« Sortir du nucléaire » reproche à Orano (ex-Areva) de ne plus vouloir reboucher un forage, près de l’ancienne mine de Buhulien, qu’elle suspecte de polluer l’eau. Le forage n’a « aucun impact », répond Orano, et son rebouchage entraînerait d’autres émergences d’eau.
Et revoilà l’ancienne mine de Buhulien, à Lannion. Plus de soixante années après la fin de l’exploitation d’uranium à Traou ar Ru, l’association Sortir du nucléaire (SDN) Trégor s’est fendue, lundi 19 décembre, d’une lettre ouverte à l’attention de la société Orano (ex-Areva), plus précisément Orano Mining, son entité spécialisée dans les activités minières.
Dans cette lettre, SDN dénonce ce qu’elle interprète comme un « changement radical de discours » de l’entreprise. Changement qui se manifesterait dans un courrier adressé par Orano au maire de Lannion daté de juin 2022. Dans ce courrier, l’entreprise renonce à un engagement pris en 2017 de reboucher un forage situé au niveau du GR 34, près de l’ancienne mine. Interrogé sur ce courrier, Paul Le Bihan n’en garde pas souvenir. Le maire de Lannion explique avoir interrogé ses services à ce sujet. Il précise : « La ville a rempli ses engagements en clôturant la zone et en mettant la signalétique adéquate ».
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Sortir du nucléaire estime, citant le travail du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), que les eaux d’exhaure (évacuées du forage, NDLR), qui alimentent une zone humide proche du Léguer, présentent de très fortes teneurs en radium. Dans la zone en question, « des teneurs en arsenic supérieures à l’inventaire minier ont également été détectées dans les terres et les sols ». Le BRGM recommandait donc le bouchage du forage.
Lannion, ancienne commune de Buhulien. Sortir du nucléaire réclame à Orano (ex-Areva) le colmatage de ce forage lié à l’ancienne mine d’uranium. Il émerge près du GR 34, au bord du Léguer. (Le Télégramme/Jérôme Bouin)
« Aucun impact sanitaire, ni autour, ni en aval »
Sollicité par Le Télégramme, Orano confirme avoir retiré sa proposition de rebouchage. Une décision prise en 2018, indique le groupe, et effectivement signifié à la mairie. « Il n’y a aucun impact sanitaire de ce forage, ni autour, ni en aval hydraulique », précise l’entreprise. Sur place, la ville de Lannion a, elle, apposé un panneau « Zone polluée ».
Orano juge, sur la base d’une étude hydrogéologique et des travaux du BRGM, avoir « la preuve qu’il n’existe aucun lien entre le forage artésien et l’ancien site minier ». D’où provient l’écoulement ? « Du réseau de faille naturelle qui draine le massif ». Un rebouchage créerait de « nouvelles émergences, dont la localisation serait impossible à prédire et qui présenteraient les mêmes caractéristiques que celles provenant du forage actuel ».
« Cet argument ne tient pas, selon SDN. Comment croire qu’au moment où Areva s’engageait à prendre à sa charge ce colmatage, elle n’était pas capable d’imaginer que cette cimentation pourrait engendrer des résurgences ? (…) Comment imaginer qu’une grande société (…) soit capable de revenir sur des engagements publics dont l’objet concerne ni plus ni moins que la santé des usagers du site ».
Publié par Jérôme Bouin le 20 décembre 2022 à 18h26
Photo en titre : Lannion, ancienne commune de Buhulien. Au bord du Léguer et du GR 34, cette zone humide a été clôturée et des panneaux apposés par la municipalité indiquent que l’eau n’y est pas potable. (Le Télégramme/Jérôme Bouin)
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