IL FAUT NÉGOCIER AVEC LA CORÉE DU NORD

OPINION: La solution à la crise nucléaire nord-coréenne réside dans une négociation, globale, comme le suggèrent la Chine et la Russie, estime l’ancien sous-secrétaire général des Nations unies Marcel A. Boisard.

Le président Trump effectue cette semaine son premier voyage en Asie. La situation dans la péninsule coréenne sera au centre des discussions. Il serait absurde et dangereux de faire passer Kim Jong-un pour un tyran psychopathe et belliqueux.

La longue histoire du Pays du Matin calme fut très agitée. Comme un bras tendu entre la Chine continentale et le Japon insulaire, la péninsule fut un lieu de passage et d’invasion. Sa situation géopolitique détermina son histoire, globalement douloureuse. Le pays fut rarement unifié et indépendant. Il vécut sous les influences mandchoue, mongole, chinoise et japonaise. Les populations souffrirent de perpétuelles occupations. Au XVe siècle, le pays fut, pour une centaine d’années seulement, uni par des empereurs qui permirent un développement culturel remarquable. La désunion et le déclin conduisirent à la fermeture des frontières. L’isolement fut total; les côtes littorales furent transformées en déserts inhabités. L’économie stagnait et l’insécurité régnait. Le Japon imposa, dans le dernier quart du XIXe siècle, un traité inégal d’alliance, qui fut suivi d’un protectorat, puis, après sa victoire contre la Russie, d’une annexion, en 1910.

Deux millions de morts

La colonisation fut très sévère et d’une extrême dureté pendant la Seconde Guerre mondiale. Le cas des jeunes femmes réquisitionnées de force, pour le «réconfort» de la soldatesque, est connu. L’ensemble de la population fut soumis à une forme d’esclavagisme brutal. Ces réalités historiques avérées ont marqué les mémoires. La résistance s’était organisée autour de deux personnalités qui se révélèrent ultérieurement être des dictateurs: Syngman Rhee, le nationaliste, qui prit le pouvoir au Sud, et Kim Il-sung, le communiste, au Nord. Après la capitulation japonaise, l’Union soviétique et les États-Unis divisèrent le pays en zones d’occupation, le long du 38e parallèle. Ces puissances avaient besoin d’une plateforme d’observation sur la région, en particulier sur la Chine, où Mao Tsé-toung achevait sa conquête du pouvoir.

L’hostilité de l’Occident fut immédiate et violente. Depuis près de soixante-cinq ans, Washington refuse de reconnaître le régime, dont il souhaite la perte

En juin 1950, alors que les troupes américaines du Pacifique démobilisaient, des forces de Corée du Nord franchirent la ligne de partage. Le Conseil de sécurité fut saisi. L’URSS pratiquait alors la «politique de la chaise vide». Son absence ne fut pas considérée comme un veto. Une intervention militaire multinationale trouvait ainsi sa légitimité. Elle fut conduite sous l’égide des États-Unis. Le front fluctua. Dès que les forces internationales s’approchèrent de la frontière chinoise, un million de «volontaires» déferlèrent. Le général MacArthur envisagea l’usage de la bombe atomique, comme sept ans auparavant sur Hiroshima. Truman lui retira le commandement. Les combats se stabilisèrent. L’armistice fut signé à l’été 1953, rétablissant le statu quo ante.

https://www.letemps.ch/opinions/2017/11/05/faut-negocier-coree-nord