FEU VERT CONDITIONNEL DE LONDRES À HINKLEY POINT

epr-hinkleyLa fin d’un long feuilleton à rebondissements ? Le gouvernement britannique a officiellement donné à EDF, jeudi 15 septembre, l’autorisation de construire deux réacteurs nucléaires EPR sur le site d’Hinkley Point, dans l’ouest de l’Angleterre. Londres ne remet pas en cause le contrat commercial signé en 2013 avec le groupe français, qui prévoit un prix de vente de l’électricité de 92,5 livres par mégawattheure (MWh) sur une période de 35 ans; mais il assortit son feu vert de conditions destinées à garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays. La centrale d’Hinkley Point C (HPC) doit fournir 7 % du courant au Royaume Uni à partir de 2025.

Au terme d’un nouvel accord avec EDF, le gouvernement pourra lui interdire de vendre sa part majoritaire de 66,5 % dans HPC durant la phase de construction. Cet ajout au contrat initial doit faire l’objet d’un « échange de lettre » entre le gouvernement de Londres et le groupe français, indique Londres. Le « nouveau cadre légal » prévoit aussi que celui-ci pourra intervenir dans une éventuelle cession de la part d’EDF une fois la centrale en service.

Un secteur jugé stratégique par le Royaume-Uni

Mais le Royaume Uni, qui n’a pas construit de centrale nucléaire depuis 1995, va plus loin. « Pour les futurs investissements étrangers dans les infrastructures sensibles », indique le communiqué, il prendra une « action spéciale » dans tous les projets nucléaires afin de « s’assurer qu’une part significative de ces projets ne puisse être vendue sans que le gouvernement en ait connaissance et donne son accord ». Le Royaume-Uni, pourtant très libéral et très ouvert aux investissements étrangers, veut garder la main sur ce secteur jugé stratégique pour la sécurité nationale. Et c’est bien l’inquiétude sur l’entrée de la Chine dans le nucléaire britannique qui a incité la première ministre, Theresa May, à imposer ces nouvelles conditions…

…Contrat tripartite

Mme May et certains de ses conseillers s’inquiétaient de la place que prendraient les Chinois au cœur même du nucléaire britannique. Elle constituerait, selon eux, une menace pour la sécurité nationale. Le contrat tripartite signé entre le Royaume-Uni, la Chine et la France prévoit, en effet, qu’après les deux EPR d’Hinkley Point, puis les deux EPR de Sizewell (à l’est de l’Angeleterre) financés aux deux tiers par la Chine, le géant public China General Nuclear Power (CGN) pourra construire un « Hualong » (« Dragon »), un réacteur de conception 100 % chinoise, sur le site de Bradwell (à une centaine de kilomètres de Londres).

En octobre 2015, avant la nomination de Mme May au 10, Downing Street, un de ses proches conseillers actuels s’inquiétait ouvertement dans un article titré « le gouvernement vend notre sécurité nationale à la Chine ». Nick Timothy y évoquait la possibilité que CGN infiltre les systèmes informatiques du réseau électrique britannique et que les Chinois puissent « arrêter la production d’énergie quand ils le veulent ». À ceux qui jugeaient cette hypothèse fantaisiste, il rappelait que la Chine mène des programmes d’espionnage et d’armement très actifs…

Intégralité de cet article de Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde sur :

http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/09/15/le-gouvernement-britannique-approuve-le-projet-de-centrale-nucleaire-d-edf-d-hinkley-point_4997937_3234.html