L’énergéticien français va passer une provision de 1,9 milliard d’euros dans ses comptes pour acter la fermeture de ses réacteurs belges en 2025. Leur prolongation au-delà de cette date est interdite par la loi, même si le gouvernement de Bruxelles tente encore de laisser la porte ouverte.
La fin du nucléaire est bien en vue pour Engie. L’énergéticien français va passer une provision de 1,9 milliard d’euros dans ses comptes pour acter la fermeture de tous ses réacteurs en Belgique d’ici à 2025, conformément à ce que prévoit la loi du royaume. L’information révélée par BFM Business a été confirmée de source sûre aux « Échos ». Cette dépréciation d’actifs sera annoncée vendredi lors de la publication des comptes de l’exercice 2020.
En conséquence, le résultat net d’Engie sera négatif pour la première fois depuis 2016, devrait annoncer Catherine MacGregor, arrivée aux commandes du groupe le 1er janvier. « Ces résultats pourraient être une bonne occasion pour la nouvelle directrice générale de se débarrasser des mauvaises nouvelles », estiment les analystes d’UBS.
Cette dépréciation est plus une confirmation qu’une surprise. Le groupe avait annoncé, dès novembre dernier, qu’il cessait tout investissement en vue de l’éventuelle prolongation de la durée de vie de ses centrales belges de Tihange, près de Liège, et Doel, près d’Anvers. Autrement dit, qu’il préparait leur fermeture. Il tirait ainsi les conséquences de la législation belge, qui prévoit que le pays sortira totalement du nucléaire en 2025.
Sortie de l’atome
Le gouvernement d’Alexander De Croo avait confirmé la sortie de l’atome lors de son arrivée au pouvoir en septembre dernier. Il avait seulement laissé une petite porte ouverte, expliquant qu’une prolongation était encore possible si des incertitudes subsistaient sur l’approvisionnement du pays. Les quelque 6 gigawatts de capacités en service aujourd’hui couvrent la moitié de la consommation d’électricité de la Belgique et leur remplacement par de nouvelles centrales à gaz est encore hypothétique.
Engie remanie en profondeur son état-major
Pour Engie, il est déjà trop tard. La prolongation de la durée de vie des réacteurs au-delà de 2025 « demanderait un long travail de préparation et entre 500 millions et un milliard d’euros d’investissement, expliquait le président du groupe français, Jean-Pierre Clamadieu , en novembre dernier. Pour être prêts dans cinq ans, il faudrait commencer à engager ces dépenses dès maintenant. » Engie n’avait « pas d’autre choix », ajoutait-il, que « de préparer la fermeture de tous les réacteurs ».
Hautement improbable
« Il reste encore une minuscule chance que le gouvernement décide, d’ici à la fin de l’année, de prolonger les deux derniers réacteurs, mais de quelques mois ou quelques années seulement », explique une source au fait du dossier. Cette option n’exigerait pas les lourds investissements nécessaires à une prolongation de dix ou vingt ans. « Mais il n’est même pas certain que le régulateur belge l’autorise », ajoute-t-on.
Engie pourrait obtenir jusqu’à 6 milliards en cédant son pôle services à des fonds
Engie estime donc hautement improbable que les réacteurs belges continuent à fonctionner au-delà de 2025. Jean-Pierre Clamadieu et Catherine MacGregor en tirent les conséquences en dépréciant leur valeur. « Le groupe met le sujet derrière lui, d’autant plus qu’il n’a plus aucune ambition stratégique dans le nucléaire », ajoute une autre source.
Résultat négatif
D’ici là, les centrales belges ne rapporteront rien. Car « Engie devra tout de même investir pour maintenir la flotte en opération », soulignent les experts d’UBS. La banque suisse prévoit un résultat d’exploitation du nucléaire globalement négatif pour les cinq prochaines années.
Par Vincent Collen, publié le 24 févr. 2021 à 15h43, mis à jour le 24 févr. 2021 à 16h03
Photo en titre : Les trois réacteurs de Tihange (photo) et les quatre de Doel couvrent la moitié de la consommation d’électricité de la Belgique. (engel.ac/Shutterstock)
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/engie-tire-un-trait-sur-le-nucleaire-belge-1293122
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