NUCLÉAIRE : EDF À L’ORÉE D’UNE ANNÉE ENCORE COMPLIQUÉE

Des travaux préventifs sur six réacteurs risquent de faire de 2023 une nouvelle année difficile pour EDF et la production d’électricité en France.

La « remontada » du nucléaire français a bien eu lieu avant Noël mais tout n’est pas réglé : l’annonce ces derniers jours par EDF de grosses réparations « préventives » sur des réacteurs augure d’une année 2023 encore incertaine pour la sécurité d’approvisionnement électrique du pays.

Des arrêts pour travaux en 2023

Tout est parti d’une note d’information d’EDF publiée vendredi dernier, en toute discrétion. Au moment où EDF rebranche de nombreux réacteurs juste à temps pour l’hiver, le groupe annonce des réparations à mener l’an prochain sur six réacteurs exposés à des risques de corrosion. Soit plus de cinq mois d’immobilisation chacun.

« Évidemment, c’est une mauvaise nouvelle, on est dans une série noire. À un moment où l’électricité coûte cher, le mégawattheure qu’on ne produit pas est un manque à gagner terrible », souligne Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Énergie.

Production nucléaire au plus bas en 2022

Ces annonces surviennent alors qu’en 2022 la production nucléaire va atteindre son plus bas historique, entre 275 et 285 térawattheures (TWh), conséquence de maintenances en retard depuis la covid-19, et de la découverte fin 2021 d’un problème de corrosion sur des tuyauteries cruciales, dont le rôle est d’injecter des trombes d’eau pour refroidir le cœur en cas d’accident.

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Plutôt que de les contrôler un par un, le groupe a décidé de traiter d’office avant la fin 2023 ses 16 réacteurs les plus récents et puissants, qui par leur « design » sont très exposés à ce risque de fissures. À ce jour, dix sont déjà réparés ou en cours, et six vont donc l’être en 2023. Objectif : gagner du temps.

Prudence sur les calendriers

Or les calendriers de redémarrage annoncés en 2022 par EDF n’ont quasiment jamais été tenus, présageant des retards également en 2023. « Il faut rester prudent car EDF a toujours été trop optimiste sur ses calendriers de travaux », relève Émeric de Vigan, vice-président chargé des marchés électricité chez Kpler. « Un aléa tel que la corrosion désorganise quand même beaucoup le planning des maintenances, donc on pourrait s’attendre à ce qu’EDF révise prochainement son calendrier », poursuit-il.

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Depuis vendredi dernier, EDF a déjà annoncé que quatre réacteurs (sur 56) ne pourraient pas être rebranchés avant la fin de cet hiver, dont trois en raison de ces mêmes problèmes de corrosion. Conséquence : l’annonce de ces arrêts plus longs que prévu « risque de faire dérailler la production de 300-330 TWh prévue en 2023 en supprimant 28-32 TWh » au premier semestre, estime Patricio Alvarez, analyste chez Bloomberg Intelligence.

Risque de tensions pas plus élevé en 2023

Pour l’heure, EDF maintient son objectif de production en 2023, avec comme obsession, de « préserver l’hiver 2023-2024 ». « 300-330 TWh, c’est toujours plus qu’en 2022, mais cela reste très très bas, bien loin de l’époque où EDF produisait 430 TWh comme en 2005 », souligne Julien Teddé.

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Pour autant, le risque de tensions sur l’approvisionnement électrique ne devrait pas être pire l’année prochaine qu’en 2022. « Je ne suis pas archi-pessimiste, car il y a beaucoup de gaz qui va continuer à arriver grâce au GNL américain, et la baisse de la consommation électrique est bien là. On aura toujours le même suspense mais la situation devrait être meilleure », prédit Émeric de Vigan.

RTE se veut rassurant

De son côté, le gestionnaire du réseau de haute tension RTE livre des analyses rassurantes pour l’hiver prochain, même si cela restera à confirmer en juin dans son bilan prévisionnel pour les prochaines années. « Les tensions ne devraient pas totalement disparaître au cours de l’hiver 2023-24 mais la situation ne sera pas plus critique que celle de cet hiver 2022-23, où la disponibilité du parc nucléaire n’était que de 35 GW au 1er décembre », dit Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE.

L’immobilisation des six réacteurs pour réparation pendant cinq mois en 2023, concernera « plus spécifiquement le printemps et l’été » et sera compensée par le retour de ceux réparés en ce moment. In fine, RTE prévoit « une remontée durant l’automne pour maximiser la production lors de l’hiver ».

Et la sécurité d’approvisionnement ne dépendra pas que du nucléaire : « si les efforts de sobriété sont maintenus à leur niveau actuel (-9 %), le risque de tension sera réduit », estime RTE qui insiste aussi sur une accélération du développement des énergies renouvelables.

Publié le 25 décembre 2022 à 16h23

Photo en titre : Alors que sont remis en route de nombreux réacteurs, EDF annonce de nouveaux travaux pour 2023. (Photo d’archives Claude Prigent/Le Télégramme)

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