TRICASTIN BIENTÔT FUKUSHIMA-SUR-RHÔNE ?

Tandis qu’on « célèbre » avec force discours lénifiants le septième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Fukushima, et qu’Areva (c’est-à-dire notre poche) doit payer 450 millions d’euros à la Finlande pour les retards (10 ans) de l’EPR vendu à ce pays bien naïf, une grande inquiétude commence à s’installer dans la vallée du Rhône, chez moi.

Une inquiétude liée à des menaces nucléaires qui touchent directement 400 000 personnes et indirectement toute la partie rhodanienne de la Provence, la région marseillaise comprise, soit plusieurs millions de personnes. En témoignent les dizaines de plaintes qui ont été déposées à titre individuel par un collectif de citoyens, auprès du procureur de la République, vendredi matin 9 mars 2018 au palais de Justice d’Avignon.

L’objet de cette menace ? La centrale nucléaire du Tricastin qui donne des signes inquiétants et récurrents d’obsolescence pouvant aller jusqu’à l’accident majeur, type Fukushima. Le vendredi 22 mars 2013 au matin, du Vaucluse, de l’Ardèche, de la Drôme, du Gard, dans un périmètre de 15 km, les lève-tôt ont entendu une explosion et vu un énorme arc électrique qui a illuminé le site nucléaire du Tricastin pendant dix longues minutes ! Inquiétant… Paniquant… Il s’agissait d’une rupture de ligne, d’un court-circuit sur la ligne haute tension de 225 000 volts en sortie du réacteur nucléaire n° 3 de la centrale du Tricastin.

Quelques semaines plus tard c’était le réacteur n°1 de EDF qui subissait lui aussi une rupture de ligne avec explosion et menaçait la région. Depuis que les 4 réacteurs du Tricastin ont été recouplés au réseau électrique après avoir tourné des années durant et quasiment exclusivement pour l’usine d’enrichissement de l’uranium Eurodif c’était le deuxième accident en l’espace d’un mois.

Ce n’est pas tout. En juillet 2011, c’était déjà le transformateur de l’unité du réacteur n°1 qui prenait feu. À chaque fois pour EDF ou Areva : « Aucune conséquence radiologique sur l’environnement et la population ». Ben voyons ! Jusqu’à ce que…

Fuites, fissures dans l’enceinte de béton, vannes et systèmes défaillants, maîtrise aléatoire du pilotage des réacteurs sont à présent le lot quotidien de cette centrale nucléaire intégrée au plus grand complexe nucléaro-chimique du pays et qui menace toute la vallée du Rhône.

Avec 38 années de fonctionnement pour le réacteur n° 1 et 37 années pour les trois autres réacteurs, la centrale de Tricastin fait partie des plus vieilles de France et a largement dépassé les 30 années de fonctionnement initialement envisagées pour les réacteurs nucléaires. Elle utilise du combustible Mox, dangereux assemblage d’oxyde de plutonium et d’uranium appauvri. Ce combustible aggrave les conséquences potentielles d’un accident majeur par la présence accrue de plutonium, plus radiotoxique que les autres matières rejetées en cas d’accident.

Inondations.

Qu’est-ce qui a causé la catastrophe de Fukushima ? Non pas le tremblement de terre mais l’inondation des installations. Or les risques d’inondations sont très réels à Tricastin car la plateforme de la centrale se situe à un niveau inférieur à celui de sa source froide ! Comme à Bugey et à Fessenheim d’ailleurs… Bonjour la compétence des concepteurs… La centrale est implantée en contrebas de la digue rive droite du canal de Donzère-Mondragon. L’ASN a imposé à ‘exploitant le renforcement des digues, travaux effectués au dernier trimestre 2017. Résisteraient-elles à un séisme ou à une crue exceptionnelle du Rhône ? Elle est donc vulnérable au risque d’inondation.

Mais ce n’est pas tout. La centrale est aussi exposée à une inondation par remontée de la nappe phréatique. Des pompes fonctionnent en continu pour maintenir le niveau de la nappe en dessous de celui de la plateforme. Enfin, à l’inverse, la centrale de Tricastin est soumise à un risque de perte de sa source froide en cas :

  • de rupture de la digue gauche du canal qui pourrait faire baisser le niveau de l’eau en dessous du niveau des pompes de la centrale ;
  • de rupture du barrage hydraulique de Bollène situé quelques centaines de mètres en aval sur le canal de Donzère-Mondragon. Avec une chute de 23 mètres entre l’amont et l’aval, c’est l’écluse la plus haute d’Europe. En cas de rupture du barrage ou des portes de l’écluse, le niveau d’eau dans le canal s’abaisserait brutalement, faisant perdre à la centrale de Tricastin sa capacité à refroidir ses réacteurs. Rappelons qu’en 1998, une des deux portes de l’écluse a cédé.

Risques sismiques.

Le séisme de référence utilisé pour le dimensionnement de la centrale de Tricastin est celui de Châteauneuf-du-Rhône de 1873 qui était de magnitude 4,7 sur l’échelle de Richter. La centrale a été conçue pour résister à un séisme de 5,2 avec une marge de 0,5 par rapport au séisme de référence, ce qui est largement sous-estimé. La centrale a été construite avec les technologies disponibles à l’époque de sa construction, qui n’étaient pas anti sismiques.

Risques industriels.

La centrale nucléaire de Tricastin présente une sensibilité particulière du fait de son implantation au sein d’un complexe nucléaire et chimique plus important. Ainsi, dans un rayon de 10 km autour du site, on retrouve quatre installations classée Seveso seuil haut dont une installation chimique liée au nucléaire (Cogema, Comurhex, Soderec et Butagaz) et 2 Seveso seuil bas (Eurodif et Sogif). Les usines AREVA de transformation, de conversion et d’enrichissement de l’uranium sont toutes situées à moins d’1 km de la centrale. Les deux sources majeures de risque sur la plateforme sont la présence de quantités importantes d’hexafluorure d’uranium pouvant conduire à la formation d’un nuage toxique au-dessus du site, et la présence de fluorure d’hydrogène et d’acide fluorhydrique. Le danger potentiel est important puisque plusieurs installations sur le site manipulent ces produits.

Risques liés à la chute d’avion.

Le site de Tricastin se situe à proximité de quatre aéroports transportant au total plus de 7,5 millions de passagers par an et 53 000 tonnes de marchandises : Marseille-Marignane, Avignon, Nîmes, Valence. Sans oublier la base militaire aéronautique d’Orange. Les enceintes de confinement des réacteurs sont-ils à l’épreuve de la chute – accidentelle ou volontaire – d’un avion de ligne ou d’un chasseur ? Certainement pas. En tout cas les piscines de la centrale sont très vulnérables en cas d’agression aérienne volontaire du fait de leur positionnement en hauteur, de la configuration des lieux et de l’absence de confinement.

Imaginons un accident majeur à Tricastin, un jour de mistral (soit 200 jours par an). Le nuage radioactif saccage toute la vallée du Rhône, jusqu’à Marseille et la Camargue. Qu’est-ce qu’on fait ? On évacue Avignon, Salon, Marseille ? On laisse les habitants crever, comme au Japon ? Et que devient l’économie du pays basée sur le vignoble et le tourisme ? Je vois d’ici les affiches publicitaires :

« Visitez la Provence,ses ruines nucléaires,…ses eaux radioactives,ses cancers foudroyants,…ses enfants mutants à deux têtes, six bras,ses fraîches jeunes filles aux quatre nichons…Allez-y ! Vous n’en reviendrez pas !… »

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/tricastin-bientot-fukushima-sur-202287