtant été construite dans les années 1970. Mais à la veille de sa mise en service en novembre 1978, les Autrichiens s’étaient prononcés contre le recours à l’atome pour produire de l’électricité. Résultat : la centrale de Zwentendorf n’est jamais entrée en activité. En 1999, la loi interdisant l’exploitation de l’énergie nucléaire a été élevée au rang de principe constitutionnel.

En Azerbaïdjan, région à haute activité sismique, le recours au nucléaire n’a jamais été sérieusement envisagé par les autorités.

La Bosnie-Herzégovine n’a également jamais construit de centrale nucléaire.

Chypre n’a pour l’heure jamais envisagé le recours au nucléaire. L’île importe énormément de gaz pour subvenir à ses besoins, à l’instar de Malte.

La Croatie est un cas particulier. Si le pays n’a pas construit de centrale nucléaire sur son territoire, il codétient à 50% la centrale nucléaire de Krsko, commune située à la frontière avec la Slovénie. Le site est coexploité par la société slovène ELES-GEN et la société croate HEP.

Au Danemark, le nucléaire n’a pas sa place. Le pays préfère miser massivement sur les renouvelables.

La Géorgie non plus n’a pas recours à l’atome et n’envisage pas de construire des centrales.

Du côté de la Grèce, les autorités s’opposent fermement à l’adoption du nucléaire et militent pour la fin du nucléaire civil en Europe.

L’Irlande n’a pas recours au nucléaire. Si un projet de construction d’une centrale nucléaire dotée de quatre réacteurs a un temps été envisagé dans les années 1970, l’opposition de la population a eu raison de sa réalisation. Encore aujourd’hui, le pays reste opposé à l’atome.

En Islande, le recours à la géothermie et aux énergies renouvelables est très développé. Le nucléaire est absent.

Au Kosovo, pays encore très dépendant du charbon, le nucléaire n’a jamais été une source d’approvisionnement.

La Lettonie, si elle s’approvisionnait en électricité d’origine nucléaire auprès de la Lituanie jusqu’en 2009, n’a jamais construit de centrale nucléaire sur son territoire.

Le Grand-Duché de Luxembourg n’a jamais eu recours au nucléaire, tout comme la Macédoine du Nord, la Moldavie et le Montenegro.

La Norvège ne possède pas de réacteur nucléaire et n’envisage pas d’en construire. L’atome n’est pas populaire dans ce pays, qui a massivement recours à l’hydroélectricité (95% du courant produit).

Un peu plus au sud, le Portugal n’a pas recours non plus au nucléaire.

Par Louis de Briant et Antoine Vermeersch, publié le 03 mai 2022 à 08h00

https://www.usinenouvelle.com/article/reperes-sortie-ou-non-de-l-atome-prolongation-des-reacteurs-quels-pays-europeens-misent-encore-sur-le-nucleaire.N1801237

NDLR: en allant sur ce site, la carte étant active, vous pouvez d’un seul clic sur un pays connaître sa position vis à vis du nucléaire.