Dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie et la Chine, le gouvernement Biden a demandé le budget militaire le plus important de l’histoire des États-Unis. Il exige 753 milliards de dollars de dépenses militaires annuelles, soit plus que les dix autres plus grandes armées réunies.
Ce budget prévoit des dépenses supplémentaires pour les armes nucléaires, la modernisation de la flotte de sous-marins balistiques à capacité nucléaire et le développement d’une toute nouvelle gamme d’armes de longue portée. Ces dernières sont selon les planificateurs militaires nécessaires pour que les États-Unis puissent mener une guerre majeure avec la Russie ou la Chine.
Le budget explose les promesses creuses de l’aile «progressiste» du Parti démocrate, notamment de Bernie Sanders et d’Alexandria Ocasio-Cortez, qui prétendaient qu’une présidence Biden marquerait une rupture avec le militarisme et le bellicisme de Donald Trump.
Mais le gouvernement Biden a, peu de mois après son installation, versé de l’huile sur le feu des diverses poudrières du monde, produisant la plus longue période de tensions entre les États-Unis et la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et entre ceux-ci et la Chine depuis les années 1970.
Depuis l’annonce le mois dernier par le régime-client des États-Unis en Ukraine d’un plan visant à reprendre militairement la Crimée, les relations entre Washington et Moscou ont été à deux doigts du conflit. Vendredi, les États-Unis ont annoncé leur intention de déployer des navires de guerre en mer Noire, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a mis en garde contre l’éclatement d’une guerre «à grande échelle».
En même temps, le gouvernement Biden a entrepris de déployer des armes offensives sur les îles entourant la Chine et il discute d’une alliance militaire avec Taïwan, créant ainsi un face-à-face armé dans le détroit de Taïwan comme en mer de Chine méridionale.
La proposition de budget de Biden perpétue et accélère le renforcement nucléaire de milliers de milliards de dollars initié par Obama et poursuivi par Trump. Elle comprend le développement d’armes nucléaires plus petites et plus «utilisables» et de missiles de croisière à capacité nucléaire.
Le texte de la demande de budget indique qu’il maintiendra «une dissuasion nucléaire forte et crédible pour la sécurité de la nation et des alliés des États-Unis», ajoutant que «la demande discrétionnaire soutient les programmes de modernisation nucléaire en cours.»
La proposition de budget cible résolument la Chine et la Russie. Elle déclare «donner la priorité en tant que principal défi du ministère [de la Défense] à la nécessité de contrer la menace de la Chine. Le ministère cherchera également à dissuader la Russie d’adopter un comportement déstabilisateur».
Pour ce faire, le budget soutient explicitement l’initiative dite de «dissuasion dans le Pacifique» qui vise à entourer la Chine de missiles offensifs basés à terre, précédemment interdits par le traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI).
«En s’appuyant sur l’initiative de dissuasion du Pacifique et en collaborant avec les alliés et les partenaires de la région inde-pacifique et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, le DOD [ministère de la Défense] veillera à ce que les États-Unis mettent en place les concepts, les capacités et la posture nécessaires pour relever ces défis.»
Outre le développement de nouvelles sortes d’armes offensives précédemment interdites, le budget donne la priorité au développement de «capacités de frappe hypersoniques» capables d’échapper aux défenses pour délivrer des charges nucléaires.
Le budget déclare que «le maintien de la puissance navale des États-Unis est essentiel pour rassurer les alliés et signaler aux adversaires potentiels la détermination des États-Unis». Il ajoute que «la demande discrétionnaire poursuit la recapitalisation de la flotte de sous-marins lanceurs de missiles balistiques stratégiques de la nation» et investit « dans des systèmes autonomes et télécommandés et dans le programme de la nouvelle génération de sous-marins d’attaque».
Après quatre années consécutives d’augmentation du budget militaire par Trump, les responsables militaires s’attendaient à ce que Biden le maintienne inchangé, voire le réduise. Les défenseurs de Biden dans l’aile «progressiste» du Parti démocrate avaient, eux, fait croire que Biden réduirait le budget militaire mais celui-ci n’a fait que gonfler massivement le budget du Pentagone.
Le budget de la Défense n’est cependant qu’une composante d’une augmentation massive des dépenses domestiques visant à contrer la Chine. Début avril, Biden a annoncé un projet de loi sur l’infrastructure de 2.000 milliards de dollars, destiné principalement à la «concurrence stratégique» avec Pékin.
Expliquant ce projet de loi, Biden a déclaré que la Chine tentait « de s’approprier l’avenir – la technologie, l’informatique quantique». C’était là « l’infrastructure d’une nation».
«Pensez-vous que la Chine attende pour investir dans son infrastructure numérique ou dans la recherche et le développement? Je vous promets qu’ils n’attendent pas. Mais ils comptent sur la démocratie américaine pour être trop lente, trop limitée et trop divisée pour suivre le rythme.»
Cette semaine, les membres de la Commission des relations étrangères du Sénat ont dévoilé la «Loi sur la concurrence stratégique de 2021». Ce projet de loi constituera un «effort bipartite sans précédent pour mobiliser tous les outils stratégiques, économiques et diplomatiques des États-Unis en faveur d’une stratégie inde-pacifique. Il permettra à notre nation de faire véritablement face aux défis que la Chine pose à notre sécurité nationale et économique», a déclaré le président de cette commission, Bob Menendez.
Il a ajouté que cette loi était « une reconnaissance que ce moment exigeait une réponse stratégique unifiée qui puisse reconstruire le leadership américain» et «investir dans notre capacité à surpasser la Chine.»
Un tel détournement flagrant des ressources de la société pour la préparation de guerres irresponsables et destructrices est doublement criminel alors que le monde est en proie à une pandémie hors de contrôle. Les gouvernements capitalistes déclarent que la population doit «vivre avec» le COVID-19 parce que le contenir coûte trop cher, mais des ressources illimitées sont mises à disposition pour planifier et préparer des guerres qui pourraient potentiellement tuer des milliards de personnes.
L’escalade rapide du conflit entre les États-Unis et la Chine et la Russie crée d’immenses dangers. Face à une énorme crise sociale chez eux et au déchaînement de la pandémie, les États-Unis cherchent désespérément à détourner les tensions internes vers l’extérieur.
Mais ces plans de guerre ne sont en rien inévitables. Les travailleurs doivent se mobiliser sur la base d’une perspective commune, socialiste et internationaliste, pour mettre un terme à la marche à la guerre irresponsable des capitalistes. La condition préalable essentielle à un tel développement est un rejet décisif du Parti démocrate et de tous ceux qui sèment des illusions à son égard.
Par André Damon, publié le 12 avril 202, (Article paru d’abord en anglais le 10 avril 2021)
Photo en titre : Le Pentagone (Wikimedia Commons)
https://www.wsws.org/fr/articles/2021/04/12/eubg-a12.html
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