Le 10 février 2022, Emmanuel Macron a annoncé à Belfort la construction de trois paires d’EPR2 en France d’ici à 2050, et demandé à EDF d’en étudier l’implantation de huit autres. Mais de quoi s’agit-il ?
Toute la nuance est dans le « 2 ». Alors qu’EDF n’a toujours pas mis en service son nouveau réacteur nucléaire EPR à la centrale de Flamanville (Manche), dont le chantier a pourtant débuté en 2002, Emmanuel Macron a quand même annoncé en février 2022 à Belfort la construction de trois paires d’EPR2 en France, et a demandé à EDF d’en étudier l’implantation de huit autres d’ici à 2050.
Pourtant, comme pour la fermeture de la centrale nucléaire de Fesseinheim (Haut-Rhin) en 2020, le lancement d’un nouveau programme nucléaire en France devait être lié au démarrage de l’EPR de Flamanville 3, la tête de série des Evolutionary Power Reactor, des réacteurs à eau pressurisée de génération III+ post Tchernobyl conçus par Framatome et l’allemand Siemens dans les années 1990. Or aujourd’hui, seuls les Chinois ont réussi à en mettre deux en service commercial, à Taïshan en 2018 et 2019. La mise en service de la deuxième tête de série des EPR, construite par Areva et Siemens à la centrale Olkiluoto en Finlande, vient, elle, d’être encore repoussée.
Aussi sûr mais plus simple à construire
EDF a réussi à persuader le gouvernement qu’il avait développé un nouveau modèle, l’EPR2, aussi sûr que l’EPR, mais plus facile et moins cher à construire. EDF y travaillerait avec Framatome depuis 2014, sous le nom de code EPR-NM (nouveau modèle). Une coentreprise avec sa filiale Framatome, Edvance a aussi été créée en 2017 pour mutualiser plus efficacement les efforts d’optimisation de la constructibilité des EPR des deux équipes d’ingénierie. Mais contrairement à ce qui avait pu être envisagé, l’EPR2 aurait la même puissance que l’EPR et le même cœur nucléaire.
Tout ce qui est autour qui a été revu et notamment la réalisation, voire la robotisation d’un maximum de soudures en usine et non plus sur le chantier. «Nous sommes à un niveau d’études techniques très avancé sur le modèle que l’on appelle l’EPR 2, qui est au même niveau de sûreté que l’EPR et utilise les mêmes composants. Nous avons tout fait pour que l’EPR 2 ne soit pas une tête de série. Mais nous avons intégré tous les retours d’expérience des EPR précédents, en standardisant le plus possible le modèle, y compris en s’appuyant sur les fournisseurs, pour faciliter la construction et réduire les coûts», expliquait Xavier Ursat à l’Usine Nouvelle fin 2021. Un nouveau design validé en juillet 2019 par l’Autorité de sûreté du nucléaire.
Plus que 571 sortes de robinets
L’effort a aussi porté sur la rationalisation de 22 catalogues d’usage obligatoire «pour passer de l’artisanat à l’industrie», explique Alain Tranzer, le pilote du plan Excell d’EDF de reconquête de la confiance dans la filière nucléaire lancé fin 2019. Ce travail a par exemple permis de passer de 13 309 références de robinet pour un EPR2… à 571, et de 1 517 types de câbles à 14, ou encore de 214 modèles de portes à 91, et de 836 gabarits de tuyauterie à 257, de 800 pompes non classées à 63… De quoi faire de sacrées économies d’échelle. «Un EPR, c’est 20 000 robinets par réacteur», rappelle Alain Granzer.
En revanche, le génie civil, qui dépend de chaque emplacement choisi, est difficile à standardiser. Pour la première paire d’EPR qui doit être construire sur la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime), même si un emplacement était déjà bétonné pour accueillir deux nouveaux réacteurs, il va quand même falloir trancher une partie de la falaise pour les faire entrer ! En attendant le « go » des parlementaires – le nouveau programme nucléaire doit faire l’objet d’une loi- , des travaux préparatoires sur le site ont commencé.
Par Aurélie Barbaux, publié le 26 Décembre 2022 à 11h00
Photo en titre : Si le design des EPR2 à été optimisé, le génie civil dépendra de la configuration des sites choisis, comme à Penly, qui accueillera la première paire. © DR
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