EMMANUEL MACRON A REFUSÉ CE VENDREDI DE S’EXPRIMER SUR L’HYPOTHÈSE D’UNE ATTAQUE NUCLÉAIRE RUSSE.

Le chef de l’État a dit s’en tenir à la doctrine française, « qui ne change pas« . En quoi consiste-t-elle ?

La menace nucléaire de retour au premier plan. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le président américain Joe Biden a estimé que le monde faisait face, pour la première fois depuis la Guerre froide, à un risque d’« Armageddon » nucléaire, c’est-à-dire d’apocalypse. Interrogé sur ces propos en conférence de presse, le président de la République Emmanuel Macron a refusé de faire « de la politique fiction ». Le chef de l’État a rappelé qu’il s’en tenait à la doctrine française, « qui ne change pas » (voir vidéo en tête de cet article).

Dans quelles circonstances la France peut-elle ouvrir le feu nucléaire ?

Cette doctrine, strictement défensive, a évolué au fil des mandats. François Mitterrand a ainsi consolidé l’idée selon laquelle « la dissuasion nucléaire ne protège que les intérêts vitaux du pays », rapporte le site Vie publique. Autrement dit, la France ne doit pas utiliser son armement nucléaire – quatre sous-marins lanceurs d’engins et des chasseurs-bombardiers Rafale équipés de missiles air-sol moyenne portée – si ses « intérêts vitaux » ne sont pas menacés. Une notion qui comporte « une part de flou, laissée à l’appréciation du président de la République ».

Celle-ci sera d’ailleurs modifiée par Nicolas Sarkozy, en 2008. Afin de se conformer avec le droit international, l’ancien président de la République proclame que « l’ouverture du feu nucléaire ne pourrait se faire que dans des ‘circonstances extrêmes de légitime défense' ». Il diminue d’ailleurs d’un tiers l’arsenal nucléaire national au titre du principe de suffisance : la France dispose des moyens strictement nécessaires à sa défense.

En 2020, Emmanuel Macron a donné à la dissuasion française une échelle européenne, la France étant le seul pays doté de l’arme atomique parmi les membres de l’UE. En ce sens, les « intérêts vitaux » du pays ne se limitent plus aux frontières françaises. « Soyons clairs : les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne », avait-il alors affirmé.

Quelles conséquences une frappe doit-elle causer ?

Autre point d’intérêt dans la doctrine française : les dégâts causés par une attaque. Sous le général de Gaulle, la France copie les doctrines américaine et britannique, en y inscrivant la notion de « dommages inacceptables ». Il s’agit alors du « critère clé de ce que doit pouvoir faire la force de dissuasion ».

Celui-ci est précisé sous François Mitterrand. « À titre de garantie ultime, la force de dissuasion doit pouvoir exercer des dommages inacceptables sur le territoire adverse, supérieurs à ce que serait l’enjeu du conflit », explique le site Vie Publique. « Et ce, en toutes circonstances, c’est-à-dire même après une ‘première frappe’ nucléaire adverse sur le sol français. » Quelle partie du territoire adverse serait visée ? D’après la même source, François Hollande laisse entendre au cours de son quinquennat que « les objectifs de la force nucléaire seraient exclusivement les centres de pouvoir de l’adversaire ».

Un missile nucléaire peut-il être utilisé en guise d’avertissement ?

Enfin, toute frappe nucléaire française revêt désormais un caractère stratégique, et ne peut plus être considérée comme un avertissement. Sous François Mitterrand, la France pouvait encore « se réserver la possibilité de délivrer un ultime avertissement, c’est-à-dire une frappe unique, sans doute sur un objectif militaire, destinée à convaincre l’adversaire de cesser son agression ».

Lire aussi : Nucléaire : Joe Biden alerte sur un risque « d’apocalypse »

Cette disposition a été supprimée par Jacques Chirac, qui accorde toutefois le droit « d’exercer l’ultime avertissement au moyen d’un tir en haute altitude, pour affecter les systèmes électroniques adverses, voire paralyser un État ».

Par Idèr Nabili, publié le 7 octobre 2022 à 20h50

https://www.tf1info.fr/international/armes-nucleaires-en-quoi-consiste-la-doctrine-de-dissuasion-francaise-2234704.html