Le vote de la loi sur le pouvoir d’achat bouge les curseurs de l’accès au nucléaire régulé, en augmentant le prix de l’électron vendu par EDF à ses concurrents et en plafonnant le volume.
Ce sont quelques glissements de curseur dont les conséquences peuvent rapidement se chiffrer en milliards d’euros. Débattant du projet de loi sur le pouvoir d’achat , les députés et les sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont donné un gros coup de pouce aux finances d’EDF. Ils ont voté le gel du plafond de l’Arenh – l’accès régulé à l’électricité produite par le nucléaire historique-, ainsi que le relèvement du prix de l’électron ainsi vendu aux concurrents du groupe.
À compter du 1er janvier prochain et jusqu’à 2025, le MWh issu des centrales françaises d’EDF ne pourra pas se vendre moins de 49,5 euros. Jusqu’à présent, le prix de référence était de 42 euros. Par ailleurs, les fournisseurs d’électricité alternatifs ne pourront pas se partager plus de 120 TWh par an, contre 100 actuellement. À la condition notable, cependant, d’obtenir l’accord de la Commission européenne, qui suit de très près ce régime dérogatoire franco-français.
Bonne nouvelle pour EDF
Ces deux nouvelles devraient largement satisfaire EDF, qui vient d’encaisser une perte semestrielle historique à plus de 5 milliards d’euros . À lui-seul, le surplus exceptionnel de 20 TWh décidé début 2022 par le gouvernement pour limiter la hausse des prix aux particuliers dans le cadre du bouclier tarifaire a entraîné une perte opérationnelle de plus de 6 milliards à l’énergéticien : sa production nucléaire étant au plus bas , le groupe qui repassera bientôt à 100 % dans le giron de l’État a dû racheter à prix d’or des volumes d’électricité pour les revendre à un prix plus bas à ses concurrents français – comme la loi l’exige.
Pour faire passer la pilule, le gouvernement avait augmenté le prix de vente du MWh à 46,20 euros pour cette « rallonge » de 20GWh. Le vote des parlementaires acte donc une forte hausse du prix du nucléaire historique, puisque l’augmentation décidée porte sur l’ensemble de l’Arenh. Ce qui mettra sous pression les fournisseurs alternatifs d’électricité , comme TotalÉnergies.
Début juin, Jean-François Carenco, qui n’était à l’époque pas encore ministre délégué chargé des Outre-mer mais président de la Commission de régulation de l’énergie, avait proposé au gouvernement un tarif « autour de 49 ou 50 euros » et des volumes annuels à 130 GWh , compte tenu de l’inflation, de la crise énergétique qui secoue l’Europe et des besoins des fournisseurs alternatifs bien plus nombreux qu’en 2010, la date de naissance du concept de l’Arenh. Cette année, EDF prévoit de produire entre 280-300 TWh d’électricité nucléaire en France.
« Débat parlementaire »
La semaine dernière, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, soucieuse de limiter la facture du bouclier énergétique, avait jugé « raisonnable » un plafond d’Arenh à 135 TWh pour 2024 et 2025, en rappelant que le plafond théorique était de 150 TWh (même si ce plafond voté ne s’est pas concrétisé au niveau réglementaire, ndlr). De même, le gouvernement s’était prononcé contre le relèvement du prix de l’Arenh. Mais le débat parlementaire qui s’en est ensuivi a statué autrement.
Par Julien Dupont-Calbo, publié le 2 août 2022 à 18h53
Photo en titre : Débattant du projet de loi sur le pouvoir d’achat, les députés et les sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont donné un gros coup de pouce aux finances d’EDF. (Pascal Rossignol/REUTERS)
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