La Russie va installer des armes nucléaires en Crimée et en Biélorussie. Depuis le début du conflit en Ukraine, Moscou n’a de cesse de brandir la menace nucléaire. A-t-elle atteint un pic? Luc De Vos, professeur de sciences militaires à l’École royale militaire, explique dans les colonnes du journal Het Laatste Nieuws pourquoi le président russe agit de la sorte et quelles en sont les conséquences.
L’information sur le déplacement des armes nucléaires provient d’Andriy Yusov, porte-parole des renseignements militaires ukrainiens. Pour autant, cela n’inquiète pas outre mesure le professeur Devos. “En faisant cela, la Russie veut montrer que la Crimée et la Biélorussie sont des territoires russes”, affirme l’expert.
Retombées radioactives
“Déployer des armes nucléaires est une chose, les utiliser efficacement est complètement différent”, poursuit Luc Devos. “Supposons que les Russes lancent une frappe nucléaire dans le Donbass. Ils risqueraient de contaminer la région et même un morceau de la Russie. S’ils ciblent l’extrême ouest ukrainien, à Lviv par exemple, ils risqueraient alors que des retombées radioactives se répandent sur un pays de l’OTAN, comme la Pologne. Cela déclencherait automatiquement une guerre entre la Russie et l’OTAN, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer. Viser le centre de l’Ukraine serait également un pari risqué car les poussières radioactives peuvent se propager à des milliers de kilomètres. Souvenez-vous de la catastrophe de Tchernobyl.”
Le fait que la Russie veuille également installer des armes nucléaires en Biélorussie ne surprend pas M. De Vos. “Le président Loukachenko ne doit sa place qu’au soutien de Poutine. Sans lui, son histoire est terminée”, rappelle-t-il.
“Honnêtement, je ne suis pas inquiet du déplacement de ces armes nucléaires”, confie le professeur. “N’oubliez pas qu’à l’origine, il y avait des armes nucléaires en Biélorussie et au Kazakhstan et que la plupart d’entre elles étaient même stockées en Ukraine. Dans le cadre de la non-prolifération, l’Ukraine a été persuadée de donner ces armes nucléaires à la Russie et les Russes ont ensuite promis l’intégrité territoriale à l’Ukraine. Les Ukrainiens doivent certainement regretter ce choix car s’ils avaient conservé ces armes, ils n’auraient jamais été envahis. Pourquoi croyez-vous que personne ne touche à la Corée du Nord?”
Guerre froide
Quel type d’armes nucléaires la Russie possède-t-elle réellement? “Ils ont tout, du très ancien au très moderne”, détaille Luc De Vos. “Mais il n’y a pas que les armes, il faut évidemment ajouter les vecteurs nucléaires, à savoir les avions, les missiles de croisière, les sous-marins… Les Russes ont des stocks énormes. Nous en avons été témoins ces derniers mois.”
Menacer et déplacer des armes nucléaires: cela rappelle la guerre froide. “Je vois effectivement un parallèle, mais la guerre froide avait un gros avantage: la Russie avait alors un leadership collectif, alors qu’elle est aujourd’hui dirigée par un seul homme. Les dirigeants soviétiques se contrôlaient mutuellement et, de cette manière, la guerre froide était plus sûre que la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. En Occident, vous aviez aussi toutes sortes de mécanismes de sécurité. Et toujours aujourd’hui, le président américain ne peut pas ‘appuyer sur le bouton’ tout seul. Néanmoins, je ne pense pas que Poutine détienne également un tel pouvoir.”
Cessez-le-feu
Jeudi, Poutine a appelé à un cessez-le-feu de 36 heures pour célébrer le Noël orthodoxe. La trêve unilatérale durera jusqu’à samedi soir. “Je ne pense pas que Poutine veuille gagner du temps avec un cessez-le-feu unilatéral, je pense qu’il s’agit principalement de propagande pour les chrétiens orthodoxes en Russie ainsi qu’en Ukraine. C’est aussi un peu tactique, car les soldats voudront utiliser leur téléphone portable pour appeler leur famille. Poutine craint d’être bientôt confronté à un autre incident de ce type (les Ukrainiens ont pu détecter les soldats russes lors de la frappe mortelle à Makiivka car ceux-ci avaient utilisé leurs téléphones portables, NDLR) et il veut à tout prix éviter une nouvelle humiliation.”
Par la Rédaction, (Source:Het Laatste Nieuws), publié le 07-01-23 à 08h45, dernière mise à jour à08h50
Photo en titre : Luc De Vos, professeur de sciences militaires à l’École royale militaire, explique le choix de la Russie de déplacer des armes nucléaires en Crimée et en Biélorussie. © Twitter@serhey-hayday / Photonews
Commentaires récents