C’est la question que pose le retournacois Renaud Daumas, Conseiller régional au sein des Écologistes Auvergne-Rhône-Alpes. Suite aux vœux parlementaires 2023, le Sénateur Laurent Duplomb (NDLR : Les Républicains) s’est félicité sur la démarche du gouvernement à simplifier l’installation des centrales nucléaires en France. Un propos « radioactif » pour Renaud Daumas.
« J’ai quand même un espoir, a partagé en ces termes le Sénateur LR, Laurent Duplomb, dans un article paru le 12 janvier. Le gouvernement s’est tellement mis de boulets aux pieds qu’il a fini par réagir dans le bon sens en arrêtant la sur-administration. Mon espoir réside sur l’installation de six réacteurs nucléaires. Quand jadis, ce même gouvernement nous expliquait avec une arrogance incroyable que les normes étaient là pour le bien de tous, il fait enfin demi-tour. Ainsi, pour aller plus vite dans la construction des centrales nucléaires, on va pouvoir déroger sur les permis de construire en donnant la décision non plus aux communes mais à l’État. »
Il ajoute aussi : « On va aussi pouvoir déroger sur les règles environnementales telle que la loi Littoral. Il sera même possible de déroger sur le droit de propriété ».
Lire aussi : Vœux parlementaires (4 sur 4) : Laurent Duplomb accuse « le non-sens de l’exécutif » 12 jan 2023
« L’indépendance énergétique est donc une complète illusion ! »
À la lecture de ces points de vues, Renaud Daumas, Conseiller régional Les écologistes et maraîcher de profession à Retournac, ne cache ni sa colère ni son incompréhension. « Comment peut-on encore réfléchir au développement de ce genre d’énergie avec toutes les contraintes et tous les risques qu’elle détient ? », s’insurge-t-il.
« Plusieurs scénarios (négaWatt, ADEME, trois scénarios élaborés par RTE…) démontrent que se passer du nucléaire est techniquement réalisable et parfaitement compatible avec nos objectifs climatiques ». Renaud Daumas
Il continue : « Le nucléaire, comme tout le monde le sait, est dangereux. Et c’est sans parler des déchets radioactifs dont on ne sait que faire. Le nucléaire n’est pas fiable et le sera de moins en moins avec l’asséchement des cours d’eau qui permettent le refroidissement des réacteurs. La construction d’une centrale met des années pour voir le jour. C’est une filière à bout de souffle ».
« En octobre 2021 un rapport interne de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat révèle que les nouveaux réacteurs en projet seraient bien plus coûteux qu’annoncé et leur construction très longue. Selon leurs analyses, les premiers réacteurs seraient opérationnels en 2040, voire en 2045 ». Renaud Daumas
Il enfonce encore : « Laurent Duplomb, tout comme le gouvernement actuel, nous chante les louanges du nucléaire en insistant sur la souveraineté énergétique qu’il génère. C’est un enfumage total ! L’uranium des centrales françaises est 100 % importé. L’indépendance énergétique est donc une complète illusion ! »
La France dépendante à 100 % des pays étrangers pour son approvisionnement en uranium « On nous accuse nous d’en être les responsables ? C’est hallucinant »
D’après plusieurs informations contenues dans les médias Europe 1, Le Monde ou encore Reporterre, la France est loin d’être indépendante énergétiquement avec ses 56 centrales nucléaires. « L’Hexagone dépend des importations de gaz mais aussi, et c’est peut-être moins connu, de celles d’uranium. C’est pourtant le carburant des réacteurs », est-il soulevé dans un article d’Europe 1.
« On importe intégralement cette ressource puisqu’il n’y a plus de mines en France »
En France, il n’existe plus aucune mine d’uranium depuis le début du nouveau millénaire. Les près de 11 000 tonnes de ce métal provient principalement du Canada, de l’Australie, du Niger, de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan. Ludovic Dupin, Directeur de l’information de la société française d’énergie nucléaire affirme : « On importe intégralement cette ressource puisqu’il n’y a plus de mines en France. La France consomme environ 7.000 tonnes d’uranium naturel par an ».
