L’inspection du 15 mai 2020 dernier du réacteur nucléaire n°4 de la centrale atomique du Tricastin (1) par les inspecteurs de l’ASN (2) s’est faite à distance et non sur site pour cause d’épidémie covid19. Autant dire que c’est sur les seuls documents fournis par EDF que les inspecteurs ont pu travailler. Bien que dans l’impossibilité de voir sur pied l’état de délabrement des réacteurs et le peu de sérieux du pilotage des procédures, la moisson n’est pas triste à la veille de la préparation de l’arrêt pour maintenance de ce réacteur vétuste et délabré qui a plus de 44 ans.
Déjà, en juillet 2014, EDF-Tricastin s’était fait remonter les bretelles. Son dossier de présentation d’arrêt (DPA) du réacteur prenait de grandes largesses avec les exigences des procédures à suivre et des points à traiter pour les arrêts et redémarrages des réacteurs nucléaires à eau sous pression (3). Notamment en matière de protection de l’environnement, des risques pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques (4).
Que ce soit dans le cas de programmation d’intervention lorsque l’exploitant renouvelle tout ou partie des assemblages de fission atomique (combustible) présents dans la cuve du réacteur et en profite pour faire des réparations qui auraient dû être faites bien avant ou bien en situation accidentelles avec risque d’emballement et d’état sous-critique (réaction en chaîne atomique non-contrôlée) et entraîne un arrêt d’urgence automatique (SCRAM) : rein ne va.
Le « DPA » d’EDF avait fait quelque peu tousser l’ASN. Six ans plus tard, visiblement le nucléariste s’est allègrement assit à nouveau sur ses obligations. Que ce soit dans l’application de la réglementation générale pour toutes les Installations Nucléaires de Base (INB) comme pour la réglementation individuelle applicable aux réacteurs du Tricastin.
Ainsi dans la liste des opérations de contrôle et de maintenance prévues sur le circuit primaire principal (CPP) et les circuits secondaires principaux (CSP) – deux circuits à haut risque pouvant engendrer une catastrophe nucléaire – cette fois-ci les inspecteurs* ont constaté plusieurs erreurs dans les programmes de maintenance préventive. C’est le cas pour les dispositifs anti-bloquants des tuyauteries primaires et secondaires, des dispositifs anti-débattements (calage) des gros composants primaires, des dispositifs anti-bloquants des gros composants primaires et au faisceau tubulaire des générateurs de vapeur qui ne sont même pas mentionnés dans le DPA.
Quant à la liste des constats des événements importants pour la sécurité dont la résorption n’est pas prévue au cours de l’arrêt : elle est incomplète notamment pour la majorité des spécialités de maintenance. Dans la même veine on gagne du temps : la visite interne de la vanne (4 RRA 014 VP) initialement programmée lors de l’arrêt est… une erreur. La prochaine échéance de visite ne se fera qu’en 2022. Sueurs froides assurées pendant quelques années.
> Insuffisance des plans de remises en état des matériels indispensables pour la sécurité
EDF n’envisage pas ainsi, ou bien à minima, de réaliser pendant l’arrêt programmé du réacteur, le contrôle, les réparations ou les changements indispensables des matériels à enjeu de sûreté. Rien n’est clairement identifié dans son dossier ou de manière si insuffisante et si incomplète que l’ASN s’interroge : « des éléments fournis dans le DPA interrogent ». C’est le cas de certains matériels qui ne seront pas conformes par manque de pièces de rechange. Lors de l’inspection, les représentants de EDF ont avoué des difficultés d’approvisionnement en pièces de rechange indispensables : « Les principales difficultés d’approvisionnement concernent l’indisponibilité de cartes électroniques devant être remplacées lors de la maintenance, de périodicité 8 cycles de fonctionnement, de certains onduleurs classés éléments importants pour la protection (EIP) … de l’environnement installés sur les systèmes de production et de distribution de courant 220 V alternatif : LNA, LNB, LNC, LND et LNE ».
Et comme pour se dédouaner, et ça en dit long sur la gestion technique d’EDF, les gars de EDF « ont indiqué que, bien que cette problématique concerne d’autres centrales nucléaires, vos services centraux, prescripteurs de la maintenance préventive sur ces matériels, ne souhaitent pas instruire de dérogation aux programmes de maintenance préventive concernés. » Dit en clair : aucune des centrales nucléaires en France n’est conforme aux règles de sécurité.
