Les trois capitales affirment rester « engagées dans la mise en œuvre pleine et entière de l’accord » alors que Trump refuse de certifier la bonne application des engagements et veut de nouvelles sanctions.
Tous les autres signataires condamnent la fragilisation de l’accord sur le nucléaire iranien de juillet 2015 entraînée par les annonces de Donald Trump. Moscou comme Pékin ainsi que Paris, Londres et Berlin s’inquiètent d’une décision déstabilisante pour la région même si pour le moment les États-Unis ne dénoncent pas encore formellement l’accord. Initiatrices en 2003 de la négociation longue de douze ans qui avait abouti à ce compromis, ces trois capitales européennes veulent agir à l’unisson pour tenter de sauver un traité crucial pour la sécurité internationale et la lutte contre la prolifération.
Dans une déclaration commune elles affirment rester « engagées dans la mise en œuvre pleine et entière de l’accord » et elles appellent l’administration américaine et le Congrès à prendre en compte les implications de leur décision. Le président Macron s’est en outre entretenu par téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani qui, tout en l’assurant de sa volonté de respecter l’accord de juillet, l’a invité à Téhéran. « Nous souhaitons vivement que le Congrès, qui a maintenant la responsabilité d’une éventuelle rupture, ne remette pas en cause l’accord », a par ailleurs déclaré à l’Agence France Presse le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
La « décertification » renvoie la balle au Congrès. Les diplomates français, allemands et britanniques qui, depuis des jours déjà multipliaient les initiatives et les rencontres avec les élus des deux chambres pour souligner l’importance de l’accord, comptent encore accentuer ces initiatives de « lobbying ». L’administration Trump ne cesse de dénoncer les limites de l’accord qui met sous un contrôle international le programme nucléaire iranien, mais dont nombre des clauses seront caduques en 2025.
Décision aussi dangereuse que contre-productive
À cela s’ajoutent les inquiétudes sur la poursuite par Téhéran d’un programme balistique « non conforme » à la résolution 1929 de juin 2010 du Conseil de sécurité, mais aussi sur son soutien à des groupes terroristes et son expansionnisme régional. Les trois capitales, et notamment Paris, partagent largement ces préoccupations américaines mais elles jugent la décision aussi dangereuse que contre-productive.
« Tout mélanger c’est prendre le risque de tout perdre. Et si l’accord est remis en cause, à tous ces problèmes s’ajoutera de nouveau le plus grave, celui du nucléaire », explique une source française proche du dossier. En marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Emmanuel Macron s’était entretenu successivement avec le président américain puis avec son homologue iranien, Hassan Rohani, et avait insisté sur la nécessité de sauver l’accord.
« Nous avons besoin de l’accord de 2015. Cet accord est-il suffisant ? Il ne l’est pas, compte tenu de l’évolution régionale et de la pression croissante que l’Iran exerce dans la région », avait déclaré le président français qui propose donc d’ajouter « deux ou trois autres piliers » à l’actuel accord : un pour un meilleur contrôle des activités balistiques, un deuxième pour l’après-2025 et un troisième pour ouvrir des discussions avec l’Iran sur la situation actuelle dans la région. Ce sont des lignes rouges pour Téhéran et une crise ouverte ne ferait qu’accroître l’intransigeance iranienne. D’où l’aveu de son « incompréhension » de la stratégie poursuivie par Donald Trump.
Fuite en avant
Juridiquement parlant, le retrait américain ne donne pas le coup de grâce à l’accord des « 5 + 1 » avec Téhéran. Le texte a été endossé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité. Mais il y a la réalité politique. « S’il y a le sentiment que les États-Unis ne le soutiennent plus il sera en très grand danger », relève un diplomate européen, rappelant que « ce deal repose aussi sur la confiance ».
Le choix éventuel du Congrès américain de rétablir les sanctions, voire de les augmenter comme le demande M. Trump, serait une décision unilatérale. Rien n’oblige les Européens, comme les autres signataires, à faire de même. Mais les entreprises qui voudraient effectuer des investissements en Iran risqueraient de se couper définitivement du marché américain, voire d’être condamnées à de très fortes amendes par la justice américaine. L’asphyxie de l’économie iranienne continuerait et Téhéran n’aurait, de fait, plus intérêt à respecter ses engagements sur le nucléaire.
La fuite en avant de l’administration Trump risque d’avoir des effets dévastateurs au-delà même du Moyen-Orient, notamment sur la crise nucléaire avec la Corée du Nord. Les chances sont déjà minimes d’arriver à un accord avec Pyongyang grâce à l’aide de Pékin et Moscou. Le torpillage après deux ans de celui laborieusement négocié avec Téhéran n’est donc pas de nature à inciter le régime nord-coréen, ni ses protecteurs, à faire confiance à Washington.
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/10/14/paris-londres-et-berlin-font-bloc-pour-sauver-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_5200964_3222.html
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