SÛRETÉ NUCLÉAIRE : L’ASSEMBLÉE NATIONALE REJETTE LA RÉFORME CONTROVERSÉE EN PREMIÈRE LECTURE

Le sujet n’est toutefois pas clos. Le projet de loi, en cours d’examen à l’Assemblée, doit encore poursuivre sa navette parlementaire.

Revers pour l’exécutif : l’Assemblée nationale a rejeté mercredi 15 mars en première lecture, la réforme controversée de la sûreté nucléaire. Le gouvernement voudrait fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), affecté à l’expertise sur la sûreté, au sein du gendarme des centrales, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Mais quelques voix de la majorité ont rejoint la gauche pour s’opposer au « démantèlement » de l’IRSN.

Les députés ont approuvé à main levée un amendement de Benjamin Saint-Huile, du groupe parlementaire indépendant LIOT, pour préserver une « organisation duale » entre l’institut et l’autorité de sûreté, détricotant l’ensemble de cet article sensible du projet de loi de relance du nucléaire. Les salariés de l’IRSN sont prudents. « Je suis très content, mais je me méfie de ma joie car ce n’est pas encore gagné. Le gouvernement doit entendre ce rejet », souligne François Jeffroy, représentant de l’intersyndicale. Lundi, lors d’une troisième journée de grève, des centaines de salariés de l’IRSN avaient défilé près de l’Assemblée, avec des slogans comme « IRSN démantelé, sûreté nucléaire bradée ».

Dans l’hémicycle, la gauche a protesté contre la « précipitation » d’une réforme « à la hussarde », une « proposition dangereuse », selon la députée écologiste et ancienne ministre, Delphine Batho. C’est un « démantèlement en règle ». « Nous avons besoin de cette indépendance de la recherche, au sein de l’IRSN », a insisté l’« insoumise » Aurélie Trouvé. Quelques voix de la majorité, dont celle de l’ancienne ministre Barbara Pompili (Renaissance) sont aussi montées au créneau. « Sans aucune étude d’impact », « c’est une folie de nous balancer ça comme ça à l’inverse des conclusions de tous les travaux parlementaires depuis dix ans » sur le sujet, a-t-elle lancé. « Je suis choquée. »

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Pourquoi cette fusion maintenant ?

La ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, lui a directement répondu en la tutoyant : « Tu sais parfaitement que cette réforme et cette interrogation étaient engagées déjà il y a quelques mois, on ne va pas rentrer dans ce débat-là. » « Il n’y a aucun changement, à aucun moment, d’aucune ligne de nos procédures de sûreté nucléaire », a-t-elle martelé. La rapporteure macroniste Maud Bregeon a aussi souligné qu’après l’éventuelle fusion, « la décision et l’expertise au sein de l’ASN continueront à être disjointes exactement comme elles le sont aujourd’hui ».

Le MoDem, divisé sur le sujet, voulait proposer un amendement de compromis avec un comité de suivi parlementaire. Les LR, « un peu surpris sur la forme », regardent plutôt la fusion d’un bon œil, « gage d’efficacité » pour « fluidifier les procédures », selon le député Jérôme Nury. « Le ciel ne va pas s’abattre sur la sûreté nucléaire », rassure-t-il. « Pas opposé par principe », le RN avait mentionné une abstention en estimant le sujet « pas abouti ».

Cette fusion ne figurait pas dans le texte lors de la large adoption au Sénat du projet de loi

Le sujet n’est toutefois pas clos. Le projet de loi, en cours d’examen à l’Assemblée, doit encore poursuivre sa navette parlementaire. Et pourquoi cette fusion maintenant ? « Parce que c’est maintenant qu’on est en train d’organiser la mobilisation de l’ensemble des compétences de la filière pour être prêt à réussir un programme de relance du nucléaire », a répondu Mme Pannier-Runacher aux parlementaires.

La disparition de l’IRSN a été décidée pendant un « conseil de politique nucléaire » autour d’Emmanuel Macron, le 3 février. Elle a été annoncée le 8 février puis introduite par un simple amendement adopté en commission à l’Assemblée. Objectif : « fluidifier les processus d’examen et prises de décision de l’ASN pour répondre au volume croissant d’activités lié à la relance de la filière ».

Cette fusion ne figurait pas dans le texte, lors de la large adoption au Sénat du projet de loi de relance du nucléaire fin janvier. Ce système dual ASN–IRSN a été créé au début des années 2000. A l’IRSN et ses 1 800 ingénieurs, médecins, géologues…, l’expertise et la recherche sur la sûreté. À l’ASN et ses 500 agents, la décision, nourrie des expertises de l’IRSN, par exemple quand un défaut est constaté sur une centrale ou qu’un site doit être autorisé.

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Par Le Monde avec AFP, publié le 15 mars à 20h22, mis à jour 21h07

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