Autre traitement à la légère celle d’une maintenance programmée ultérieurement mais sans date précise alors que cet arrêt de réacteur devrait être l’occasion de tout régulariser et remettre d’aplomb. Mais, comme le révèle l’inspection, la non-intégration du retour d’expérience issu d’autres réacteurs nucléaire d’EDF notamment pour des écarts de conformité n’aide pas, loin s’en faut. C’est qu’en Provence, avé le soleil et les cigales, le rythme doit être différent dans le bombardement neutronique et ses répercussions dangereuses.
Et puis, pourquoi ne pas continuer à bricoler dans son coin. Ainsi des problèmes identifiés pendant le cycle de fonctionnement précédent l’arrêt du réacteur n°4 et dont la résorption n’est pas prévue pendant l’arrêt à venir. On a le temps on vous dit. Bon une petite fuite de radio-contaminants de temps en temps, un petit blocage des éléments de protection et de sécurité capable de foutre le feu à l’ensemble, des modifications matérielles pas listées dans le contrôles à effectuer : ça met l’ambiance. Tout comme l’absence dans le DPA de mention d’essais périodiques a effectuer selon les règles générales d’exploitation (RGE) qui s’imposent. C’est certainement des stagiaires de la filière nucléaire des lycées du coin qui ont rédiger ce dossier. Pas des professionnels assurément.
> Ce n’est pas sérieux de faire tourner cette vieille casserole mais vous pouvez continuer, on verra ça plus tard.
«Certaines activités à enjeu devront être anticipées et l’impact des difficultés d’approvisionnement des pièces de rechange sur la pérennité de la qualification des EIP (élément important pour la protection ) devra être examiné . Enfin, le DPA n’est pas suffisamment précis ou complet sur certains sujets. » précise l’ASN. Sans toutefois exiger que les correctifs soient à exécuter dare-dare : « Certaines modifications attendues … devront être pérennisées pour les arrêts suivants. »
Autrement dit ce n’est pas sérieux de faire tourner cette vieille casserole mais vous pouvez continuer on verra ça plus tard. Et, prudente, l’ASN ne voulant pas porter le chapeau, d’une phrase parapluie précise : « En tout état de cause, la transmission des éléments permettant d’assurer la pérennité de la qualification de ces matériels malgré la réalisation partielle de la maintenance préventive constituera un préalable à la délivrance de l’accord de l’ASN pour la divergence du réacteur (recouplage du réacteur au réseau électrique) dans le cadre de son arrêt. ». Et comme dans le nucléaire on est juge et partie : vous nous « transmettrez un avis formalisé de vos services centraux portant sur la suffisance et l’acceptabilité des mesures compensatoires proposées ». C’est aussi fort qu’à l’armée, chef chef !
> Pas acceptable : les diesels de secours risquent de ne pas assurer leur rôle de secours à cause de cosses mal connectées, onze ans après la catastrophe de Fukushima !
EDF-Tricastin à pris la fâcheuse habitude de se dispenser de ses obligations et de rouler dans la farine l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Alors on continue le cirque.
Le 30 juin 2019, il y a plus d’un an donc, marquait la date buttoir de vérification de la conformité des groupes électrogènes à moteur diesel de secours (LHx) sur les réacteurs de 900 Mwe, ainsi que de leurs équipements supports. Etaient concernés ceux (pratiquement la moitié des réacteurs nucléaires en France) dont le moyen d’alimentation électrique supplémentaire (DUS : diesel d’ultime secours) n’avait toujours pas été installés huit ans après la catastrophe atomique de Fukushima-Daïchi. L’ASN avait déjà accordé des reports d’exécution malgré les annonces médiatiques d’un retour fort d’expérience post-Fukushima (2011).
Il était toutefois prévu, en attendant, une vérification de conformité sur chacun des réacteurs des deux voies électriques des diesel LHx. Pour une voie dès un prochain arrêt programmé (2014 pour Tricastin 4) et au moins au plus tard lors de l’arrêt suivant (2020) pour la seconde voie électrique. Il s’agissait de s’assurer que l’embrochage des cosses (Faston) dans les armoires électriques de puissance et de contrôle-commande qui concourent à la fonction assurée par les diesels de secours soit correcte. Pas très compliquée quand même. Sauf que au Tricastin c’est quelque peu différent. D’autant qu’il y a une procédure à respecter et un ensemble de vérifications annexes (périmètre) à effectuer. Alors EDF-Tricastin a décidé de s’occuper de cela plus tard, en 2022. Onze ans après la catastrophe de Fukushima !
