EPR : MENSONGES ET MANIPULATIONS

MensongesOn trouve encore tous les jours dans la presse des articles attribuant faussement la fabrication de la cuve de Flamanville 3 au Groupe AREVA. Les idées reçues se propagent facilement et une fois installées résistent aux arguments les mieux étayés. Définitivement sur la base du chrono de l’ASN, c’est Michel Yves Bolloré qui a fabriqué les pièces défaillantes de l’EPR de  Flamanville.

Un maquignon dans le circuit du nucléaire

Pour bien comprendre ce qui suit, il faut garder en tête que Bolloré n’intervient dans ce dossier que comme « marchand de biens » industriels, seulement soucieux de faire le maximum de profit à moindre investissement et dans le minimum de temps. Quitte à travestir la réalité de ce qu’il vendait avec à peu près la même probité qu’un maquignon sur le marché de St Flour. D’où la stupéfaction des visiteurs (AREVA et ASN confondus) constatant l’état de délabrement des ateliers au lendemain de la cession.

Autant dire que le respect des normes de qualification n’est alors aucunement sa priorité, pas plus d’ailleurs que la rémunération du personnel, l’avis des rares ingénieurs de son staff (d’ailleurs y-en-avait-il) ou les conditions de travail des ouvriers.

Non seulement AREVA – entreprise du secteur national – et l’État ont laissé un maquignon s’infiltrer dans le circuit industriel chargé de la fabrication des pièces des centrales nucléaires mais ils lui ont confié la plus sensible d’entre elles, la plus dangereuse aussi : le réacteur de l’EPR dont c’était la première édition.

Or on ne saurait contourner durablement la vérité puisque le « chrono » des courriers de l’ASN est en ligne sur son site et qu’il comporte des pièces qui présentent des contradictions de dates totalement incohérentes avec les dates produites par AREVA.

Des pièces totalement contradictoires dans le chrono de l’ASN

On y trouve un historique de fabrication, probablement issu des indications d’AREVA, destiné à une réunion avec le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire. Historique de la fabrication de la cuve Note en vue de la réunion du 23 Mars 2016 du groupe de suivi du HCTISN portant sur l’anomalie de la cuve de Flamanville 3 . On peut lire dans le tableau de la page 4 que la date de coulée indiquée de la calotte chez Industeel est le 5 Septembre 2006 la fin de fabrication le 10 octobre 2006.

D’abord, le délai d’un mois et 5 jours pour la coulée, le forgeage et l’usinage est assez peu vraisemblable quand on connaît la complexité des opérations.

Mais surtout dans un courrier à la signature commune de la DRIR-Bourgogne et de l’ASN en date du 28 août 2006, on peut lire que « l’homogénéité entre l’extérieur et le centre du lingot n’est pas vérifiée », ce qui implique que le lingot de la calotte est déjà et coulé et forgé, probablement même en cours d’usinage…

La date indiquée par AREVA et reprise dans l’historique des pièces de l’EPR de l’ASN est donc fausse et clairement falsifiée.

Mieux encore, un autre courrier en date du 2 avril 2007 à la signature de l’ASN au Président d’AREVA NP indique que « la majorité des composants de la cuve est déjà sur le site de Chalon-sur-Saône pour les opérations de revêtement par soudage et d’assemblage » (sic) sous-entendu : calotte, corps et fond de cuve. C’est-à-dire que toutes les opérations programmées au Creusot sont terminées.

Alors que l’historique sus évoqué donne pour la fabrication du fond de cuve une fourchette de dates du 23 Janvier 2007 au 14 Décembre 2007. À la date du courrier de l’ASN, la fabrication devrait tout juste être en commencement alors qu’elles ont quitté le Creusot pour Châlon et qu’usinage et contrôle devraient être terminés. Les dates produites par AREVA et reprises par l’ASN sont donc parfaitement contradictoires et fantaisistes.

 Et « last but not least » (NDLR : le dernier mais non le moindre), ce document confirme aussi que dans ses relations avec l’ASN, AREVA prend systématiquement de vitesse sa tutelle puisque la cuve soudée ne permet plus l’essentiel des contrôles prescrits par l’Autorité… AREVA coulera d’ailleurs la cuve dans le béton à Flamanville avant d’avoir souscrit à l’ensemble des demandes de l’ASN, histoire de se débarrasser par omission du problème des contrôles.

Ces falsifications de dates de réalisation ne sont pas improvisées par un ouvrier peu scrupuleux, elles sont délibérées et ont le but bien précis d’éluder le fait que la fabrication de la calotte et du fond de cuve – dont on officialisera la défaillance plus de dix ans plus tard -, a bien été lancée par Michel Yves Bolloré en 2006 à partir d’études et de programmes remontant à 2005. De surcroît sur un équipement industriel qui n’en avait pas la capacité et sur lequel le cupide exploitant d’alors n’avait certainement pas l’intention d’investir.

Pourquoi ce maquillage de dates ? Parce qu’AREVA ne souhaite surtout pas qu’on étudie de trop près ses relations avec un sous-traitant auprès duquel il a acquis ces usines pour 170 M€, avec un Goodwill de plus de 100 M€, (NDLR : Goodwill = excédent de prix par rapport à sa valeur « marché ») et dont on préférerait faire oublier la responsabilité et jusqu’à l’existence. Son nom ne figure à ma connaissance sur aucun document de l’ASN et c’est pas un hasard. Il y a de bonnes raisons pour cela…

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