En ce jour de grève nationale, ce 18 octobre, les craintes de pénuries d’électricité persistent alors qu’EDF a repoussé le redémarrage de cinq réacteurs nucléaires.
ÉNERGIES – L’hiver vient, les pénuries aussi ? La crainte d’un manque d’électricité se profile alors qu’EDF a repoussé, le 15 octobre, le redémarrage de cinq réacteurs nucléaires dans un contexte de grève pour les salaires sur certains sites. Une contestation qui se cristallise particulièrement ce mardi 18 octobre, jour de grève nationale.
Les répercussions sur le secteur de l’énergie ne se sont pas fait attendre : EDF a actualisé la date de redémarrage de plusieurs réacteurs. Près de la moitié sont en effet à l’arrêt depuis plusieurs semaines, voire mois pour des travaux de maintenance. Ces retards concernent Cattenom 1, Cruas 2 et 3, Saint-Alban 2 et Tricastin 3 et varient d’un jour à près de trois semaines selon les réacteurs. L’énergéticien n’a cependant pas précisé dans quelle mesure ces retards étaient liés au mouvement social.
Graphique montrant l’indisponibilité des réacteurs nucléaires français.
Ce mouvement vise à faire pression sur les négociations salariales des entreprises du secteur de l’énergie et notamment EDF, où une première réunion est prévue mardi. Car si les salariés du secteur réclament une hausse de salaires de 5 % brut, ils n’ont pour l’heure pas trouvé de compromis. EDF identifiait ainsi des mouvements sociaux sur six sites vendredi mais la CGT en dénombrait neuf samedis. Dans chacune de ces centrales, le syndicat recense des blocages dans les travaux programmés sur un ou plusieurs réacteurs, ainsi que parfois des baisses de puissance.
Emmanuel Macron a-t-il parlé trop vite ?
« Nous sommes aujourd’hui à 30 réacteurs sur 56 qui fonctionnent, nous allons passer dans les prochaines semaines environ 40, l’objectif est de passer à 45 en janvier », avait dit le président Emmanuel Macron dans une interview télévisée mercredi. « Cet objectif, tout indique que nous le tiendrons », a-t-il jugé. Un peu trop prématurément ?
Si cette grève n’a pas d’incidence à ce stade pour le grand public, elle pourrait « impacter le calendrier » de remise à disposition de tranches nucléaires sur le réseau, indiquait vendredi à l’AFP Claude Martin, de la FNME-CGT. En effet, la plupart des centrales en grève étant soumises à des opérations de maintenance. Les mouvements sociaux peuvent « avoir un impact sur le planning de retour en production de certains réacteurs », a indiqué une porte-parole d’EDF à l’AFP. « Pour les réacteurs en production, cela peut se traduire par des baisses de puissance temporaire », a-t-elle ajouté.
Comment le parc nucléaire français doit-il fonctionner dans les prochains mois ?
À l’approche de l’hiver c’est un problème de plus pour la France fragilisée aussi par la sécheresse de l’été qui a fait baisser sa production hydraulique. RTE, le gestionnaire du réseau, a d’ailleurs encore placé cet hiver le réseau électrique sous « vigilance renforcée ». « Nous avons perdu toutes nos marges pour répondre à la demande d’électricité », avait averti dès septembre Xavier Piechaczyk, le président du directoire dans le Parisien.
« Il y a des tranches qui sont en phase de rechargement, suite à des révisions et donc elles sont censées revenir sur le réseau rapidement, mais actuellement, la grève percute ces redémarrages », a assuré Claude Martin, qui a mis en garde sur l’incidence que cela pourrait avoir sur la quantité d’énergie disponible en France lors de la période la plus froide de l’hiver, aux mois de janvier et février.
Ça pourrait coûter (très) cher à EDF
Toutefois, malgré cette grève, les conséquences devraient être peu nombreuses puisque l’exploitation des centrales nucléaires reste très encadrée. En effet, en tant que chargée de service public, EDF a l’obligation de fournir de l’électricité aux Français et donc maintenir son activité quoi qu’il en coûte.
« Nous sommes des salariés responsables », a tenu à rassurer Sylvain Chevalier, délégué syndical CGT à la centrale de Paluel, cité par Le Parisien. « Il n’est pas question de faire peser un quelconque danger sur l’approvisionnement du réseau, mais de taper sur le portefeuille d’EDF pour qu’il entende nos revendications. »
RTE a en effet l’obligation de maintenir une marge minimum de 2 300 mégawatts (MW), soit l’équivalent de la puissance de deux réacteurs nucléaires, entre l’offre (la production) et la demande (la consommation), rappelle La Dépêche.
Et si l’on descend en dessous de cette marge ? EDF sera contrainte d’acheter immédiatement de l’électricité sur les marchés, à un prix bien plus élevé que celui qu’il produit avec ses réacteurs. « Les actions ne pèsent donc que sur les comptes de l’entreprise », estime auprès du Parisien Thomas Plancot, représentant FNME-CGT de la division nucléaire. Ainsi, « un jour de retard sur un arrêt de tranche vaut habituellement 1 million d’euros. Au prix actuel de l’électricité, c’est 5 à 10 fois plus », poursuit-il.
Le gestionnaire du réseau RTE avait jugé en septembre le risque de tension sur le réseau électrique cet hiver « accru » mais « maîtrisable grâce à une forte mobilisation » en faveur d’économies d’énergie.
Par Le HuffPost, publié le 18/10/2022 à 11h41
Photo en titre : Photo de la centrale nucléaire de Paluel en janvier 2021). SAMEER AL-DOUMY / AFP
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