Ça coince pour l’ASN : « Je considère que la programmation du solde de ce contrôle en 2022 n’est pas acceptable. » Et de taper du poing sur la table : « Je vous demande de réaliser dans les meilleurs délais et au plus tard lors de l’arrêt programmé du réacteur 4 de 2021, le contrôle de l’embrochage des cosses… suivant le périmètre défini dans la fiche de communication référencée D455618020322 à l’indice D. » Et, comme le doute voir la suspicion est de mise : « Par ailleurs, vous me présenterez un bilan détaillé des résultats des contrôles et des éventuelles remises en conformité réalisés dans le bilan des travaux des arrêts concerné ».
Croisons les doigts pour qu’un séisme ou un manque d’eau de refroidissement ne viennent ébranler d’ici 2021 la centrale atomique du Tricastin. A ce niveau on n’est plus dans la technique mais dans la croyance religieuse.
> Les électrovannes : elles sont conformes ou pas conformes ?
En août 2006, il y a déjà 14 ans, une défaillance (non-conformité) des robinets à commande électromagnétique – électrovannes K3 – s’est révélée d’un manière générique sur 34 réacteurs nucléaires de 900 MWe et 4 réacteurs de 1450 Mwe en France dont ceux du Tricastin (5). L’étanchéité du boîtier de commande manuelle, important pour la sûreté, n’était pas certaine, notamment en cas de séisme ou d’inondation. Cette situation avait été classée au niveau 1 sur l’échelle Ines des incidents/accidents nucléaires. Depuis le problème a été corrigé sur les réacteurs 1 et 3 du Tricastin par le remplacement des électrovannes. Mais pas sur les réacteurs 2 et 4.
Et comme EDF-Tricastin a indiqué à l’ASN, en mai 2020, qu’il ne prévoyait pas de le faire car il se pourrait p’tèt ben que ces vannes seraient finalement considérées conformes après une analyse complémentaire des services centraux d’EDF : en attendant c’est casino et la roulette. Un coup tu gagnes, un coup tu perds. Toutefois, les inspecteurs de l’ASN sont un peu moins joueurs et souhaitent confirmation que les électrovannes en place sur le réacteur 4 respectent la qualification attendue : « Je vous demande de confirmer la conformité des électrovannes qualifiées K3 installées sur le réacteur 4. Vous transmettrez le courrier de vos services centraux qui en atteste. » et de préciser au croupier : « À défaut… (il faut) prévoir de réaliser le remplacement des électrovannes concernées (lors de) l’arrêt à venir ». Là c’est clair. Si les pièces sont disponibles en stock évidemment.
> Et la perte des batteries en cas de séisme : c’est la cerise sur le gâteau ?
Autre joyeuseté : le risque de perte ou de destruction des immenses batteries (référencées 4 LNP 001 BT) en cas de séisme et de la chute sur elles de la gaine de ventilation du système DVE qui déambule par là. Ca se passe dans le local annexe (4W375). La ventilation c’est essentiel, surtout dans des lieux hautement dangereux. Essentiel pour le personnel comme pour l’environnement. Les batteries aussi. Si elles tombent, si elles sont accidentées et se brisent s’en est fini des appareillages qui leurs sont reliés.
Comme dans le nucléaire c’est bout de chiffon trempé dans l’huile pour colmater une fuite et corde en lin pour accéder à certain panneaux tel Tarzan (on ne plaisante pas, l’invention a été primée il y a quelques années par la direction): pour éliminer le risque de chute sur les batteries à Tricastin ils ont opté pour des filets. En espérant qu’ils tiennent et qu’en cas de secousse sismique ils protégeront les précieuses batteries. Bon, ok, c’est du provisoire mais ça dure depuis août 2016 (6). Mais rassurons-nous, les prévisions des grands experts en nucléocratie prévoient de régler le problème sérieusement lors de la 4ème visite décennale du réacteur… en 2024. On a l’énergie de ses délires.
Sauf que, en application du guide de l’ASN n° 21 (délai de type B2 nécessitant une remise en conformité au plus tard sous 5 ans) il faut un traitement pérenne du problème avant le 30 juin 2021. Et l’ASN enfonce le clou : « Sur le réacteur 2, l’échéance de réalisation … lors de la 4ème visite décennale du réacteur en 2021, est effectivement compatible avec l’échéance de traitement définie dans le rapport d’événement significatif mais tel n’est pas le cas pour le réacteur 4 »
> Un vœu de l’ASN : pourrait-on avoir une vision d’ensemble au Tricastin ? Les lanceurs d’alerte du CAN84 peuvent donner un coup de main si nécessaire.
