Sur les 32 millions de voitures particulières du parc automobile français, deux tiers sont des motorisations diesel. Comment en est-on arrivés là ? Plongée dans l’histoire.
Alors que les immatriculations de diesels ne représentaient plus que 39% du total de véhicules neufs contre 73% en 2012, témoignant d’un désamour croissant de la part du public, il peut être pertinent de se demander comment la France a pu arriver en quelques décennies à une telle hégémonie de ce carburant. L’explication trouve son origine dans les politiques énergétiques menées dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui ont mené d’année en année à une “diésélisation” des industries, des marchés et des esprits, dont le pays paie aujourd’hui les conséquences.
L’émergence du nucléaire, le déclencheur
Pour commencer, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un premier coup de pouce au diesel est donné par l’État qui allège la fiscalité sur le diesel. “Après-guerre, les utilisateurs de poids lourds et de gazole non-routiers, pour les usages agricoles par exemple, ont demandé de l’aide. Ils étaient les seuls à utiliser des motorisations diesel.” indique Ludovic Dupin dans l’Usine Nouvelle. L’objectif est de relancer l’économie en passant par la paysannerie, dont les engins n’ont pas d’alternatives au diesel. Cependant, le vrai coup d’accélérateur viendra de la montée en puissance du programme nucléaire, voulu par le Général De Gaulle, au début des années 60.
Vingt ans plus tard, 14 réacteurs nucléaires sont en activité en France. De fait, la production d’électricité explose et cette énergie est préférée au fioul pour le chauffage domestique. Les raffineurs français se retrouvent alors avec des excédents de fioul, complète Ludovic Dupin. Le baril de fioul étant facilement convertible à 40% en diesel, un deuxième allègement fiscal est lancé par l’État afin d’inciter les constructeurs à développer des motorisations à combustion spontanée. À propos de l’offre naissante des premiers moteurs diesel pour particulier, L’Argus écrivait ainsi en 1959 “on a là le résultat d’une double évolution : l’une technique et bénéfique qui amena la création de Diesel rapides, relativement peu coûteux, l’autre fiscale, absurde par sa démesure et qui, aujourd’hui, voit inclure 70% de taxes dans le prix de l’essence.”
Un contexte international favorable au diesel
Par la suite, dans les années 70, dans un contexte de choc pétrolier et de lutte contre les importations de voitures japonaises, le “diesel” devient une brèche dans laquelle les constructeurs français s’engouffrent pour construire des moteurs qui consomment jusqu’à 20% de moins que l’essence, avec un carburant moins cher. PSA était alors un des rares groupes à posséder une expertise dans ce type de motorisation, notamment avec les célèbres moteurs “INDENOR’ qui équiperont toute une génération de taxis 403 et 404, et va massivement convertir ses autres usines à la création de nouveaux moteurs gazole. En 1972, Renault va à son tour se lancer dans le Diesel, en s’associant à PSA. Leur premier moteur est conçu sur le site de Douvrin (62) et c’est avec cette association industrielle que le diesel devient une technologie “Made in France”, qui va alors s’exporter dans les pays limitrophes, notamment l’Italie, l’Espagne, la Belgique.
Un cap est franchi grâce aux innovations technologiques
Mais ce sont les années 90 qui marquent réellement l’apogée du gazole. Le manque de puissance et de confort du moteur diesel sont compensés par des innovations comme la turbo-compression, la rampe commune, ou les injecteurs pompes. À la fin de la décennie, le diesel trouve un autre allié : le CO2. L’émission de ce gaz naturel étant directement proportionnelle à la consommation, les moteurs turbo-diesel sont champions à ce niveau. En deux décennies c’est un véritable basculement puisque le diesel passe de 4,5% du parc automobile français en 1980 à plus de 50% à la fin des années 90.
Enfin, le diesel s’est nourri de l’essor du nucléaire pour se faire sa place dans l’industrie française. Aujourd’hui, le nucléaire doit le faire disparaître en alimentant les batteries des voitures électriques. Un paradoxe d’autant plus criant que l’énergie atomique n’a pas bonne réputation et que beaucoup souhaitent sa disparition. «Si le nucléaire était un organisme vivant, il serait classé en voie de disparition. » prévient dans l’Obs, l’expert Mycle Schneider, auteur principal du World Nuclear Industry Status Report 2018.
Par Alexandre Neto, publié le 03/05/2019 à 09h31
https://pro.largus.fr/actualites/le-tout-diesel-un-dommage-collateral-du-nucleaire-9776390.html
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