SUISSE: POUR PROTÉGER NOTRE AVENIR, DU RENOUVELABLE AU LIEU D’ARMES

OPINION. La biodiversité est bien plus menacée par les changements climatiques ou même des guerres que par les énergies renouvelables, il faut donc dépenser l’argent là où il est utile, affirme Isabelle Chevalley, de l’association Éole

La crise énergétique arrive, soit. Est-ce que cela était prévisible? Bien sûr, lorsque nous dépendons autant des énergies fossiles et que ces énergies proviennent majoritairement de quelques pays qui sont loin d’être des modèles de démocratie, nous pouvions bien imaginer ce qui est en train d’arriver. Et que font l’Europe et la Suisse? Nous allons dépenser des milliards d’euros pour… nous réarmer. Nous aurions eu le choix de développer un plan massif dans les énergies renouvelables mais nous préférons investir des milliards pour le budget militaire. L’Allemagne a annoncé un plan de 100 milliards d’euros pour son armée. Est-ce que tout cela va diminuer le prix de l’énergie? Non. Est-ce que cela permettra de nous garantir l’accès aux énergies fossiles? Non.

L’Office fédéral de l’énergie a annoncé le 30 août que la Suisse disposait d’un potentiel éolien de 30 TWh. La Suisse consomme 60 TWh. Vous constaterez que ce n’est pas rien. Pour couvrir le tiers de ce potentiel, il faudrait 1000 éoliennes, est-ce beaucoup? La Rhénanie-Palatinat en Allemagne, qui a la moitié de la surface de la Suisse et n’est pas au bord de la mer, en a déjà plus de 1800. Donc est-ce vraiment un problème? Certains trouvent les éoliennes pas belles, mais si ce n’est que ça le problème – alors nous n’avons plus de problème. Avoir faim, soif, froid, être malade, ça, ce sont des problèmes, mais trouver une éolienne inesthétique relève d’une attitude d’enfant gâté.

Nous avons pu voir dans la presse certains défenseurs de l’environnement critiquer la proposition du Conseil des États de mettre des panneaux solaires dans les Alpes sous prétexte d’atteinte à la biodiversité. Mais ces gens se trompent de combat. La biodiversité est bien plus menacée par les changements climatiques ou même des guerres que par les énergies renouvelables. Comment pouvons-nous imaginer confronter développement des énergies renouvelables et biodiversité? C’est un combat qui n’a pas lieu d’être.

Le jour où nous allons vraiment manquer d’énergie ou que celle-ci deviendra hors de prix, plus personne ne se souciera de la biodiversité et nous accepterons de faire n’importe quoi.

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a déjà accepté de relever les seuils de protection de l’air pour pouvoir faire des centrales à gaz ou à fioul, mais pour l’instant on ne l’a pas entendue dire qu’il fallait déclarer l’urgence pour la construction des 2 TWh d’énergie éolienne qui sont bloqués dans les procédures et les tribunaux à cause d’une minorité qui veut imposer son point de vue. Donc nous acceptons de mettre en danger la vie des hommes mais pas de construire des éoliennes?

Nous attendons du gouvernement une approche pragmatique qui non seulement nous libérera de notre dépendance géopolitique envers les énergies fossiles et nucléaires mais qui permettra aussi de respecter les accords sur le climat.

Une étude très récente du professeur de l’EPFL Christophe Ballif a montré qu’une combinaison de solaire et d’éolien permettait une production annuelle en ruban proche de celle d’une centrale nucléaire. Vous y ajoutez notre traditionnel courant hydraulique et la Suisse deviendra indépendante pour couvrir ses besoins en électricité durant toute l’année.

Nos ancêtres nous ont légué une production électrique à 60% hydraulique, à nous de couvrir les 40% avec un mixte de solaire, éolien, petit hydraulique, biomasse et géothermie.

À l’époque on disait: «Faites l’amour pas la guerre», aujourd’hui j’aimerais dire: «Faites du renouvelable, pas la guerre

Par Isabelle Chevalley (présidente de Suisse Éole), publié lundi 19 septembre 2022 à 14h35, modifié à 16h38

Photo en titre : Éoliennes sur le Mont-Crosin. Saint-Imier, mai 2017. — © VALENTIN FLAURAUD / KEYSTONE

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