Les inspecteurs s’arrachent les cheveux pour démêler les informations essentielles dans un fatras de détails émanant de plusieurs sources peu reliées entre-elles. Pour l’Autorité de Sûreté Nucléaire des « réponses multiples sur un même sujet conduisent parfois à des incompréhensions dans la mesure où chaque service a une vision partielle du sujet et apporte une réponse portant sur son seul périmètre. Une vision consolidée est nécessaire pour ces sujets. »
C’est le cas des différents services de maintenance de la centrale nucléaire du Tricastin peut conduire à des réponses de plusieurs services sur un même sujet, au hasard : le contrôle étendu des lignes auxiliaires des groupes motopompes RIS BP, RIS HP (RCV) et EAS, ou bien le contrôle et la résorption des défauts de connexion des cosses (voir plus haut), ou encore les contrôles visant à renforcer la fiabilité des sources électriques, et aussi le contrôle des auxiliaires des groupes électrogènes.
À se demander si ce n’est pas fait exprès. Il faut dire que le turn-over incessant des directeurs du site n’arrange rien à l’affaire. Un peu comme si les rats, une fois installés, n’ont qu’une idée en tête : quitter le navire. À l’exception d’un renommé et sinistre prédécesseur en chef qui n’hésita pas à demander à ses services bottés et casqués de jeter à terre le moindre des antinucléaires avec des chiens loups au-dessus d’eux.
Et l’ASN de souhaiter qu’on lui apporte « une vision consolidée des différents sujets techniques dans les documents transmis » et que ces « dispositions devront être pérennisées pour les arrêts suivants des réacteurs du site ».
Il y a du pain sur la planche. Mais franchement le plus raisonnable est de mettre à l’arrêt le site atomique.
> La quatrième visite décennale visant à prolonger le réacteur atomique n°4 aura-t-elle lieu ?
La quatrième visite décennale de prolongation du réacteur atomique n°4 doit avoir lieu à partir de 2022. Une folie de prolonger une telle installation. Personne n’oserait le faire avec une voiture de quarante ans et usées jusqu’à la corde. Un arrêt de plusieurs mois est prévu. De nombreux contrôles et remises en état ou remplacements doivent être effectués à cette occasion. Il va en coûter « un pognon de dingue ».
Sont concernés : les moteurs (4 RRA 001 et 002 MO) qui ne sont pas conformes (écart de conformité n° 526), les fusibles installés sur des départs 380 V sur les deux voies (écart de conformité n° 403), les auxiliaires du groupe électrogène de secours à moteur diesel (4 LHP 201 GE) qui ont fait l’objet de l’écart de conformité n° 396, le serrage des sondes de température d’échappement du groupe électrogène de secours à moteur diesel 4 LHP 201 GE, la remise en conformité du matériel non ATEX dans le local NB424 (écart de conformité n° 517), la remise en conformité de l’isolement des lignes de pré-conditionnement des files de filtration d’iode des circuits de ventilation DVK et DVW (écart de conformité n° 437), la conformité de la fixation des boîtiers de fin de course de la pompe 8 RIS 011 PO sur leurs supports pour des défauts de vis et au couple de serrage, la mise en place d’un détendeur en amont de l’actionneur de la vanne 4 ETY 009 VA (problème générique). Et puis il faudrait aussi ne pas oublier d’intégrer aux travaux de réfection la dégradation d’enrubannages coupe-feu dans les entreponts de câblage qui ont généré cinq pertes d’intégrité simultanées de la sectorisation incendie tel sur le réacteur nucléaire 1 à Paluel (Normandie).
Là-dessus l’ASN n’est pas bien certaine que EDF-Tricastin ait pris la mesure du risque : « les inspecteurs ont demandé à obtenir cette procédure, vous avez transmis, par courriel du 19 mai 2020, le programme local de maintenance préventive (PLMP) référencé D453415026640 indice 1 du … 28 décembre 2017 ». Les inspecteurs relèvent que, datant déjà de 3 ans, « ce PLMP est succinct sur les points à contrôler et ne comporte aucun point spécifique au tassement des enrubannages. » alors merci de « transmettre la gamme utilisée pour le contrôle des enrubannages coupe-feu (procédure n° 95MD0013) et la liste des enrubannages sensibles. ». C’est clair ou pas ? Ou bien faut-il envoyer des signaux de fumée ? Et pas de scotch sur les lèvres s’il vous plait.
