Malgré les critiques virulentes dont il fait l’objet, le projet d’EDF de construire une centrale nucléaire à Hinkley Point, en Angleterre, a obtenu jeudi le feu vert du conseil d’administration du géant de l’électricité, marquant le coup d’envoi de ce méga-chantier de 18 milliards de livres (21,5 milliards d’euros).
Sur un conseil ramené à 17 membres à la suite de la démission d’un administrateur hostile à Hinkley Point, dix administrateurs ont voté pour et sept contre – les six administrateurs salariés et l’administratrice indépendante Laurence Parisot-, a indiqué une source proche du dossier à l’AFP.
L’instance devait statuer sur la décision finale d’investissement qui autorise le PDG Jean-Bernard Lévy à signer les principaux contrats qui lieront EDF au gouvernement britannique, à son partenaire chinois CGN et à leurs fournisseurs.
Cette signature peut désormais intervenir à tout moment pour lancer la construction de deux réacteurs EPR dans le sud-ouest de l’Angleterre, avec une mise en service prévue en 2025.
Les six administrateurs salariés avaient fait savoir qu’ils s’opposeraient à ce projet dont le poids financier pourrait, selon eux, menacer la viabilité du groupe détenu à près de 85% par l’État français. Il était attendu que les représentants de l’État votent pour et l’incertitude portait sur les administrateurs indépendants.
Mais quelques heures avant le début de la réunion, un administrateur proposé par l’Etat, Gérard Magnin, avait démissionné en raison de son désaccord avec Hinkley Point et la stratégie résolument pro-atome poursuivie par EDF au détriment, selon lui, de la transition énergétique.
C’est le deuxième départ fracassant au sein d’EDF lié à Hinkley Point, après celui début mars du directeur financier Thomas Piquemal qui, à l’instar des syndicats, jugeait ce chantier irréalisable à court terme en raison de ses risques financiers et industriels.
A ce stade, on ne peut que regretter une telle décision portant sur un investissement si lourd (…) sans que tous les risques majeurs aient été levés, a déclaré à l’AFP le secrétaire général de la CFE-CGC Energies, William Viry-Allemoz, en dénonçant une décision politique et non économique ou industrielle.
Pour FO, aucun projet industriel ne peut réussir sans le soutien du personnel. Le président François Hollande et le PDG d’EDF ont pris un grand risque en passant en force sur ce projet qui fait peser de tels risques sur l’entreprise.
La FNME-CGT, première organisation syndicale dans l’énergie, a dénoncé une décision au forceps. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, a prévenu sa porte-parole, Marie-Claire Cailletaud.
– Décision fragilisée –
De fait, la décision du conseil d’administration pourrait ne pas être définitive: le comité central d’entreprise (CCE) d’EDF a engagé deux procédures judiciaires, l’une pour faire suspendre tous les effets des délibérations du conseil, lors d’une audience en référé prévue le 2 août, l’autre pour obtenir des informations supplémentaires sur le projet et pouvoir rendre valablement un avis. Cette dernière demande sera examinée le 22 septembre.
Sollicitée par les actionnaires salariés, l’Autorité des marchés financiers enquête sur les informations financières communiquées par EDF aux investisseurs depuis juillet 2013, notamment sur Hinkley Point.
En raison du retrait d’Areva, qui devait initialement y participer, EDF a dû prendre une participation majoritaire (66,5%) dans le projet, ce qui l’oblige à consolider le gigantesque investissement dans ses comptes.
L’endettement du groupe – 37,4 milliards d’euros fin 2015 – s’en trouvera considérablement alourdi, alors qu’EDF est déjà confronté à un mur d’investissements, comme la rénovation du parc nucléaire français et le rachat de l’activité réacteurs d’Areva, dans un environnement énergétique fortement dégradé.
Les syndicats CGT, FO et CFE-CGC plaident pour un report de deux ou trois ans, bien qu’EDF ait annoncé une série de mesures pour renforcer sa situation financière, dont un programme de cession d’actifs de 10 milliards d’euros et un projet d’augmentation de capital d’environ 4 milliards d’euros.
Les risques industriels inquiètent aussi, les délais et les coûts ayant dérapé sur les chantiers d’EPR à Flamanville (Manche) et en Finlande.
Ce choix mène l’entreprise tout droit vers la faillite et conduira à un sous-investissement dans la sûreté nucléaire pour le parc français, a déploré Greenpeace dans un communiqué.
A l’inverse, EDF et l’État français estiment le projet incontournable pour le maintien du savoir-faire et de la crédibilité de la filière nucléaire tricolore, en pleine refonte. Londres est un autre fervent partisan d’Hinkley Point, au coeur de sa stratégie énergétique, et l’annonce du Brexit n’a pas changé la donne.
http://www.romandie.com/news/EDF-lance-son-projet-nucleaire-dHinkley-Point-malgre-les-critiques/724674.rom
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