L’Andra a déposé au gouvernement sa demande d’autorisation de création du projet Cigéo, à Bure. Les militants s’en inquiètent.
C’est une nouvelle étape clé pour le projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse). L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a déposé auprès du ministère de la Transition écologique sa demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo, son projet de Centre industriel de stockage géologique. Dans les trente prochains mois, l’Agence de sûreté nucléaire (ASN), appuyée par l’IRSN, analysera les quelque 10 000 pages du dossier afin de vérifier la sûreté du projet Cigéo, dans ses phases d’exploitation, mais aussi à très long terme après la fermeture du stockage.
Ce projet contesté prévoit l’enfouissement à 500 mètres de profondeur des déchets les plus radioactifs issus des centrales nucléaires françaises. L’Andra mise sur un dépôt des premiers colis à l’horizon 2035-2040, avec une capacité totale de 83 000 m3, avant fermeture définitive du site pour 100 000 ans — délai au-delà duquel les déchets ne seront plus radioactifs. Le dossier déposé comprend ainsi les caractéristiques techniques du site (de la description de l’installation en surface et en souterrain), de son fonctionnement (l’arrivée des colis jusqu’à leur mise en stockage), mais aussi son étude d’impact et les démonstrations de sûreté (contre les incendies, les risques d’inondations ou encore de dysfonctionnements) à court et long termes.
Suivra ensuite l’étape de consultation qui « permettra de recueillir les avis des autorités concernées […], mais également ceux des collectivités territoriales », explique le communiqué de l’Andra. Viendra ensuite une énième enquête publique, prévue à l’horizon 2026, pour « solliciter l’avis du public »
« Le lancement irréversible de Cigéo »
« Au terme de l’instruction expresse de trente mois, un décret pourrait lancer en 2027, sans plus aucun regard parlementaire, les travaux de la “phase pilote” », a dénoncé Bure Stop dans un communiqué. La phase pilote devrait effectivement commencer rapidement, avec la construction des principaux ouvrages de surface, mais aussi des premiers ouvrages souterrains. « Cette opération engloutirait plus de 5 milliards d’euros, soit la quasi-totalité des provisions pour la mise en œuvre de Cigéo sur environ 130 ans. Ce “test grandeur nature” est une énorme supercherie : ce chantier serait le lancement irréversible de Cigéo. Quel gouvernement aurait le courage de stopper un tel investissement ultérieurement ? » poursuit l’association.
Sortir du nucléaire dénonce un « calendrier hasardeux et antidémocratique ». « Une concertation nationale est en cours sur le futur mix énergétique de la France, ainsi qu’un débat public sur le projet d’EDF de construction de trois paires d’EPR2 », rappelle l’association, pointant également les incertitudes techniques et financières pesant sur les projets et leurs conséquences en termes de déchets.
En juillet dernier, le projet Cigéo a été déclaré d’intérêt public. Cette déclaration fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, déposé en septembre. Bure Stop accuse aussi le gouvernement de vouloir mettre les citoyens « devant le fait accompli d’un projet imposé ». Ils estiment que ce calendrier « accéléré […] s’inscrit sans aucun doute dans la volonté du gouvernement de presser la construction d’un nouveau parc nucléaire ».
Une coalition d’organisations et collectifs appelle à une mobilisation européenne le 3 juin à Bure contre le nucléaire.
Par Violaine Colmet Daâge, publié le 18 janvier 2023 à 15h41, mis à jour le 19 janvier 2023 à 09h30
Photo en titre : L’Andra a déposé officiellement sa demande d’autorisation de création du projet Cigéo, à Bure. Ici, des manifestants à Nancy, en 2019. – © Franck Dépretz / Reporterre
Message de Reporterre
… nous avons un petit service à vous demander. Chaque mois, plus d’un million et demi de personnes font confiance au travail des journalistes de Reporterre pour se tenir informées sur l’urgence écologique. En 2022, plus de 31 700 de ces lectrices et lecteurs ont financé le journal par des dons. Ce soutien permet à Reporterre de rester en accès libre, sans aucune publicité, et totalement indépendant. Contrairement à de nombreux autres médias, Reporterre n’a pas d’actionnaires ni de propriétaire milliardaire. Le journal, à but non lucratif, est libre de toute influence commerciale ou politique.
Nous avons la conviction que le ravage écologique est l’enjeu principal de ce siècle. À ce titre, il nous semble que ce sujet doit être mis en avant chaque jour dans le débat public. Les articles, reportages et enquêtes que vous pouvez lire sur le site sont vitaux pour la démocratie, pour la prise de conscience écologique, et pour exiger mieux de nos dirigeants.
Tous nos articles sont en accès libre, pour tous. Nous le faisons parce que nous croyons en l’égalité de l’accès à l’information. Ainsi, davantage de personnes peuvent suivre l’actualité de l’écologie, comprendre l’impact du désastre en cours sur la population, et agir. Tout le monde peut bénéficier d’un accès à des informations de qualité, quelle que soit sa capacité à payer pour cela.
S’il y a bien un moment pour nous soutenir, c’est maintenant. Chaque contribution, grande ou petite, renforce notre capacité à porter l’écologie au cœur de l’agenda médiatique et politique, et assure notre avenir. Même avec 1€, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Si vous le pouvez, soutenez le journal avec un don mensuel. Merci.
📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info
Abonnez-vous en moins d’une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.
Commentaires récents