Le président de Kansai Electric Power, l’un des plus grands électriciens japonais, s’apprête à démissionner après s’être retrouvé impliqué dans une vaste affaire de corruption liée à une centrale nucléaire.
Après avoir longtemps refusé de quitter son poste, le président de la grande compagnie d’électricité Kansai Electric Power (Kepco), qui dessert l’ouest du Japon, pourrait finalement annoncer dès mercredi soir sa démission. Selon les médias japonais, Makoto Yagi, qui fut autrefois le directeur général de l’électricien, pourrait dévoiler sa décision à l’occasion de la réunion d’urgence d’un conseil d’administration.
Depuis la fin septembre, le dirigeant refusait d’assumer pleinement la mise à jour au sein de son entreprise d’un vaste réseau de pots-de-vin orchestré par Eiji Moriyama, l’adjoint au maire d’une petite ville hébergeant l’une des grandes centrales nucléaires de Kepco. Son nom apparaissait pourtant sur la liste de la vingtaine de cadres ayant profité, au moins depuis 2006, de généreux « cadeaux » de l’élu de la commune de Takahama dans la préfecture de Fukui.
Vaste réseau de corruption
Au total, le responsable politique aurait distribué l’équivalent de 320 millions de yens (2,7 millions d’euros) en enveloppes de liquide, en bons pour des costumes de luxe et autres pièces d’or cachées dans des sacs de bonbons. Pour arroser les décideurs de Kansai Electric, Eiji Moriyama se faisait payer par des PME locales soucieuses de sécuriser de juteux contrats avec l’électricien au sein de la centrale nucléaire. Au moins, une société de BTP a déjà reconnu les versements. Un aveu qui a provoqué une enquête des autorités fiscales et la mise à jour de ce vaste réseau de corruption.
Espérant étouffer l’affaire, la direction de Kepco a d’abord expliqué qu’elle avait tenté, à plusieurs reprises, de rendre les « cadeaux » à l’élu corrupteur, qui est décédé en mars dernier à l’âge de 90 ans. Mais ce dernier, connu pour son tempérament impulsif, se serait bruyamment offusqué de ces mauvaises manières et aurait refusé, à plusieurs reprises, au fil des ans, de récupérer ses « dons ».
« Nous avons accepté ces cadeaux car nous craignions qu’un refus ne détériore nos relations avec l’administration », a justifié la semaine dernière Shigeki Iwane, le PDG du groupe, qui a lui aussi été « récompensé » et se retrouve également sur la sellette. « Nous avions en tête de les rendre au moment opportun. Nous savions que c’étaient des présents coûteux et qu’il faudrait les restituer un jour », a-t-il expliqué, avant d’indiquer qu’il avait lui-même placé « les cadeaux » dans un coffre car il avait conscience qu’il posait « un problème de gouvernance ». Ce n’est toutefois qu’après le récent lancement d’un contrôle fiscal que ces « retours » se sont accélérés.
Mauvaise réputation de l’industrie nucléaire
Ce scandale ulcère le gouvernement conservateur du Premier ministre Shinzo Abe qui s’efforce, huit ans après la catastrophe de Fukushima , de relancer l’industrie du nucléaire dans le pays. Il craint que l’affaire ne sape encore plus la réputation des opérateurs de centrales nucléaires du pays auprès d’une opinion publique toujours très méfiante vis-à-vis de cette énergie et de ses promoteurs. « Il est honteux » que Kansai Electric ait accepté ces cadeaux de manière si « louche », s’est agacé Yoshihide Suga, le porte-parole de l’exécutif.
Kepco est l’un des rares électriciens à avoir obtenu le feu vert pour redémarrer certains de ses réacteurs. L’électricien en opère actuellement quatre sur les neuf en activité dans tout le pays, qui en exploitait au total 54 avec la catastrophe de 2011. Et deux de ces tranches actives sont situées dans la centrale de Takahama.
Par Yann Rousseau, publié le 9 oct. 2019 à 7h01
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/des-pieces-dor-cachees-dans-des-sacs-de-bonbons-tetanisent-le-nucleaire-japonais-1138432
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