> Et d’autres joyeusetés : Coup de pompe sur les pompes
Le 7 février 2020 un contrôle du programme de maintenance du réacteur 3 effectué par EDF (7) s’était penché sur la conformité de la fixation sur leurs supports des deux fins de course de la pompe (8 RIS 011 PO) notamment la visserie et le couple de serrage. A l’époque EDF n’avait pas été en mesure d’indiquer le référentiel d’exigences à appliquer. Dans le nucléaire c’est un peu comme dans le chocolat, sous une certaine chaleur ça devient mou et on apprécie au doigt mouillé. D’ailleurs, trois mois plus tard, le 15 mai 2020, les gars du cru indiquaient que ça sera réalisé lors de l’arrêt du réacteur 4 car le référentiel et ses exigences sont en cours de définition par les services centraux d’EDF. Inquiétant de se dire que c’est au coup par coup, face aux problèmes, que sont élaborées les procédures. Un peu comme la technostructure sanitaire avec la pandémie du covid19.
> Coup de mou sur la soupape en cas de séisme
Une soupape (SEBIM 4 RCP 020 VP) sert de protection au circuit primaire principal (CPP), circuit fondamental et à haut risque d’un réacteur nucléaire. Lors du précédent arrêt du réacteur 4 en 2014, un risque d’interaction entre la ligne d’asservissement de la soupape et un support de la ligne d’impulsion de la soupape (4 RCP 021 VP) a été mis en évidence au cas où un séisme surviendrait. Et on sait que c’est possible dans le secteur. Il faut donc contrôler la conformité des lignes d’impulsion et d’asservissement ainsi que le châssis de supportage de l’armoire de pilotage. Faute de quoi tout va bringuebaler et la région sera définitivement rayée de la carte. Mais les p’tits gars d’EDF ont dit que c’était pas possible car la configuration (le supportage) ne permet pas le déplacement différentiel de la ligne. Ils veulent donc maintenir leur plan d’action ultra-light initial (n° 135005). Les inspecteurs ne sont pas convaincus et demandent de « transmettre les éléments permettant de justifier que le supportage de la ligne d’asservissement de la soupape … n’autorise pas son déplacement différentiel » et de transmettre « également la fiche de caractérisation de ce constat, validée par vos services centraux ». La confiance règne.
> Tour de vis sur le freinage, pas question de lâcher la bride, il est temps de jeter l’ancre.
Des anomalies de freinage sur les pompes d’aspersion de l’enceinte du réacteur nucléaire ( EAS) et d’injection de sécurité basse pression (RIS BP) et d’injection de sécurité moyenne pression (RIS MP) ont été découvertes sur les réacteurs n° 1 et 2 de la centrale nucléaire de Penly, n° 1 de la centrale nucléaire de Flamanville, n° 1 et 2 de la centrale nucléaire de Belleville et n° 4 de la centrale nucléaire de Bugey. Ca fait du monde. En cas d’accident tout aurait pu péter.
Ces problèmes (écart de conformité n° 484) ont été traités en 2018 et 2019 dans ces centrales atomiques pour retrouver la situation originelle. Le programme de contrôles (DP n° 331) qui s’en est suivi et qui ne devait s’appliquer que par simple test sur certains matériels (sondage) a été étendu à l’ensemble des pompes des réacteurs de 1300 Mwe pour les arrêts débutant après le 1er janvier 2019, puis à toutes les pompes de la centrale nucléaire de Bugey à partir des arrêts débutant après le 1er janvier 2020 puis au vu du retour d’expérience pas terrible du tout : à l’ensemble des réacteurs nucléaires de 900 Mwe de France tels ceux du Tricastin. Ces vérifications et remises en état doivent s’effectuer lors d’une visite partielle ou totale dès le 1er juillet 2020, c’est le cas du prochain arrêt du réacteur 4.
Un peu suspicieuse, la division de Lyon de l’ASN demande à EDF de lui « préciser les contrôles prévus lors de l’arrêt sur les pompes RIS BP et EAS au titre de l’écart de conformité n° 484 ». A charge aussi de présenter « le compte rendu de ces contrôles dans le bilan des travaux prévu par la décision de l’ASN » Car c’est le mutisme dans le DPA.
