NUCLÉAIRE : UN EPR CHINOIS À L’ARRÊT DEPUIS BIENTÔT 6 MOIS ET DES QUESTIONS SUR LE PROGRAMME FRANÇAIS

Le réacteur nucléaire EPR 1 de Taishan en Chine accusera bientôt six mois d’arrêt, une pause liée en partie à de la corrosion sur des gaines de combustibles qui soulève des interrogations pour Flamanville 3, seul réacteur de même conception en construction en France.

L’affaire – un phénomène de corrosion relevée sur des gaines de crayons combustibles – a été révélée fin juin par le Canard Enchaîné, qui mercredi encore titrait sur cette « ombre chinoise » sur les ambitions nucléaires françaises. Depuis, peu d’informations ont filtré sur l’avarie chinoise, alimentant les interrogations sur le sort de l’EPR en construction à Flamanville (Manche), de même conception française. Ce dernier, « Fla3 » dans le jargon de l’atome, est très attendu : il doit en effet entrer en service au premier trimestre 2024 avec 12 ans de retard sur le calendrier et des dérapages financiers colossaux.

EDF, associée à 30% dans la paire d’EPR de la centrale de Taishan, s’est bornée mercredi à indiquer qu’il n’y avait pas de « risque sûreté » pour son réacteur normand, sans évoquer la question des délais. « Les études réalisées par EDF avec l’appui de Framatome (fabricant des gaines, NDLR), concluent pour l’exploitation du premier cœur de Flamanville 3 à l’absence de tout risque de sûreté lié à un tel phénomène de corrosion de la gaine des crayons combustibles« , a expliqué le groupe dans une déclaration à l’AFP mercredi, sans mentionner non plus le problème chinois.

Ces gaines sont des pièces maîtresses de l’édifice nucléaire puisqu’elles hébergent les pastilles d’uranium compressées, nécessaires à la production électrique.

Le groupe précise cependant que « la corrosion de la gaine de crayons combustibles est un phénomène connu, rencontré notamment sur le parc nucléaire français« . « Il est en cours d’éradication via des évolutions des caractéristiques métallurgiques de la gaine des crayons combustibles (augmentation de la teneur en fer)« , ajoute EDF, sans préciser quels réacteurs sont concernés en France. Le phénomène sera le cas échéant « intégré dans les études de sûreté« , dit-il.

Il appartient désormais à EDF de faire le retour d’expérience de cette découverte, et de transmettre à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) « un dossier qui sera instruit dans le cadre de la mise en service de Flamanville 3« , a expliqué de son côté l’ASN à l’AFP.

Questions sur 2024

EDF et Framatome n’ont en tout cas à ce jour pas démenti l’existence de ces problèmes de corrosion à Taishan, et renvoient à un communiqué de presse de l’exploitant chinois, remontant au 9 juin. Dans ce communiqué, l’exploitant chinois CGN évoque l’arrêt du réacteur, et ce depuis le 31 janvier pour une opération programmée de rechargement de combustible. Pendant cet arrêt, il a été procédé à « quelques inspections et des tests« , ajoute le groupe, sans jamais faire référence à ces problèmes de corrosion.

Pour le Canard enchaîné, s’appuyant sur des « informations recoupées« , le réacteur a au contraire été « secrètement stoppé » du fait d’une « panne » : « une oxydation excessive des gaines d’éléments combustibles« . L’exposition des gaines au « risque d’oxydation accélérée dépend des teneurs en fer des coulées utilisées et des conditions d’exploitation« , explique l’IRSN, l’organe d’expertise scientifique de la sûreté nucléaire en France.

« La direction a été complètement rassurante sur le sujet« , selon une source interne à EDF, indiquant que c’est « encore une histoire de combustible et c’est maîtrisé par Framatome« . De ce fait, elle dit ne pas craindre de nouveaux retards pour Flamanville.

Mais la situation impose  » a minima de regarder« , estime Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting. « Il n’y aura pas forcément de retard pour l’EPR de Flamanville, mais cela va ajouter une pièce sur l’échiquier qui est de nature à décaler la mise en service« , selon lui.

Par Afp / Connaissance des Énergies, publié le 6/7/2023 à 20h34

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