METTRE FIN À LA FOLIE NUCLÉAIRE GRÂCE À L’ONU?

fin-folieLes Nations Unies réunissent plus d’une centaine de pays à Genève afin de trouver le moyen d’obliger les puissances nucléaires à détruire leur arsenal.

Ce mois-ci, les Nations unies ont l’occasion de franchir une étape majeure vers l’élimination totale des armes nucléaires. Il ne faut pas laisser passer cette chance.

Il y a plus de 40 ans, un grand nombre de pays ont signé ou ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (NPT). Ceux qui possédaient la bombe -les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France et la Chine- se sont engagés à détruire leur arsenal si ceux qui ne l’avaient pas encore promettaient de ne pas fabriquer d’armes nucléaires et de ne pas s’en procurer. Au cours des décennies suivantes, les trois pays qui n’avaient pas signé le traité –l’Inde, le Pakistan et Israël– se sont dotés d’armes nucléaires. A l’exception notable de la Corée du Nord, tous les États signataires qui ne possédaient pas la bombe ont tenu leurs promesses.

Malheureusement, les puissances nucléaires ne peuvent pas en dire autant. Bien que les États-Unis et la Russie aient démantelé une grande partie de leur arsenal depuis la fin de la guerre froide, ils possèdent encore des milliers d’armes nucléaires, en nombre suffisant pour détruire plusieurs fois la planète.

Surtout, ils ont clairement indiqué qu’ils ne comptaient pas détruire la totalité de leurs stocks, au mépris de leurs engagements. Bien au contraire, tous les États qui possèdent des armes nucléaires sont engagés dans une course à la modernisation de leur arsenal. Les États-Unis ont ainsi prévu de consacrer mille milliards de dollars à cette tâche dans les 30 prochaines années.

Bien que ces puissances affirment que leur arsenal ne sert qu’à prévenir toute velléité d’attaque nucléaire, leurs doctrines militaires prouvent le contraire. Les États-Unis refusent de proscrire le recours au nucléaire de manière préventive, même contre des pays qui ne possèdent pas la bombe. En cas de guerre conventionnelle avec l’OTAN, la Russie prévoit de se servir immédiatement de ces armes. Le Pakistan menace d’utiliser son arsenal tactique contre l’Inde, auquel cas l’Inde répliquera avec son arsenal stratégique.

Face à cette intransigeance, la plupart des États non-nucléaires ont décidé d’agir. Ils n’ont pas l’intention de fabriquer leurs propres armes nucléaires mais exigent que les puissances nucléaires respectent leurs engagements.

En 2013 et 2014, plus de 150 pays se sont retrouvés –à Oslo, Vienne et dans l’État de Nayarit, au Mexique– pour une série de conférences historiques sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, afin de susciter une prise de conscience sur les conséquences réelles d’un tel conflit. Ces conférences ont examiné les dernières données scientifiques, qui montrent que même en cas de conflit limité, concernant moins de 0.05% des arsenaux nucléaires du monde entier, les perturbations climatiques au niveau planétaire seraient catastrophiques, puisqu’elles entraîneraient une famine mondiale susceptible de mettre en danger près de deux milliards de personnes. Un conflit majeur entre les États-Unis et la Russie provoquerait des bouleversements climatiques encore plus conséquents, avec un hiver nucléaire qui éradiquerait la grande majorité de l’humanité et la menacerait d’extinction.

Depuis cinq mois, en réponse à ces avertissements lancés par la communauté médicale et scientifique, l’assemblée générale des Nations unies réunit plus d’une centaine de pays à Genève dans le cadre d’un groupe de travail ouvert, afin de trouver le moyen d’obliger les puissances nucléaires à détruire leur arsenal.

Les recommandations de ce groupe de travail seront présentées ce mois-ci à l’Assemblée générale. Une résolution initiée par l’Autriche, le Brésil, l’Irlande, le Mexique, le Nigeria et l’Afrique du Sud demande l’ouverture de négociations formelles en 2017 afin de parvenir à la signature d’un nouveau traité interdisant la possession d’armes nucléaires.

Ce « traité d’interdiction » ne saurait se substituer à une véritable convention de désarmement entérinée par les puissances nucléaires, doté d’un calendrier précis et de mesures contraignantes spécifiques. Mais il créera un formidable précédent, en mettant les États voyous au ban de la communauté internationale, au lieu de leur conférer le statut de grande puissance.

Il reste encore beaucoup à faire pour que ce nouveau traité amène les puissances nucléaires à détruire leur arsenal, mais leur opposition féroce montre qu’elles sont déjà sur la défensive, avant même le début des négociations.

Les pays qui n’ont pas d’arsenal nucléaire doivent tenir bon, et poursuivre leurs efforts historiques pour protéger l’humanité de ce péril. Quant aux citoyens des puissances nucléaires, ils doivent dénoncer le non-respect inadmissible des obligations de leur pays et contraindre leurs dirigeants à négocier. Pour les peuples du monde entier, ces armes constituent une menace sans précédent.

Les signataires:

  • Jose Ramos-Horta, prix Nobel de la paix (1996)
  • Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix (2006)
  • Kaylash Satyarthi, prix Nobel de la paix (2014)
  • Sir Richard J. Roberts, prix Nobel de médecine (1993)
  • Brian Schmidt, prix Nobel de physique (2011)
  • Ira Helfand, vice-présidente de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, prix Nobel de la paix (1985)

Cette tribune, publiée à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduite par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

http://www.huffingtonpost.fr/jos-ramos-horta/mettons-fin-a-la-folie-nucleaire/