COMMENT FESSENHEIM VA JOUER LA MONTRE EN ATTENDANT LA PRÉSIDENTIELLE

fessenheimFemeture de Fessenheim: « On fera tout pour que le calendrier dérape, » assure la CFE-CGC.

Pour obtenir un arrêt des réacteurs de Fessenheim en 2018, le gouvernement doit prendre un décret avant la fin de l’année. Mais la centrale conserve toutes ses chances en cas de changement de majorité en mai 2017.

Le temps presse. Le destin de la centrale nucléaire de Fessenheim se joue dans les mois qui viennent. Si François Hollande veut tenir sa promesse de fermer les deux réacteurs mis en service en 1977 et 1978, il faut avancer maintenant. Le gouvernement souhaite acter cette décision par décret avant la fin de l’année. 

Ce mercredi est une étape importante. Le comité central d’entreprise d’EDF examine un accord dans lequel l’État propose à EDF une enveloppe d’au moins 400 millions d’indemnisation, dont 100 millions au moment de l’arrêt. Les quatre syndicats représentatifs d’EDF ont tous déposé un préavis de grève pour ce jour afin de protester contre cette fermeture. 

À droite, l’avenir de la centrale est assuré

Mais un décret fin 2016 garantit-il une fermeture? Avant l’arrêt effectif des réacteurs, EDF a deux ans pour préparer son dossier de démantèlement. De quoi voir venir le démarrage du réacteur de l’EPR de Flamanville fin 2018. Car EDF n’entend pas descendre au-dessous du plafond de puissance de 63,2 gigawatts que lui impose depuis 2015 la loi de transition énergétique. 

De quoi voir venir aussi l’élection présidentielle de mai, qui peut rebattre toutes les cartes. Candidats à la primaire du parti Les Républicains, Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy ont assuré qu’ils ne fermeraient pas Fessenheim s’ils étaient élus. Nicolas Sarkozy avait déjà enfourché ce cheval de bataille en 2012. Il estime toujours qu’il n’y a « aucune alternative crédible au nucléaire. » 

Faire déraper le calendrier… jusqu’à 2017

Alors côté syndicats, on temporise. « On fera tout pour que le calendrier dérape. Rien d’irréversible ne doit être décidé avant mai 2017, » affirme à L’Express un porte-parole de la CFE Énergie. Le syndicat, qui dispose de cinq élus sur vingt au sein du comité d’entreprise, dénonce dans un communiqué la fermeture de la centrale comme « une hérésie industrielle et sociale« . Au nom des emplois à défendre sur le site, mais également du « combat climatique« , puisque la production d’électricité nucléaire émet peu de CO2. 

« Il est fort probable que nous fassions appel à des expertises avant de rendre notre avis, » explique la CFE Energie. Une façon de jouer à plein du délai de deux mois dont disposent les syndicats. Comme la demande d’avis ne sera pas faite dès ce mercredi, mais lors d’une réunion ultérieure, cela mène à début décembre. Le conseil d’administration d’EDF doit ensuite valider la demande d’abrogation d’autorisation d’exploiter. 2017 montre déjà le bout de son nez

La CGT, « prise dans un engrenage un peu bizarre« 

Cela signifie-t-il que les candidats de droite auront l’oreille des syndicalistes d’EDF au cours de la campagne? « Nous rencontrerons tous les candidats, nous écouterons tout le monde, mais ne donnerons pas de consigne de vote. C’est aux salariés de se forger leur conviction, » esquive la CFE Énergie. « En 2012, on avait eu le même cas« , reconnaît Marie-Claire Cailletaud, porte-parole de la fédération mines énergie de la CGT (FNME), qui dispose de onze titulaires au comité d’entreprise. « En apparence, c’est un problème, mais sur le fond nous n’avons pas la même conception de l’énergie que Nicolas Sarkozy. » 

La perspective d’un remake de 2012 laisse un peu amer Laurent Raynaud, porte-parole de la CGT de Fessenheim: « A l’époque la campagne n’a pas été simple. Depuis, nous sommes toujours en action pour dénoncer l’accord électoral PS – EELV qui condamnait Fessenheim. Aujourd’hui, on se trouve à nouveau pris dans un engrenage un peu bizarre. Pourtant, on produit de l’électricité dans l’intérêt général, ce n’est ni de droite ni de gauche. » 

Manne financière pour l’économie locale

Au-delà de la fermeture de Fessenheim, c’est pourtant bien la loi de transition énergétique que la FNME-CGT remet en cause, comme les candidats à la primaire de la droite. « Nous nous sommes battus pour que la loi ne diminue pas la part du nucléaire« , rappelle Marie-Claire Cailletaud. « Une vraie loi pour la transition énergétique devrait se concentrer sur la réduction du CO2« , estime Laurent Raynaud. 

Sur place, la perspective d’une survie de la centrale désespère les opposants, d’autant que ni les élus locaux, ni la population ne sont acquis à leur cause. Le maire UDI de Fessenheim Claude Brender est à Paris ce mercredi pour manifester devant le siège du comité d’entreprise avec les salariés de la centrale. « Je pense à quitter le coin« , assure l’ancien chef d’entreprise Lucien Jenny, membre du collectif Citoyens vigilants. « La population locale nous rentre dedans« , reconnaît Aline Baumann, de Stop Fessenheim, « on nous accuse de tuer l’économie. Nous pouvons entendre ces arguments, la centrale représente une manne financière. » 

Au nom des 1100 emplois directs sur le site, et compte-tenu des lenteurs de l’État à réduire la part du nucléaire, la plus ancienne des centrales françaises pourrait donc devenir, en 2017, le symbole d’un retournement complet de la politique énergétique. 

REUTERS/Vincent Kessler

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