En fin de semaine, l’Allemagne débranchera ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité, alors que d’autres pays européens cherchent au contraire à relancer l’atome pour réussir leur transition énergétique.
Berlin avait repoussé la fin du nucléaire à cause de la guerre en Ukraine et de la crise du gaz. La menace de pénurie d’électricité s’est éloignée et la première puissance économique européenne estime qu’elle aura la capacité d’y faire face sans l’atome. Tant pis si elle a encore besoin du charbon pour couvrir le tiers de sa consommation d’électricité. Outre-Rhin, les vertus supposées de l’atome pour faire baisser les émissions de carbone sont passées au second plan.
Le rôle du nucléaire dans la transition énergétique divise toujours autant les 27, et même le monde entier. Les 31 pays qui ont opté pour l’atome l’ont d’abord fait pour des raisons stratégiques, parce qu’ils manquaient d’hydrocarbures. La Chine, aujourd’hui le premier pays au monde en termes de réacteurs en chantier, a d’abord choisi le nucléaire pour accéder à l’autonomie énergétique. C’est le même raisonnement qui a guidé la France.
Suite au tsunami de Fukushima, la sécurité est redevenue le principal curseur
C’est vrai pour l’Allemagne et pour la Suisse qui conserve les centrales existantes et renonce à en construire d’autres. Et c’était vrai également pour le Japon jusqu’en décembre dernier. En revanche, d’autres pays sont devenus de nouveaux convertis au nucléaire et ils n’ont pas renoncé à leurs projets sous la pression de Fukushima. C’est le cas du Bangladesh, de la Biélorussie, de l’Égypte, l’Inde, l’Iran, la Slovaquie, ou de la Turquie. Tous ces pays sont des clients du champion russe du nucléaire civil Rosatom qui propose des centrales clés en main à des prix très compétitifs. Car entre temps, la Russie est devenue un promoteur mondial de l’atome. C’est le principal opérateur des centrales en chantier hors de Chine. Ses clients ne sont visiblement pas hantés par le souvenir de Tchernobyl
L’atome a retrouvé une nouvelle raison d’être à l’aune de la transition énergétique
L’expérience de la France plaide en sa faveur. Une centrale française émet quatre grammes par kilowattheure. La France, qui produit 80% de son électricité grâce à l’atome, a émis l’an dernier 53 grammes de carbone par kilowattheure, pendant que l’Allemagne émettait 400 grammes de CO2, à cause de ses centrales au charbon.
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La moyenne mondiale des émissions de la production électrique est tombée à 436 grammes de CO2 en 2022. La Pologne, la République tchèque ou l’Inde ont choisi le nucléaire pour mieux se passer du charbon. Le Japon a décidé, en décembre, de réactiver ses centrales pour faire face au risque de pénurie de courant, et aussi pour être en mesure de tenir ses engagements de réduction des émissions de carbone.
En termes économiques, le nucléaire est dépassé par les énergies renouvelables
Le prix du kilowatt/heure solaire ou éolien est aujourd’hui deux à trois fois moins élevé que celui du nucléaire, d’après les calculs de l’Agence Internationale à l’énergie. Sans compter les coûts de très long terme comme celui de la gestion des déchets radioactifs qui restent un impensé de l’atome civil. Pour redevenir compétitif, l’atome a besoin de reprendre son essor.
Mais les experts estiment que le marché mondial n’est pas assez dynamique pour susciter un progrès substantiel en matière de coût et de technologies. Même avec la timide renaissance en cours, le nucléaire ne devrait pas fournir plus de 8% de la demande mondiale en électricité en 2050. C’est aujourd’hui 10%.
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Par Dominique Baillard Suivre , publié le 12/04/2023 à 10h15
Photo en titre : Un panneau de danger nucléaire (Illustration) © PIERRE EMMANUEL DELETREE//SIPA
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