ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE : LE RÉGULATEUR REVOIT LES COÛTS D’EDF À LA HAUSSE

Selon un document confidentiel publié par Contexte, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime entre 57 et 61 euros par mégawattheure (MWh) les coûts de production de l’électricité nucléaire d’EDF. Un montant supérieur à l’ARENH, ce mécanisme qui oblige EDF à vendre une partie de sa production à 42 euros le MWh, mais inférieur à ce qu’avait calculé la Cour des comptes en 2021. Ces nouvelles estimations ne devraient pas plaire à EDF, au moment où celui-ci entame des négociations avec de gros clients pour leur vendre des volumes sur le long terme, à un prix qu’il espère suffisamment élevé.

Le secret n’aura pas duré bien longtemps…et son contenu risque de ne pas ravir EDF. Alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a remis au gouvernement son rapport très confidentiel sur les coûts de production de l’électricité nucléaire en France, il y a cinq jours, le média Contexte a mis la main sur une synthèse du texte, qu’il a publié ce lundi 18 septembre. Or, malgré une revalorisation de ces coûts par la CRE, les chiffres avancés par le régulateur restent inférieurs aux estimations d’EDF et de la Cour des comptes.

Lire aussi : Coûts du nucléaire : l’étrange silence de l’État

Concrètement, en intégrant les 18 centrales du parc historique ainsi que l’EPR de Flamanville (Normandie), dont le chantier devrait bientôt prendre fin, le coût complet de production du nucléaire varierait entre 57 et 61 euros le MWh, selon le régulateur. Soit plus que le montant de l’ARENH, ce mécanisme qui oblige depuis 2011 EDF à vendre une partie de sa production au prix de 42 euros le mégawattheure (MWh), afin de faire profiter les Français de la « rente » du nucléaire…

Une quote-part pour financer le nouveau nucléaire ?

…Mais moins, donc, que ce qu’estimait la Cour des Comptes dans un rapport publié en septembre 2021. Car selon la juridiction financière, le coût du MWh rapporté à la production de 2019 grimpait jusqu’à 68,4 euros le MWh.

Or, ce montant sera déterminant pour savoir à combien vendre le nucléaire issu du parc historique d’EDF après la date d’expiration de l’ARENH, prévue fin 2025, et alors que l’État français espère continuer d’en réguler le prix.

L’énergéticien, lui, répète à l’envi son intention de faire valoir ses propres intérêts. Selon nos informations, EDF, qui ne compte pas vendre sans marge afin d’investir dans le prolongement et le renouvellement de son parc, mise ainsi sur un prix de vente inférieur à 100 euros le MWh, mais proche de ce montant. L’étude de la CRE, quant à elle, ne couvre pas les investissements nécessaires au développement du nouveau nucléaire.

« Faudra-t-il ajouter une quote-part pour financer les nouveaux EPR ? C’est ce qu’EDF souhaite. C’est comme ça que ça fonctionne dans toutes les entreprises : quand vous avez un actif, il faut y ajouter une dotation aux amortissements », note Nicolas Goldberg, senior manager Energie chez Colombus Consulting.

EDF ne veut pas que l’État régule ses prix

Ainsi, EDF compte sur une rotation des cash flows dégagés par ses installations existantes afin de préparer l’avenir, et notamment faire baisser le coût du capital pour la construction des futurs EPR voulus par Emmanuel Macron. D’autant que l’électricité générée par ces réacteurs de troisième génération promet d’être chère, avec des estimations situées entre 80 et 100 euros le MWh. Ce qui pourrait gonfler le prix de vente final dès les prochaines années.

D’ailleurs, l’énergéticien, dont l’État a récemment acquis 100% du capital, ne partage pas vraiment le même agenda que le gouvernement. Et pour cause, tandis que Paris espère toujours pouvoir appliquer des contrats à prix régulés sur les centrales nucléaires existantes, avec un prix plancher et un prix plafond, EDF préfère miser sur des contrats de droit privé. Dans ces conditions, l’estimation de ses coûts réels de production sera forcément décisive, au moment où celui-ci compte entamer des négociations avec de gros clients pour leur vendre des volumes sur le long terme à un montant qu’il espère « juste ».

Lire aussi : Prix du nucléaire : la course contre la montre d’EDF et de l’État français

Par Marine Godelier , publié le 18 septembre 2023 à 13h51

Photo en titre : Crédits : YVES HERMAN

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/electricite-nucleaire-le-regulateur-revoit-les-couts-d-edf-a-la-hausse-976542.html