Le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a appelé les Européens à prendre l’initiative dans le domaine du désarmement nucléaire.
Jean-Marie Collin, vice-président de l’Initiative pour le désarmement nucléaire (IDN), plaide en faveur d’une relance de « négociations bilatérales élargies » dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP)
La nouvelle posture nucléaire américaine, publiée vendredi 2 février par le Pentagone, va-t-elle relancer la course aux armements nucléaires comme au beau temps de la guerre froide ? Seul jusque-là, le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a sonné l’alarme après l’annonce par les États-Unis de leur intention de se doter d’armes nucléaires tactiques de faible puissance pour répondre à « l’expansion des capacités de la Russie ».
« Nous en Europe sommes particulièrement mis en danger »
« Comme à l’époque de la Guerre froide, nous en Europe sommes particulièrement mis en danger » par « une relance de la course aux armes nucléaires », a déclaré le ministre. « C’est précisément la raison pour laquelle nous devons en Europe lancer de nouvelles initiatives pour le contrôle de l’armement et le désarmement. » Le chef de la diplomatie allemande a appelé au « respect inconditionnel des traités de contrôle des armements existants » et affirmé que Berlin œuvrera « avec ses alliés et partenaires » en faveur du désarmement dans le monde.
Autre réaction attendue, le ministère russe des affaires étrangères a rejeté, sans surprise, comme un prétexte, l’argumentaire américain sur le rôle donné par la doctrine militaire russe aux armes nucléaires dans la prévention et la conduite des guerres régionales ou locales.
Moscou se dit, par ailleurs, prêt à une relance des discussions sur le désarmement nucléaire, en y incluant le Royaume-Uni et la France « en tant qu’États dotés de l’arme nucléaire alliés de Washington ».
À l’opposé, les deux puissances nucléaires européennes au sein de l’Otan, – la France et le Royaume-Uni –, sont restées particulièrement discrètes, peu soucieuses de modifier leur posture.
Du côté français, la ministre des Armées, Florence Parly, présentera, jeudi 8 février, le projet de loi de programmation militaire (LPM) aux députés de la commission de la défense de l’assemblée nationale. La modernisation prévue des composantes aéroportée et sous-marine portera les crédits alloués à la dissuasion de 3,9 milliards d’euros en 2017 à 6 milliards d’euros en 2025. Cette « bosse d’investissement » ne sera pas sans conséquence sur le reste du budget des Armées.
En Grande-Bretagne, le financement du renouvellement des quatre sous-marins nucléaires Trident, au moins 41 milliards de livres (49 milliards d’euros), voté par le parlement en 2016, soulève des problèmes considérables récemment soulignés par le général Nicholas Carter, commandant en chef de l’armée britannique.
« Peut-être la dernière chance de sauver le régime de non-prolifération »
Les circonstances ne semblent pas particulièrement propices à une relance des négociations sur le désarmement et la sécurité du continent européen, au moment où la Russie continue à remettre en cause les instruments existants, en particulier le traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) qui n’est plus appliqué par Moscou depuis 2007, à la veille de l’intervention en Géorgie. De même, la Russie n’a pas pleinement mis en œuvre ses engagements de 1991-1992 sur la réduction des armes nucléaires tactique en Europe.
Pour autant, Jean-Marie Collin, vice-président de l’Initiative pour le désarmement nucléaire (IDN), plaide en faveur d’une relance de « négociations bilatérales élargies dans le cadre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) ». « La nouvelle posture nucléaire américaine offre aux Européens l’opportunité de prendre les Russes au mot » dit-il. « Si la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne engageaient des discussions avec la Russie, les États-Unis ne pourraient pas rester longtemps en dehors. »
La deuxième « conférence de préparation » du TNP, un traité signé il y a cinquante ans le 1er juillet 1968, doit se tenir du 24 avril au 4 mai à Genève, avant la conférence d’examen prévue en 2020. « C’est peut-être la dernière chance de sauver le régime de non-prolifération » ajoute Jean-Marie Collin en rappelant l’article VI du traité dans lequel les cinq États dits « dotés » de l’arme nucléaire (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France, Chine), s’engagent à poursuivre des négociations sur le désarmement nucléaire.
François d’Alançon
https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Armes-nucleaires-lEurope-prise-surenchere-Washington-Moscou-2018-02-06-1200911727
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