NON, TCHERNOBYL N’EST PAS DEVENU UNE RÉSERVE NATURELLE

Tcherno Nos travaux apportent des éclairages à la fois fondamentaux et inédits sur les conséquences d’une exposition régulière, sur plusieurs générations, à de faibles doses de rayonnements ionisants. Surtout, nous avons constaté que les organismes lésés par ces rayonnements l’étaient de multiples façons. Les effets cumulatifs de ces lésions entraînent un déclin des populations, impactant très négativement la biodiversité dans les zones les plus fortement exposées.

Dans la région de Tchernobyl, l’exposition aux rayonnements ionisants a provoqué des dommages génétiques et augmenté les taux de mutation pour nombre d’organismes. À ce jour, nous n’avons que très peu d’éléments montrant que certains d’entre eux pourraient évoluer pour devenir plus résistants aux radiations.

L’histoire de l’évolution des organismes est essentielle pour déterminer le degré de leur vulnérabilité au regard des radiations. Dans nos travaux, les espèces ayant montré au fil des années de hauts degrés de mutation – comme l’hirondelle rustique (Hirundo rustica), l’hypolaïs ictérine (Hippolais icterina) et la fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) – sont aussi celles dont les populations déclinent à Tchernobyl. Notre hypothèse est que les espèces diffèrent dans leur capacité à restaurer l’ADN ; ceci concerne à la fois les taux de substitutions nucléotidiques et la sensibilité à la radiation pour les zones étudiées à Tchernobyl.

Tout comme les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, les oiseaux et les mammifères de la région souffrent de cataracte et présentent des cerveaux plus petits. Ce sont les conséquences directes de l’exposition aux substances radioactives présentes dans l’air, l’eau et la nourriture. Comme les personnes dont on traite un cancer par radiothérapie, la plupart des oiseaux ont des spermatozoïdes déformés. Dans les zones les plus touchées, près de 40 % des oiseaux mâles sont totalement stériles, ne possédant aucun sperme ou seulement des spermatozoïdes morts en période de reproduction.

Des tumeurs, vraisemblablement cancéreuses, s’observent sur les oiseaux présents dans les zones les plus irradiées. On constate de même des anomalies dans le développement de certaines plantes et insectes.

Étant donné le caractère évident de perturbations d’ordre génétique sur les individus, il n’est pas surprenant que les populations de nombreux animaux présents dans les zones les plus touchées aient décliné. À Tchernobyl, les principaux groupes que nous avons suivis s’avéraient moins nombreux dans les zones les plus contaminées. Ceci concerne les oiseaux, les papillons, les libellules, les abeilles, les sauterelles, les araignées ainsi que de petits et grands mammifères…

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