La fermeture de la centrale de Fessenheim est désormais actée (NDLR : mais pas irréversible puisqu’un gouvernement pourra toujours la remettre en cause). Reste à savoir comment la démonter. Le défi du démantèlement est encore plein d’incertitudes pour le parc nucléaire français.
C’était l’une des promesses de campagne du candidat Hollande en 2012, mais l’arrêt des réacteurs de Fessenheim n’aura pas lieu avant la fin de son quinquennat. Le conseil d’administration d’EDF a certes acté la fermeture ce jeudi, mais il a dans le même temps décidé de la repousser à plus tard. De son côté, Ségolène Royal a assuré ce vendredi matin que le décret permettant l’arrêt de l’installation serait pris avant la fin du quinquennat.
Quoiqu’il en soit, cette question de la date effective de fermeture en cache une autre, tout aussi épineuse: celle du démantèlement de l’installation nucléaire. Il existe bien une procédure détaillée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mais dans les faits, aucune centrale nucléaire n’a encore été entièrement démontée en France.
En principe, c’est simple
Si l’on suit le mode d’emploi de l’ASN, c’est d’abord à l’exploitant de la centrale de mettre au point un dossier de démantèlement, au moins deux ans avant la date prévue des travaux de démontage. Le temps pour l’ASN de donner son avis et pour le ministère de l’Écologie d’élaborer le projet de décret autorisant le démantèlement. Pendant ce temps, l’évacuation de substances dangereuses et radioactives peut commencer.
Une fois le décret de démantèlement effectif, le démontage à proprement parler peut commencer: démantèlement de la salle des machines, découpage par des robots de la cuve irradiée du réacteur.
Si l’ensemble du démantèlement se déroule conformément au plan prévu, et qu’il n’existe plus de substances radioactives, alors l’installation nucléaire atteint son « état final« . L’exploitant de l’ancienne centrale peut en demander le déclassement à l’ASN, qui la supprimera de sa liste des installations nucléaires.
Une réalité plus complexe
Certains réacteurs français sont effectivement en cours de démantèlement, et sur le terrain, les choses se compliquent. En témoigne la situation du réacteur numéro 1 de la centrale du Bugey, dans l’Ain. Il a été arrêté en 1994, mais les phases finales de démontage ne débuteront pas avant 2050. Un réacteur difficile à démanteler en raison de son système de refroidissement au gaz.
« Aucun réacteur de ce type n’a encore été démonté dans le monde« , explique ce vendredi à L’Express une attachée de presse d’EDF. C’est le démantèlement d’une autre installation nucléaire du même type, à Chinon, qui doit faire office de cobaye. Selon EDF, cela doit permettre d’établir une feuille de route fiable pour les autres réacteurs refroidis au gaz en France, tous arrêtés désormais. Mais patience, le planning envisage de finir les travaux en 2060.
Dans une lettre du président de l’ASN au président d’EDF en date du 25 juillet 2016, on apprend aussi que « le démantèlement du dernier réacteur UNGG [refroidissement au gaz] doit se terminer au début du XXIIe siècle. » Soit plus d’une centaine d’années après sa mise en arrêt.
« La technologie est encore à inventer »
« On ne sait pas aujourd’hui comment démanteler une centrale nucléaire de A à Z« , tranche Martial Chateau, administrateur du Réseau « Sortir du nucléaire« . En février dernier, Il a été auditionné par l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une mission d’information relative à la « Faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base« .
Il explique à L’Express que la partie non-nucléaire des centrales ne poserait pas tant de difficultés, mais celle ayant été directement au contact des radiations serait autrement plus problématique. « On peut penser que la technologie permettant de démanteler est encore largement à inventer« , poursuit le militant. Selon lui, on ne dispose pas encore de l’expérience suffisante pour se débarrasser des plus gros réacteurs du parc nucléaire français.
Le rapport parlementaire semble aller dans son sens pour ce qui est des réacteurs se refroidissant au gaz. Il pointe « d’importantes difficultés techniques » qui « retardent de près d’un siècle le démantèlement« .
« Comme le réacteur de Chinon est le premier à être démantelé, on peut être confronté à des difficultés techniques », explique l’attachée de presse d’EDF.
Le test de la centrale de Chooz
EDF est plus optimiste concernant les autres types de réacteurs encore en fonctionnement dans le parc français, comme ceux de Fessenheim. Ils fonctionnent avec un système de refroidissement à eau pressurisée, qui est moins compliqué à démonter selon EDF.
Le démantèlement de la centrale à refroidissement à eau de Chooz, dans les Ardennes, en cours depuis 2007, devrait s’achever en 2022 d’après le planning des travaux. Il s’agit véritablement là d’un test pour EDF qui compte communiquer largement sur ce dossier.
S’il s’achève dans les délais prévus, cela sera de bon augure pour l’entreprise et les 58 autres réacteurs du même type encore en fonctionnement sur le territoire.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/fessenheim-sait-on-vraiment-demanteler-une-centrale-nucleaire_1896444.html
Avr 08
SAIT-ON VRAIMENT DÉMANTELER UNE CENTRALE NUCLÉAIRE?
