Bien que l’Asie ne soit pas couverte par la protection mutuelle, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord ne veut pas être inactive.
L’armement nucléaire de la Corée du Nord pose un problème sérieux à l’OTAN, mais celle-ci n’a pas vocation à y répondre directement. C’est entre ces deux bornes que s’est déroulée, vendredi 20 septembre, à Faslane, en Écosse, la visite du secrétaire général de l’alliance atlantique, Jens Stoltenberg, sur la base Clyde, qui abrite les sous-marins nucléaires de Sa Majesté. Il était accompagné d’ambassadeurs de l’Alliance et du ministre de la défense britannique, Michael Fallon.
« L’OTAN est une alliance militaire complète et il serait étrange que je ne visite pas aussi ces bases. Cela fait partie des activités régulières du secrétaire général », a justifié M. Stoltenberg. Face à la Corée du Nord, « nous sommes calmes, mesurés, et fermes », a-t-il ajouté. Le ministre Fallon a précisé : « Nous devons épuiser tous les canaux diplomatiques possibles avant de commencer à considérer quelque option militaire que ce soit. »
L’OTAN veut exercer une dissuasion militaire, conventionnelle et nucléaire « à 360 degrés » et doit se préoccuper de tout territoire relevant de l’un de ses membres. Mais l’Alliance transatlantique étant vouée à la défense de l’Europe, l’Asie n’est pas couverte par l’article 5 qui déclenche la solidarité entre les parties au traité fondateur de 1949 : « Une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties », dispose le texte, précisant que seront protégés les territoires situés au nord du tropique du Cancer. Ce qui pose la question de sa mise en œuvre en cas d’attaque contre les forces américaines sur l’île de Guam ?
Plusieurs aléas pèsent
Il y aurait débat, et il est impossible pour le secrétaire général de ne pas s’emparer du défi nord-coréen. « Le sujet est de créer un espace entre ne rien faire et utiliser la force militaire », a précisé M. Stoltenberg à Faslane. En octobre, il ira au Japon et en Corée du Sud, des visites prévues de longue date mais « devenues plus pertinentes », convient-il. Il s’agit bien de parler avec les partenaires de l’OTAN, et de montrer qu’elle se soucie de la prolifération.
Les missiles de Kim Jong-un, qu’ils soient nucléaires ou non, sont théoriquement capables d’atteindre le territoire otanien. Cette menace balistique ne devrait cependant pas relancer le sujet de la défense antimissile américaine en Europe. Outre le fait que le « bouclier » n’est pas abouti techniquement, il manque l’intention hostile, le leader nord-coréen ayant dit lui-même qu’il n’avait cure de l’Europe. « Pour le moment, nous ne voyons pas la nécessité de rouvrir le dossier face à la menace nord-coréenne », confirme au Monde le général Petr Pavel, président du comité militaire de l’OTAN.
Les alliés manquent aussi d’appétit pour relancer le dossier, le bouclier antimissile étant un sujet de dispute avec Moscou. D’ailleurs, souligne M. Stoltenberg, la Corée du Nord n’est pas à l’agenda du dialogue OTAN-Russie, « car le bon format sur ces sujets est l’ONU, où sont présents tous les États nucléaires ». La posture générale de l’OTAN n’a donc pas de raison de changer. Le nucléaire ne sera pas un sujet majeur du prochain sommet des vingt-neuf alliés, comme cela avait été le cas lors du précédent, en 2016 à Varsovie, quand l’OTAN a réaffirmé sa vocation nucléaire face à la Russie.
Mais plusieurs aléas pèsent, dont les risques d’incidents non maîtrisés dans le cadre de la crise nord-coréenne. Et la « volatilité » du président américain Donald Trump. La double revue, nucléaire et antimissile, ordonnée par le président américain au Pentagone, attendue pour le début 2018, sera donc décisive dans cette perspective.
Faut-il ajouter le Brexit ? La visite d’un secrétaire général de l’OTAN à Faslane, la première depuis vingt-sept ans, a coïncidé avec la 350ème patrouille de sous-marins nucléaires britannique. Et Londres a donné à l’événement une dimension beaucoup moins technique que ne l’avait fait Paris en conviant les ambassadeurs de l’Alliance dans sa propre base nucléaire de l’île Longue, en 2016. Un message à l’adresse des Européens comme du parrain américain.
« Alliance nucléaire »
Fallon a ainsi insisté sur la place du Royaume-Uni dans la protection des alliés, après la première ministre, Theresa May, qui s’est dite prête, le 12 septembre, à participer « sans condition » au maintien de la sécurité en Europe, malgré le Brexit. Londres vient de décrocher la présidence du comité militaire de l’OTAN pour trois ans à partir de juin 2018, et apprécierait la consolidation du QG maritime de Northwood en un nouveau grand « commandement atlantique de l’OTAN». Un sujet en débat.
« L’OTAN est une alliance nucléaire et notre dissuasion demeure un élément-clé de ses décisions, compliquant les calculs de nos adversaires », a insisté vendredi M. Fallon. Le pays partage sa dissuasion avec les États-Unis et participe à la planification nucléaire de l’OTAN, contrairement à la France, seule autre puissance atomique en Europe, qui a toujours souhaité conserver son indépendance stratégique.
Mais le ministre conservateur de la défense a aussi délivré un message de politique intérieure, à la veille du congrès des tories. L’opposant travailliste Jeremy Corbyn, favori pour devenir premier ministre en cas d’élections législatives anticipées, a contesté par le passé la pertinence de l’arme nucléaire avant de nuancer sa position, insistent les conservateurs.
Fallon a rappelé les investissements considérables prévus sur la base Clyde – plusieurs milliards de livres, avec l’arrivée de la nouvelle génération de sous-marins lance-engins de classe Dreadnought. De quoi rester « crédible jusqu’en 2060 », a-t-il confié à ses hôtes de l’OTAN. Et rendre incontestable cette place forte stratégique, quel que soit l’avenir de l’Écosse pro-européenne, à l’intérieur ou hors du Royaume-Uni.
La Russie ? La Corée du Nord ? Pour un officier de la force nucléaire sous-marine, c’est « business as usual », comme le dit précisément le chef de la base Clyde, le commandant Chisholm. Selon ce dernier, « la dissuasion exige de maintenir une posture continue. Nous ne sommes ni dans l’escalade ni dans la désescalade. » Deux fois par an se tiennent ici de grands exercices otaniens. Et cela n’a aucune raison de changer.
Article de Nathalie Guibert (Faslane, Écosse, envoyée spéciale)
http://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/02/l-otan-reaffirme-sa-force-de-dissuasion-face-a-la-menace-nucleaire-nord-coreenne_5194781_3210.html
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