Toujours sur ces foutues pompes (6 EAS 001 PO), des défauts et anomalies de freinage des brides lors de l’aspiration ont, en plus, été découverts lors d’un contrôle réalisé le 25 mai 2020 à la centrale nucléaire de Gravelines: 11 freinages sur 20 ont été détectés en défaut, dont une plaquette absente. Il a donc été décidé que l’ensemble des réacteurs de 900Mw français doivent contrôler visuellement la conformité des brides d’aspiration et de refoulement des pompes EAS lors des prochains arrêts de réacteurs. Objectifs : qu’au moins 17 plaquettes arrêtoirs soient rabattues correctement. Idem pour les pompes RIS BP. C’est bête mais ce contrôle n’était pas jusqu’alors obligatoire. Il faut tout dire ou quoi ? Oui c’est plus sûr, aussi l’ASN demande à la direction du Tricastin de lui « préciser les contrôles prévus lors de l’arrêt (du réacteur nucléaire n°4) sur les brides à l’aspiration et au refoulement des pompes… (et de présenter) le compte rendu de ces contrôles dans le bilan des travaux ».
Et on n’en sort pas. Des anomalies au niveau des ancrages, assurés par des platines chevillées, des commandes déportées des vannes (1 RIS 085 et 086 VP, RCV et EAS) sont apparues en novembre 2019 sur le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom (écart de conformité n° 540). Quelles soient à platine chevillée ou à platine scellée, au Tricastin, le contrôle des vannes de repli du réacteur (arrêt d’urgence) en cas d’accident doit être réalisé avant le prochain arrêt du réacteur 4 et sur les deux voies de chacun des systèmes concernés. Avec obligation de régler le problème a minima sur une voie avant le retour du réacteur sur le réseau. Qui va piano va sano…
La population de la région aurait grand intérêt à surveiller de près ce que va mijoter EDF lors de l’arrêt du réacteur n°4 au Tricastin. D’autant que s’y ajoute une cuve de réacteur affaiblit par des décennies de bombardements neutroniques et qui ne peut pas être changée car inatteignable, l’enceinte de béton (la pseudo 3ème barrière contre les diffusions de radioactivité) complètement fissurée, et le fait que la centrale atomique est située sous le niveau du canal aux millions de m3 d’eau prêts à se déverser dessus en cas d’inondation ou de séisme. S’y ajoute les piscines gorgés de produits de fission radioactifs usé stockés là pour des décennies jusque la chaleur délirante de milliers de degré ait assez décrue pour envisager leur déplacement vers un conditionnement hypothétique.
La sagesse et le réalisme veut que ce site atomique hyper-dangereux, obsolète et dégradé soit fermé immédiatement, le personnel reconvertit en d’autres activités et qu’une présence humaine et technique en assure la sécurisation jusqu’au moment où – la radioactivité ayant suffisamment baissé – le démantèlement puisse être envisagé.
* Lettre de l’ASN (division de Lyon) au Directeur du centre nucléaire de production d’électricité du Tricastin CODEP-LYO-2020-031382
NOTES :
- INB n°87 : réacteurs n°3 et n°4, début des travaux en 1974, autorisation de fonctionnement le 4 juillet 1976, démarrage d’exploitation en 1980 avec une modifications périmètre : décret du 10.12.85 (J.O. Du 18.12.85) . INB n°88 : réacteurs n°1 et 2 autorisés à fonctionner le 4 juillet 1976 avec une modification du périmètre par décrets du 10.12.85 (J.O. du 18.12.85) et du 29.11.04 (J.O. du 02.12.04)
- n° INSSN-LYO-2020-0482
- https://www.asn.fr/Reglementer/Bulletin-officiel-de-l-ASN/Installations-nucleaires/Decisions-reglementaires/Decision-n-2014-DC-0444-de-l-ASN-du-15-juillet-2014
- https://www.asn.fr/Lexique/E/EIP
- écart de conformité n° 521. https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Reclassement-au-niveau-1-d-une-anomalie-concernant-certaines-electrovannes
- événement significatif, référencé D453416071139 indice 0 du 5 octobre 2016
- ASN INSSN-LYO-2020-0481
Partagez !
Par la Rédaction, publié le vendredi 26 juin 2020 à 17h50
http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2020/06/26/Prochain-arret-du-reacteur-4-de-Tricastin_un-plan-de-r%C3%A9parations-et-entretien-qui-neglige-copieusement-la-securite-et-oubli-beaucoup-de-controles-et-remise-en-etat
Commentaires récents