COMMENT LA FRANCE CHERCHE À MOBILISER EN EUROPE AUTOUR DU NUCLÉAIRE

La ministre Agnès Pannier-Runacher multiplie les initiatives, cette fois en Slovaquie, pour prêcher le soutien à l’atome. La suite d’une action soutenue qui vise notamment à faciliter le financement du programme français.

Depuis qu’Emmanuel Macron s’est converti à l’atome, juste avant son deuxième mandat, sa ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher est sur tous les fronts pour prêcher les vertus de l’énergie nucléaire.

Fin septembre, elle avait réuni à Paris une vingtaine d’États membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) pour plaider la cause de l’atome auprès des grands investisseurs et des marchés financiers.

C’est cette fois à Bratislava (Slovaquie) qu’elle participe, ces lundi 6 et mardi 7 novembre, aux travaux du Forum européen de l’énergie nucléaire. Sous la houlette de la Commission européenne, il réunit les ministres, les industriels et les régulateurs du secteur.

À l’ordre du jour, la place que peut occuper le nucléaire dans la transition énergétique. Au premier rang, la commissaire européenne estonienne Kadri Simson, qui a déjà appelé à un accroissement des investissements pour allonger la durée des centrales européenne en service, âgées de 30 ans en moyenne.

Premières victoires françaises

Agnès Pannnier-Runacher ne manquera pas de participer, en marge du Forum, à la réunion de l’Alliance européenne du nucléaire, qu’elle a elle-même créée, le 28 février dernier à Paris, et qui fédère quatorze États membres.

L’objectif est clair, indique le cabinet de la ministre, « il faut convaincre la Commission européenne de changer d’approche à l’égard du nucléaire ».

La France a certes déjà obtenu deux victoires majeures face aux opposants au nucléaire que sont notamment l’Allemagne, l’Autriche ou le Danemark. Tout d’abord l’inclusion, en 2022, du nucléaire (et du gaz) dans la « taxonomie » des énergies vertes. Une sorte de label – provisoire, cependant – qui doit faciliter des conditions avantageuses de financement.

Ensuite, le 17 octobre dernier, la France a obtenu un accord, à l’issue d’un long bras de fer avec l’Allemagne, pour que la réforme du marché européen de l’électricité autorise certains types de contrats favorables aux centrales nucléaires déjà existantes, dont elle est le deuxième plus gros exploitant au monde après les États-Unis.

« Il s’agit, désormais, indique l’entourage d’Agnès Pannier-Runacher, d’obtenir une feuille de route claire de la Commission européenne en faveur des petits réacteurs modulaires », ces SMR que l’industrie – EDF en tête – assure pouvoir multiplier avec des coûts et des délais moindres que ceux des gros réacteurs classiques.

Les énergies « décarbonées » et pas seulement « vertes »

La France souhaite également que la Commission cesse de plaider systématiquement pour les énergies « vertes » (essentiellement l’éolien et le solaire) et défende plutôt les énergies « décarbonées », ce qui inclurait l’atome.

« Il faut, enfin, estime le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, que les grands bailleurs de fonds européens tels que la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) financent les programmes nucléaires au même titre que les énergies renouvelables ».

Au passage, la ministre apportera son soutien aux offres des spécialistes français de l’atome, également du voyage : Framatome propose à la Slovaquie un combustible à ses centrales de conception russe ; EDF, confronté à la concurrence féroce de l’américain Westinghouse et du russe Rosatom, fait flèche de tout bois pour vendre EPR ou SMR en Slovaquie, en République tchèque, en Pologne, aux Pays Bas, en Suède, en Finlande, en Slovénie ainsi qu’en Italie.

« Une mise en scène » selon les ONG

Les ONG sont, elles aussi, du voyage à Bratislava. Parmi elles, France Nature Environnement, dont l’un des représentants, Guillaume Blavette, dénonce « une grand-messe visant à mettre en scène un supposé besoin de nucléaire, porté par la France, qui cherche à financer ses EPR, alors que cette énergie est bien trop chère et bien trop lente pour apporter une réponse à l’urgence du changement climatique ». 

Cette position est partagée par douze ONG européennes venues de France, du Danemark, de Slovaquie, de Hongrie et de Suède, qui estiment qu’investir dans le nucléaire « est mauvais pour le climat en raison de son coût, de ses retards, de son impact environnemental, de la dépendance à l’enrichissement d’uranium russe et de son caractère centralisé ».

La France est engagée dans un programme pouvant comprendre 14 réacteurs dont le coût des six premiers est estimé par EDF à 51,7 milliards d’euros, tandis que la prolongation du parc déjà en service doit coûter autant. Or EDF est déjà endetté à hauteur de 65 milliards.

Par André THOMAS, (Ouest-France), publié le 06/11/2023 à 19h49

Photo en titre : Agnès Pannier-Runacher en compagnie du PDG d’EDF Luc Rémont, sur le chantier du réacteur d’Hinkley Point C, au Royaume-Uni. | DANIEL LEAL / AFPVoir en plein écran

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