TEST NUCLÉAIRE : « NOUS AVONS ÉTÉ TROMPÉS »

Gaston Ferry a été irradié au cours d’essais nucléaires militaires dans les années 70. Après un long combat, il a enfin obtenu une indemnisation de la part de l’État.

Installé depuis 2010 dans la cité bellocéenne, Gaston Ferry vient de se voir reconnaître le statut de victime d’essais nucléaire de la part de l’État, par l’intermédiaire du Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires, après un long combat. Ce sexagénaire, au parcours atypique et engagé, ne veut cependant pas se laisser abattre.

Le dossier, épais, orne la table du salon de Gaston et Jeanne Ferry, son épouse. Gaston a mené un long combat engagé et qu’il a fini par gagner après de longues années de réflexions, de doutes et de recherches multiples. Né en Moselle il y a soixante-treize ans, Gaston Ferry a passé son enfance à Saint-Avold (Moselle), au sein d’une cité minière où a œuvré son paternel au quotidien.

« À l’époque c’était l’omerta, l’idée que nous ne courrions aucun risque »

« À 18 ans, après avoir eu mon brevet professionnel, je me suis engagé dans l’armée, plus précisément à bord de l’Aviso-escorteur “Amiral Charner”, qui se trouvait en carénage à Lorient (Morbihan). En janvier 1970, avec mes camarades, nous sommes partis pour une mission en Polynésie qui avait pour but d’effectuer des mesures météorologiques à la suite d’essais nucléaires. À l’époque, le mot d’ordre c’était l’omerta, l’idée que nous ne courrions aucun risque », explique-t-il.

Gaston Ferry aura participé à l’explosion de huit bombes atomiques en l’espace de trois mois qui, sans le savoir sur l’instant même, conditionneront le reste de son existence. « Nous avons été trompés. Personne ne nous avait signifié qu’en réalité, notre mission serait de plus grande importance et que nous séjournerions sous les nuages radioactifs. On nous disait que le bateau était étanche et que nos combinaisons suffisaient pour entraver tout désagrément, alors même que les compteurs Geiger (qui mesurent le niveau de rayonnement ionisant) crépitaient », s’agace Gaston Ferry, qui sera démobilisé en 1971.

Ce dernier observe, au milieu de la décennie suivante, le début de quelques symptômes avec l’apparition, entre autres, d’un ganglion dans la joue. « Quelques années plus tard, j’ai commencé à avoir des douleurs osseuses intenses, qui se matérialisaient par des zones blanches sur les radios ».

En permanence aidé d’une tierce personne

S’en sont suivis des troubles intestinaux, des migraines, des pertes d’équilibre ou encore des problèmes cardiaques à répétition. « J’ai aussi dû subir l’ablation de mon estomac ainsi que le remplacement d’une valve, avant le diagnostic, en 2021, d’une tumeur au cerveau », confie le sexagénaire.

En lien avec la loi Morin, du 5 janvier 2010, il décide donc de demander le statut de victimes auprès du Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires (Civen). « La reconnaissance de la part de la Civen a été émaillée par de nombreuses recherches rocambolesques afin d’étayer mon dossier. Un médecin expert a reconnu, dans le cadre de son rapport, mon état esthétique et les retombées sur mon quotidien, où je suis en permanence en présence d’une tierce personne pour ma sécurité. La reconnaissance par l’État, avec le versement d’une indemnité, est le simple aboutissement du plus long combat de ma vie mais je suis aujourd’hui détruit et épuisé », se désole Gaston Ferry.

C’est donc par la musique, au sein de l’Harmonie de Beaulieu-sur-Loire, que Gaston Ferry a essayé de trouver un nouveau chemin dans sa vie. De quoi souffler définitivement après avoir enfin eu la reconnaissance qu’il attendait depuis quarante ans

Par La République du Centre, publié le 02/05/2023

Photo en titre : Gaston Ferry, officiellement reconnu par le Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires. © Droits réservés

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