Le groupe EDF devrait baisser la production de trois de ses centrales nucléaires à partir de ce week-end. En cause, les grosses chaleurs qui empêchent le producteur d’électricité de refroidir ses réacteurs sans affecter la faune et la flore.
Le manque d’électricité frappe aussi l’été. Après les problèmes de corrosion qui ont touché son parc nucléaire ces dernières semaines, EDF se trouve désormais confronté à la canicule et à la sécheresse. En conséquence, l’énergéticien pourrait devoir baisser la puissance de trois de ses centrales implantées sur le territoire. Les centrales de Goldfech (Tarn-et-Garonne) et de Saint-Alban (Isère) sont concernées. Tandis que deux des quatre réacteurs de Tricastin (Drôme) pourraient être mis à l’arrêt.
« En raison des prévisions de températures élevées sur le Rhône, des restrictions de production sont susceptibles d’affecter le site de production nucléaire de Tricastin à partir du 6 août 2022 [ce samedi, NDLR] pouvant aller jusqu’à l’arrêt d’une tranche« , a indiqué le producteur d’électricité dans un message destiné aux marchés, rapporté par l’AFP, le mercredi 3 août.
En cause, la dépendance de ces centrales nucléaires à l’eau. « Chaque centrale nucléaire est implantée à côté d’une source d’eau (fleuve, rivière ou mer) pour permettre le fonctionnement et le refroidissement des différents circuits« , rappelait le groupe dans un communiqué publié le 10 juin dernier.
Plusieurs centrales nucléaires pourraient voir leur production affectée par la canicule et la sécheresse en ce mois d’août particulièrement sec. © BFM Business
Une mesure de protection environnementale
En effet, pour fonctionner, les réacteurs nécessitent le prélèvement d’eau des fleuves, rejetée par la suite, dans l’environnement, avec 2 degrés de plus. Or la réglementation impose des températures maximales pour ces eaux rejetées afin de protéger la faune et la flore et ne pas trop réchauffer ces cours d’eau. Le respect de ces réglementations concernant les rejets thermiques peut nécessiter la diminution de puissance de certains réacteurs voire leur arrêt complet.
En juin déjà, la centrale de Saint-Alban avait fonctionné au ralenti. « Les récents épisodes de chaleur et de sécheresse ont eu un impact sur la température et le débit du Rhône« , avait expliqué EDF dans un communiqué. « Ce phénomène a conduit EDF, pour respecter la réglementation relative aux rejets thermiques, à réduire ponctuellement la production de certaines unités« , avait poursuivi le fournisseur d’électricité.
Des baisses de production de plus en plus fréquentes
En juillet, des demandes de dérogations à ces règles environnementales déposées par EDF avaient été accordées à quatre centrales jusqu’à la fin du mois. Les sites de Bugey (Ain), de Golfech (Tarn-et-Garonne), du Blayais (Gironde) et de Saint-Alban (Isère) étaient concernés.
Encore limitées, ces baisses de production estivales pourraient cependant se multiplier à l’avenir. Le gestionnaire de réseau RTE estime qu’ils vont doubler ou tripler d’ici à 2050. Dans son rapport Futurs 2050 paru fin 2021, RTE soulignait le risque du réchauffement climatique et des multiplications des épisodes caniculaires pour le parc nucléaire.
« Les centrales nucléaires existantes situées en bord de fleuve seront plus régulièrement affectées par des périodes de forte chaleur et de sécheresse: même si les volumes d’énergie perdue resteront faibles à l’échelle annuelle, ceux-ci pourraient toutefois concerner des puissances significatives« , pouvait-on lire dans ce rapport.
Les prochains EPR construits en bord de mer
Un risque qui pourrait être réduit par le choix de localisation des nouvelles centrales. « La sensibilité des nouveaux réacteurs nucléaires à ces aléas climatiques pourra être minimisée en privilégiant certains sites (en bord de mer ou en bord de fleuves faiblement contraints en matière de débits et de température seuil) et grâce aux aéroréfrigérants imposés pour les futures centrales en bord de fleuve« , estimait RTE.
En février dernier, Emmanuel Macron avait annoncé la construction de six nouveaux réacteurs, sur le territoire, pour une mise en service à l’horizon 2035. Le 10 novembre 2021, le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, avait déjà annoncé que le site de Penly près de Dieppe était choisi pour la construction de deux premiers réacteurs pressurisés européens (EPR) de deuxième génération. Le site de Gravelines, dans le Nord, accueillera également deux autres EPR. Quant aux derniers réacteurs, leur localisation n’a pas encore été déterminée.
Par Matthieu Pechberty avec Nina Le Clerre, publié le 05/08/2022 à 11h52
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