NOMBRE D’OGIVES, TESTS NUCLÉAIRES… QU’EST-CE QUE LE TRAITÉ NEW START, DONT LA RUSSIE S’EST DÉSENGAGÉE ?

Vladimir Poutine a annoncé, ce mardi, que la Russie suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire, accentuant le risque d’escalade du conflit.

« Très décevante et irresponsable » pour Washington, « irréfléchi » pour Londres. Les membres de l’Otan n’ont pas mâché leurs mots au moment d’évoquer la suspension de la participation de la Russie dans le traité New Start. Une décision annoncée quelques heures plus tôt par Vladimir Poutine dans son discours à la nation. De son côté, Paris a appelé Moscou à « faire preuve de responsabilité et à revenir au plus vite » sur sa décision. Mais qu’y a-t-il exactement dans ce traité pour provoquer de telles réactions ?

Un traité historique issu de la Guerre froide

Le traité New Start (ou Start II) a été signé le 8 avril 2010 à Prague, la capitale tchèque, par les présidents de l’époque, Barack Obama et Dmitri Medvedev, en vue de poursuivre le désarmement nucléaire des deux pays, et de « réinitialiser » les relations entre les deux pays. Il correspond à la suite du premier traité Start I (Strategic Arms Reduction Treaty, Traité sur la réduction des armes stratégiques, en français) signé en 1993 par George Bush et Mikhaïl Gorbatchev, qui a expiré le 5 décembre 2009.

Faute d’accord, notamment en raison de la volonté de Donald Trump de voir la Chine intégrer le traité, New Start devait d’abord expirer en début d’année 2021. Malgré un climat de défiance mutuelle, Moscou et la nouvelle administration de Joe Biden avaient trouvé un accord in extremis en janvier 2021 pour le prolonger de cinq ans, jusqu’au 5 février 2026. Après le retrait des États-Unis sur le nucléaire iranien et l’accord « Ciel Ouvert » de surveillance aérienne, New Start était le dernier traité liant Washington et Moscou sur la question du nucléaire.

Un armement nucléaire limité pour les deux pays

Les deux pays détiennent, selon les sources, près de 90 % de l’arsenal nucléaire mondial. L’accord New Start tentait de limiter ces arsenaux à un maximum de 1 550 ogives stratégiques offensives déployées chacun, soit une réduction de près de 30 % par rapport à la limite précédente fixée en 2002. Le nombre de lanceurs et de bombardiers ne doit pas non plus dépasser 800 unités. Bien que limités, les arsenaux nucléaires des deux pays restent capables de détruire la Terre… plusieurs fois.

À lire aussi : Armes nucléaires «tactiques» : puissance, dégâts… faut-il prendre au sérieux la menace russe ?

Le traité implique aussi une série d’inspections mutuelles de sites militaires, un pilier de la politique de désarmement dite du « Faites confiance, mais vérifiez », prônée par l’ancien président américain Ronald Reagan. Ce sont ces visites d’inspection qui ont fragilisé l’accord. Le 9 août 2022, la Russie avait déjà suspendu les inspections américaines prévues sur ses sites militaires, assurant agir en réponse à des entraves américaines aux inspections russes similaires aux États-Unis.

Quelles conséquences pour l’équilibre mondial ?

Si Moscou a annoncé que la Russie continuera de respecter la limitation de son arsenal nucléaire malgré la suspension du traité, les conséquences de cette annonce sont nombreuses. La principale : un risque d’escalade sur la guerre en Ukraine. Dans la continuité de son discours, Vladimir Poutine a aussi appelé les forces russes à se tenir « prêtes à réaliser des essais d’armes nucléaires », au cas où les États-Unis en feraient en premier. « C’est un moyen de pression sur les États-Unis et l’Otan et cela participe de la même approche de brandir la menace de façon plus agressive qu’auparavant. On sent qu’il a besoin d’en parler régulièrement pour (…) maintenir une petite peur chez les Occidentaux », analyse Marc Finaud, ex-diplomate et vice-président des Initiatives pour le désarmement nucléaire (IDN).

Sur un plus long terme, le désengagement de la Russie peut modifier l’architecture mondiale autour de la sécurité nucléaire dans le monde. Poutine a notamment pointé du doigt la France et la Grande-Bretagne, qui « perfectionnent » et « modernisent » leurs arsenaux pour « les diriger » vers la Russie. Au même moment, l’Iran se rapprocherait des 90 % d’uranium enrichis nécessaire pour produire la bombe atomique, sans oublier la Chine.

Pour James Acton, du groupe de réflexion américain Carnegie Endowment for International Peace, « une course aux armements à trois entre Chine, Russie et États-Unis » était en cours. La fin de New Start pourrait accélérer cette compétition même si cela dépend, en partie, de si la Russie décide de rester ou non au sein des limites

Par Victor Cousin, publié le 21 février 2023 à 18h51

Photo en titre : Le 8 avril 2010 à Prague, Barack Obama et Dmitri Medvedev signaient le traité New Start. REUTERS/Jason Reed

https://www.leparisien.fr/international/nombre-dogives-tests-nucleaires-quest-ce-que-le-traite-new-start-dont-la-russie-sest-desengagee-21-02-2023-FAXU5U26QFDLBM3S3XJZ7PNMHE.php