Les États-Unis et l’Iran seraient sur le point de parvenir à un accord informel sur le dossier nucléaire.
Faute de compromis sur le rétablissement de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire de l’Iran, après plus d’un an de négociations indirectes infructueuses, Washington et Téhéran seraient parvenus à des arrangements destinés à empêcher tout dérapage qui provoquerait un conflit entre les deux pays.
Cette avancée intervient après un précédent échec des pourparlers indirects à la suite duquel l’Administration américaine a déclaré en octobre dernier que l’accord nucléaire n’était pas « à l’ordre du jour », mais a souligné qu’elle était déterminée à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Les négociations ont toutefois repris tranquillement à la fin de l’année dernière, avec des pays dont Oman servant d’intermédiaires. Ainsi, le conseiller de la politique de la Maison Blanche au Moyen- Orient, Brett McGurk, s’est rendu à plusieurs reprises à Mascate pour des discussions indirectes avec des responsables iraniens. D’autres rencontres discrètes ont eu lieu entre les deux pays à New York.
Des indices qu’une percée était en préparation sont visibles depuis quelques semaines. Le ministre omanais des Affaires étrangères, Sayyid Badr Al-Busaidi, s’est montré dernièrement optimiste quant aux perspectives de parvenir à un compromis, estimant que Washington et Téhéran « sont proches » d’un accord. L’Administration américaine vient également d’accorder au gouvernement iraqien une dérogation pour lui permettre de payer une dette de gaz et d’électricité de 2,76 milliards de dollars à l’Iran. Alors que Washington insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une dérogation de routine, Bagdad a indiqué que l’approbation avait été donnée lors d’une récente réunion entre le ministre iraqien des Affaires étrangères et le secrétaire d’État américain. L’argent débloqué sera limité à des fins humanitaires : il sera utilisé par des fournisseurs tiers approuvés par les États-Unis pour l’achat de nourriture et de médicaments à destination de la population iranienne. Peut-être plus important encore, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a signalé son ouverture à un accord avec l’Occident dans un discours prononcé le 11 juin, à la condition que l’infrastructure nucléaire iranienne reste intacte. Les détails rapportés de l’accord informel semblent respecter cette condition.
L’accord non écrit auquel seraient parvenus Washington et Téhéran impliquerait un engagement de la part de l’Iran de s’abstenir d’enrichir de l’uranium au-delà de 60 %, potentiellement aussi d’arrêter ou de ralentir le stockage d’uranium enrichi à ce niveau, d’élargir sa collaboration avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), de mettre fin aux attaques des milices alliées en Iraq et en Syrie contre les troupes et entrepreneurs américains, de s’abstenir de fournir à la Russie des armes qui l’aideraient dans sa guerre contre l’Ukraine. En outre, Téhéran libérerait plusieurs citoyens américains emprisonnés en Iran. En retour, les États-Unis s’abstiendraient de durcir les sanctions économiques contre l’Iran, débloqueraient de l’argent iranien détenu dans des banques étrangères, cesseraient de saisir les pétroliers transportant du pétrole iranien et s’engageraient à ne pas pousser l’AIEA ou le Conseil de sécurité des Nations-Unies à adopter des mesures punitives contre Téhéran. Washington s’engagerait également à libérer des Iraniens emprisonnés aux États-Unis. L’entente non écrite s’explique par l’intérêt que partagent Washington et Téhéran à éviter un conflit dans la région du Golfe. Les États- Unis veulent empêcher une nouvelle escalade dans une relation hostile de longue date qui est devenue encore plus tendue à mesure que l’Iran accumule un stock d’uranium hautement enrichi proche de la pureté de la bombe nucléaire et fournit à la Russie des drones et des missiles destinés à être utilisés contre l’Ukraine. De même, le président Joe Biden cherche désespérément à éviter toute crise avec l’Iran avant l’élection présidentielle de 2024. Compte tenu des crises avec la Russie au sujet de l’Ukraine et avec la Chine concernant le statut de Taïwan, il ne peut guère se permettre une guerre au Moyen-Orient. Une entente informelle avec Téhéran éviterait également à l’Administration Biden d’avoir besoin de l’approbation d’un Congrès profondément hostile à l’Iran. Les Républicains en particulier avaient martelé l’Administration de Barack Obama pour avoir débloqué, après l’accord de 2015, des milliards de dollars en faveur de l’Iran qui, selon eux, ont permis de subventionner des activités terroristes au Moyen-Orient. L’Iran, à son tour, a besoin d’un soulagement économique et d’un calme avec les États-Unis, afin de pouvoir poursuivre la normalisation de ses relations avec les tats arabes du Golfe, notamment leur chef de file l’Arabie saoudite. En plus, Téhéran souhaite gagner du temps jusqu’en 2025, date à laquelle certaines restrictions-clés sur son programme nucléaire expireront. L’accord informel devrait lui permettre de parvenir à cette fin.
L’accord informel et limité entre Washington et Téhéran vise finalement à maintenir le statu quo actuel, à stabiliser les tensions entre les deux pays et à empêcher une escalade potentiellement catastrophique. Il pourrait — s’il est confirmé et maintenu — faciliter des pourparlers futurs sur un accord plus large.
Par Hicham Mourad, publié le samedi 08 juillet 2023
Commentaires récents