La fermeture de la centrale de Fessenheim est désormais actée (NDLR : mais pas irréversible puisqu’un gouvernement pourra toujours la remettre en cause). Reste à savoir comment la démonter. Le défi du démantèlement est encore plein d’incertitudes pour le parc nucléaire français.
C’était l’une des promesses de campagne du candidat Hollande en 2012, mais l’arrêt des réacteurs de Fessenheim n’aura pas lieu avant la fin de son quinquennat. Le conseil d’administration d’EDF a certes acté la fermeture ce jeudi, mais il a dans le même temps décidé de la repousser à plus tard. De son côté, Ségolène Royal a assuré ce vendredi matin que le décret permettant l’arrêt de l’installation serait pris avant la fin du quinquennat.
Quoiqu’il en soit, cette question de la date effective de fermeture en cache une autre, tout aussi épineuse: celle du démantèlement de l’installation nucléaire. Il existe bien une procédure détaillée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mais dans les faits, aucune centrale nucléaire n’a encore été entièrement démontée en France.
En principe, c’est simple
Si l’on suit le mode d’emploi de l’ASN, c’est d’abord à l’exploitant de la centrale de mettre au point un dossier de démantèlement, au moins deux ans avant la date prévue des travaux de démontage. Le temps pour l’ASN de donner son avis et pour le ministère de l’Écologie d’élaborer le projet de décret autorisant le démantèlement. Pendant ce temps, l’évacuation de substances dangereuses et radioactives peut commencer.
Une fois le décret de démantèlement effectif, le démontage à proprement parler peut commencer: démantèlement de la salle des machines, découpage par des robots de la cuve irradiée du réacteur.
Si l’ensemble du démantèlement se déroule conformément au plan prévu, et qu’il n’existe plus de substances radioactives, alors l’installation nucléaire atteint son « état final« . L’exploitant de l’ancienne centrale peut en demander le déclassement à l’ASN, qui la supprimera de sa liste des installations nucléaires.
Une réalité plus complexe
Certains réacteurs français sont effectivement en cours de démantèlement, et sur le terrain, les choses se compliquent. En témoigne la situation du réacteur numéro 1 de la centrale du Bugey, dans l’Ain. Il a été arrêté en 1994, mais les phases finales de démontage ne débuteront pas avant 2050. Un réacteur difficile à démanteler en raison de son système de refroidissement au gaz.
« Aucun réacteur de ce type n’a encore été démonté dans le monde« , explique ce vendredi à L’Express une attachée de presse d’EDF. C’est le démantèlement d’une autre installation nucléaire du même type, à Chinon, qui doit faire office de cobaye. Selon EDF, cela doit permettre d’établir une feuille de route fiable pour les autres réacteurs refroidis au gaz en France, tous arrêtés désormais. Mais patience, le planning envisage de finir les travaux en 2060.
Dans une lettre du président de l’ASN au président d’EDF en date du 25 juillet 2016, on apprend aussi que « le démantèlement du dernier réacteur UNGG [refroidissement au gaz] doit se terminer au début du XXIIe siècle. » Soit plus d’une centaine d’années après sa mise en arrêt.
« La technologie est encore à inventer »
« On ne sait pas aujourd’hui comment démanteler une centrale nucléaire de A à Z« , tranche Martial Chateau, administrateur du Réseau « Sortir du nucléaire« . En février dernier, Il a été auditionné par l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une mission d’information relative à la « Faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base« .
Il explique à L’Express que la partie non-nucléaire des centrales ne poserait pas tant de difficultés, mais celle ayant été directement au contact des radiations serait autrement plus problématique. « On peut penser que la technologie permettant de démanteler est encore largement à inventer« , poursuit le militant. Selon lui, on ne dispose pas encore de l’expérience suffisante pour se débarrasser des plus gros réacteurs du parc nucléaire français.
Le rapport parlementaire semble aller dans son sens pour ce qui est des réacteurs se refroidissant au gaz. Il pointe « d’importantes difficultés techniques » qui « retardent de près d’un siècle le démantèlement« .
« Comme le réacteur de Chinon est le premier à être démantelé, on peut être confronté à des difficultés techniques », explique l’attachée de presse d’EDF.
Le test de la centrale de Chooz
EDF est plus optimiste concernant les autres types de réacteurs encore en fonctionnement dans le parc français, comme ceux de Fessenheim. Ils fonctionnent avec un système de refroidissement à eau pressurisée, qui est moins compliqué à démonter selon EDF.
Le démantèlement de la centrale à refroidissement à eau de Chooz, dans les Ardennes, en cours depuis 2007, devrait s’achever en 2022 d’après le planning des travaux. Il s’agit véritablement là d’un test pour EDF qui compte communiquer largement sur ce dossier.
S’il s’achève dans les délais prévus, cela sera de bon augure pour l’entreprise et les 58 autres réacteurs du même type encore en fonctionnement sur le territoire.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/fessenheim-sait-on-vraiment-demanteler-une-centrale-nucleaire_1896444.html