RELANCE DU NUCLÉAIRE ET AMBITIONS CLIMATIQUES À LA BAISSE EN SUÈDE

Le nouveau gouvernement de droite aux manettes depuis quelques semaines promet la construction de nouveaux réacteurs nucléaires afin de faire face à la demande croissante d’électricité. Pour ce pays qui avait décidé de la fin de l’atome par référendum en 1980, c’est un revirement politique et stratégique majeur.

Le nucléaire représente toujours un tiers de la production d’électricité en Suède, même si le pays a fermé six centrales sur 12 en quelques décennies. Dans le programme du gouvernement, il est indiqué que l’entreprise énergétique Vattenfall, l’EDF suédois, doit « immédiatement planifier la construction de nouveaux réacteurs » pour répondre à des besoins en électricité en forte hausse, estimés à 300 Térawattheures en 2045, soit le double d’aujourd’hui.

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Des petits réacteurs modulaires pour remplacer les centrales

Pour cela, il va falloir changer la loi car, actuellement, il n’est pas possible de construire dans d’autres sites que ceux des six centrales restantes. Les réglementations, les procédures de permis de construire notamment, vont être grandement facilitées. La Suède a construit sa dernière centrale il y a 37 ans. Elle n’a plus les compétences nécessaires. Il va donc falloir soit former des ingénieurs -et cela ne se fait pas en un claquement de doigts-, soit faire appel à de la main-d’œuvre étrangère qu’elle soit américaine, française ou sud-coréenne.

La Suède a bien en tête le fiasco finlandais d’Olkiluoto 3, ce réacteur construit par le consortium Siemens-Areva, surpuissant puisqu’à lui seul, il doit couvrir 14% de la consommation finlandaise, mais qui a pris 13 ans de retard. Le budget a donc explosé. En outre, pour la énième fois, il est à l’arrêt alors qu’il avait été mis en service il y a quelques semaines.

La Suède se méfie donc des réacteurs conventionnels. Vattenfall a annoncé qu’elle lançait une étude qui doit durer un an pour évaluer l’intérêt des SMR, les petits réacteurs modulables, plus simples et rapides à construire, mais beaucoup moins puissants.

Des ambitions revues à la baisse

Considérée comme à l’avant-garde des questions environnementales, la Suède participe cette année à la COP27 avec des ambitions climatiques au rabais. Le nouveau gouvernement de droite a même supprimé le ministère de l’Environnement, devenu une sous-entité du ministère de l’Énergie, signe que la Suède se détourne d’un pan historique de sa politique. C’est la Suède qui la première, en 1967, avait proposé d’accueillir une conférence internationale des Nations unies sur le climat (celle-ci se tiendra en 1972) et qui fut aussi le premier pays à adopter une loi sur la protection de la nature.

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Le ministère de l’Environnement suédois existait depuis 1987, et l’objectif de neutralité carbone était visé d’ici à 2045. Cela semble compromis avec les mesures prévues dans le budget qui sera présenté ce 8 novembre 2022 au Parlement. Il prévoit une baisse des prix de l’énergie, des déductions fiscales pour les usagers de la voiture, des baisses de taxe sur le diesel utilisé par les machines agricoles et forestières, mais aussi, la réduction de la quantité de biocarburant minimum dans le mix diesel : une mesure qui à elle seule va faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre de la Suède de plus de 10% selon l’Agence de l’Environnement suédoise.

Ces promesses de campagne sont populaires bien sûr puisqu’elles favorisent le pouvoir d’achat, mais néfastes pour l’environnement et pour les finances publiques : elles vont amputer les caisses de l’État suédois de 860 millions d’euros.

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Par RFI , avec notre correspondante à Stockholm, Carlotta Morteo, publié le 08/11/2022 à 11h13

Photo en titre : Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson lors d’une conférence de presse à la COP27 lundi 7 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte. AP – Thomas Hartwell

https://www.rfi.fr/fr/europe/20221108-relance-du-nucl%C3%A9aire-et-ambitions-climatiques-%C3%A0-la-baisse-en-su%C3%A8de