Prolongation de réacteurs jusqu’à 60 ans voire au-delà, changement climatique, gestion des déchets : l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) réclame une « meilleure anticipation » des enjeux de sûreté nucléaire à l’heure où la France planche sur sa future politique énergétique.
Jusqu’à quand prolonger la vie des réacteurs français? L’ASN s’est dite prête à donner un avis dès 2026 sur une prolongation jusqu’à 60 ans, voire au-delà, à condition que l’exploitant EDF étudie cette possibilité sans attendre. « L’ASN souhaite que l’hypothèse d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs actuels jusqu’à et au-delà de 60 ans soit étudiée et justifiée par anticipation par EDF d’ici fin 2024« , a dit Bernard Doroszczuk, le président de l’ASN, lors de ses vœux à la presse.
Certains composants comme la cuve, élément le plus sensible du réacteur, ne sont en effet « pas remplaçables« , et d’autres le sont « difficilement« , comme les coudes moulés fixés à la cuve. D’où la nécessité d’anticiper. La question d’une éventuelle prolongation des réacteurs les plus anciens, mis en service à la fin des années 1970 et dans les années 1980, doit être étudiée « avec au moins 10 ou 15 ans d’anticipation« , c’est-à-dire « dans les 3 à 4 ans qui viennent« , a expliqué M. Doroszczuk.
Cette échéance doit permettre « une instruction approfondie débouchant sur une prise de position de l’ASN d’ici fin 2026« , a expliqué l’ASN.
La plupart des réacteurs français approchent la quarantaine d’années, leur durée de fonctionnement initialement prévue. Le gendarme du nucléaire a acté en 2021 le principe de l’allongement de la durée de vie des plus anciens au-delà de 40 ans, avec des travaux. « À ce stade, nous discutons d’objectifs généraux pour aller de 50 à 60 ans« , a souligné le président de l’ASN, en évoquant l’exemple des États-Unis.
« Nous souhaitons nous enrichir des expériences de l’étranger qui ont accepté que leur réacteurs soient au-delà de 40, puis 60 ans« , et même, pour les États-Unis, 80 ans, a précisé M. Doroszczuk.
Changement climatique
En attendant, la France entame une année cruciale pour son avenir énergétique. Le Parlement doit légiférer, au mieux cet été, sur les objectifs énergétiques du pays, et la part dévolue à chaque type d’énergie (nucléaire, renouvelables, etc.), ce qui lui permettra ainsi d’acter, ou non, la relance d’un programme nucléaire souhaité par le gouvernement.
Selon la feuille de route déroulée en février 2022 par Emmanuel Macron, il s’agit de doter la France de six nouveaux réacteurs de nouvelle génération (EPR2) avec une option pour huit autres, en plus des 56 réacteurs actuels, pour accompagner la sortie des énergies fossiles et la croissance des besoins en électricité.
L’ASN voudrait que ses préoccupations d’anticipation des défis de sûreté soient prises en compte dans la loi qui fixera les futurs choix énergétiques du pays. « Les réflexions et le débat engagés sur les nouvelles perspectives nucléaires doivent porter sur l’ensemble du parc et pas seulement sur les nouveaux réacteurs« , a estimé M. Doroszczuk.
Ces réflexions doivent également être menées sur le choix du « retraitement » de l’uranium et « l’avenir du cycle du combustible et la gestion dans des conditions sûres des déchets associés« , a souligné le président du gendarme nucléaire.
Les « conséquences des évolutions climatiques » devront être « davantage anticipées« , tant sur le parc en service que pour les installations neuves, ajoute l’ASN: ces enjeux devront être intégrés dans les démonstrations de sûreté d’EDF liées à la poursuite d’exploitation jusqu’à 60 ans.
Comment les centrales sont-elles concernées par le réchauffement? Car elles sont soumises à des limites sur la température de l’eau qu’elles rejettent dans les cours d’eau. Les centrales pompent en effet de l’eau pour le refroidissement des réacteurs, avant de la rejeter. Cet été, pendant les canicules, plusieurs réacteurs avaient dû abaisser leur production électrique, pour ne justement pas dépasser ces limites.
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Par AFP et Connaissance des Énergies, publié le 23 janvier 2023 à 18h51
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