Reggane, In Ecker ou encore Mururoa, comme un langage codé, parlent aux vétérans des essais nucléaires. Ils se sont regroupés au sein de l’AVEN.
Ils habitent Campneusville, Croixrault ou la Somme. Ils avaient 17-18 ans lorsqu’ils sont partis faire leur service militaire dans le Sahara ou le Pacifique. Ils témoignent de ce qu’ils ont vécu et de leurs craintes.
En 1957, Reggane, dans le Sahara algérien, est choisi par les autorités françaises pour abriter le CESM (Centre d’expérimentation saharien militaire). Il y est question d‘essais nucléaires dans le Sahara. Et à d’autres endroits de la planète dès 1966 notamment en Polynésie française, plus particulièrement à Muroroa ou encore Fangataufa dans le Pacifique. Les essais nucléaires sont alors effectués par le CEP (Centre d’expérimentation du Pacifique). Le CESM deviendra le CEMO (Centre d’expérimentations militaires des Oasis) dès 1961. Les essais nucléaires ne sont plus aériens mais souterrains. Au total 210 essais ont été réalisés.
Contaminé ou irradié
Jean-Claude Besancourt de la Somme, était basé à Reggane plateau, site de fabrication des bombes nucléaires. « Nous n’étions pas beaucoup », précise l’ancien appelé. Et Jean-Claude Bezancourt d’ajouter :
« Les bombes étaient fabriquées sous nos pieds ».
Cet adhérent à l’AVEN (Association des vétérans des essais nucléaires, présidée par Jean-Luc Sans depuis 2009) se rappelle :
« Lorsque j’ai été opéré du dos, le médecin m’a demandé si j’avais travaillé dans l’amiante ».
L’ancien cultivateur n’a jamais eu de contact avec cette substance, mais il a servi dans le Sahara algérien dans les années 60. Son médecin lui rétorquait alors : « D’accord, ne cherchez pas ». Ce qu’a vu le médecin lors des examens, Jean-Claude ne le sait pas. « Nous n’en avons plus parlé », conclut-il. Jean-Claude n’est pas le seul à être dans cette situation.
« Nous ne nous battons pas pour l’argent »
Un autre adhérent, parmi les 60 000 que compte l’association en France, vit aujourd’hui avec de sérieux problèmes de santé. Cet ancien appelé a subi des pontages et a les artères brûlées. Pourtant lorsqu’il était en service dans le Pacifique, il a été soumis à un dosimètre régulièrement, vierge uniquement lors des explosions. Il se souvient :
« Une minute après l’explosion, des vagues de deux mètres arrivaient sur le bateau ».
L’onde de choc était puissante et les appelés avaient, pour seule protection, un conseil de leurs supérieurs : « Ne regardez pas », précise cet ancien appelé.
Un rêve devenu cauchemar
« Il y a trois ans Jean-Pierre Gaillet [N.D.L.R : délégué régional décédé le 21 juin 2018] m’a remis une médaille », commémorative avec agrafe Sahara raconte François Dangreville. Cet habitant de Campneuseville n’a pas monté de dossier médical contrairement à certains membres de l’association.
« Si j’avais su, je ne serais pas allé là-bas »
« Je vois que c’est complexe et les examens sont chers » précise l’ancien volontaire pour expliquer pourquoi il n’a pas encore constitué de dossier.
« Si j’avais su, je ne serais pas allé là-bas. Je suis parti de bon cœur, j’étais volontaire », remarque François qui a servi à Reggane pendant neuf mois en 1966 aux côtés de Jean-Claude Besancourt. Il avait 17 ans lorsqu’il s’est porté volontaire, son engagement s’est joué sur la vue d’un militaire en costume. « À l’époque, ils enterraient les véhicules », après les essais nucléaires, raconte François qui avait pour mission de ramener les véhicules militaires à la base, le tout sans protection.
Reconnaissance des maladies
Le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a permis d’établir une liste de maladies reconnues. Parmi les pathologies attestées, cancers et leucémies trônent en tête de liste.
« Je suis parti de bon cœur, j’étais volontaire »
Ainsi Serge Logghe, résident de Croixrault, a adhéré depuis quelques années. Il a développé deux cancers il y a plus d’une dizaine d’années. Cet ancien chauffeur dans le Pacifique n’a jamais été testé lorsqu’il était en mission à Papeete en 1968. S’il n’a pas vu d’explosion, il se trouvait sur un terrain contaminé.
Ces anciens appelés ont la possibilité de monter un dossier et d’attaquer l’État pour obtenir « vérité et justice ». Les adhérents assurent ne pas être « antimilitariste, antinucléaire » et confirme que l’association ne s’intéresse ni aux questions politiques, ni aux questions religieuses.
Les dossiers sont jugés par le tribunal administratif.
« Nous ne nous battons pas pour l’argent mais pour la reconnaissance », expliquent les trois retraités. Ils espèrent que ces quelques mois passés à l’étranger sur des terrains contaminés n’auront pas d’incidence sur la santé de leurs descendances.
Rédaction Neufchâtel-en-Bray, Le Réveil de Neufchâtel, Publié le 31 Juillet 2018 à 19:32,
https://actu.fr/hauts-de-france/croixrault_80227/quatre-veterans-essais-nucleaires-temoignent-leur-combat_18012281.html
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