Un sacré coup pour l’indépendance énergétique de la France
Le journal Le Monde pose un grand paradoxe sur la communication du gouvernement quant à la fameuse indépendance énergétique. « Dans son bilan annuel, le ministère de la transition écologique affirme que l’indépendance énergétique de la France s’élève à 55,3 % en 2020 et 53,4 % à l’été 2021, signale un article du 24 janvier 2022 du Monde. Cela signifie que plus de la moitié de l’énergie consommée en France est produite sur le sol français. Mais alors comment arrive-t-on à ce taux, alors que le nucléaire représente 70 % de l’électricité produite, et que 100 % du combustible est importé ? »
La réponse tient dans une convention statistique issue de l’Agence internationale de l’énergie et Eurostat qui recommande de prendre en compte en tant qu’énergie primaire la chaleur émise par le réacteur plutôt que le combustible utilisé pour le faire fonctionner.
Pourtant, comme l’admet lui-même le Ministère de la transition écologique en page 28 de son Bilan énergétique : « Dans le cas de la France, qui a recours intégralement à des combustibles importés, le taux d’indépendance énergétique perdrait environ 40 points de pourcentage, pour s’établir autour de 12 % en 2019, si l’on considérait comme énergie primaire le combustible nucléaire plutôt que la chaleur issue de sa réaction. »
Renaud Daumas est indigné par « les critiques de Laurent Duplomb, Laurent Wauquiez et consort qui consistent à dire que la crise énergétique actuelle est causée par les écologistes ». « C’est juste fou d’entendre ça !, mord le Conseiller régional. Est-ce que les écolos ont été au pouvoir à un moment donné ? On nous accuse de tous les maux alors que nous prévenons les gouvernements successifs depuis les années 1970 de la crise environnementale et énergétique à venir. Maintenant que nous la subissons tous, on nous accuse nous d’en être les responsables ? C’est hallucinant ».
Lire aussi : Laurent Wauquiez accuse les écologistes d’être nocifs…pour l’environnement 21 oct 2022
Une centrale nucléaire à Saint-Paulien
Sans pause, le maraîcher de Retournac continuer de démonter les interventions du Sénateur de Haute-Loire. « Si une centrale nucléaire s’installait à St-Paulien, comment réagirait Laurent Duplomb ?, demande-t-il. Serait-il aussi enclin à leur édification ? Se réjouir de la construction rapide de réacteurs nucléaires dans le contexte mortifère de l’environnement est irresponsable ».
Renaud Daumas tient à souligner ce détail d’importance : « Encore une fois, nous n’avons jamais dit qu’il fallait stopper le nucléaire du jour au lendemain. Nous comprenons bien que c’est impossible. Mais de là à relancer une filière qui ne marche pas et qui est dépendante d’autres pays comme par exemple la Russie pose vraiment question ».
La France et la Russie, une famille nucléaire
Un article du Monde en date du 29 novembre 2022 indique que la France est dépendante de la Russie non pas pour son approvisionnement mais pour « recycler l’uranium issu des combustibles utilisés dans les cinquante-six réacteurs du parc ». Rosatom en Sibérie serait la seule installation à être capable de procéder ainsi à cette transformation.
En complément, le média Reporterre rappelle qu’une livraison de cinquante-deux fûts de déchets radioactifs en partance de Dunkerque vers la Russie avait été dénoncée par Greenpeace en août 2022. Le Président français avait pourtant martelé à maintes reprises « ne vouloir faire preuve d’aucune faiblesse, aucun esprit de compromission à l’égard de l’agresseur de l’Ukraine », souligne Reporterre en citant Emmanuel Macron.
Par Nicolas Defay, publié lundi 30/01/2023 à 06h00
Photo en titre : 100% de l’uranium est importé pour alimenter les centrales nucléaires françaises. Photo par DR
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