RÉFÉRÉS SUSPENSIONS AU CONSEIL D’ÉTAT CE MATIN POUR FAIRE STOPPER 3 RÉACTEURS NUCLÉAIRES

referesL’Observatoire du nucléaire a déposé ce matin devant le Conseil d’État trois référés-suspensions pour faire annuler les autorisations de redémarrage de trois réacteurs nucléaires : Dampierre3 (relancé depuis mardi), Gravelines2 et Tricastin3 (relances prévues ce jour).
Ces autorisations ont été accordées à EDF de façon irresponsable par l’Autorité de sureté nucléaire : les réacteurs concernés sont en effet dotés de générateurs de vapeur défectueux, comportant en particulier des défauts et des zones de concentration en carbone nettement supérieure à la limite de 0,22% usuellement exigée.

Pour mémoire, depuis avril 2015, les révélations se multiplient concernant des pièces mal fabriquées par Areva au Creusot et par le japonais Japan Casting & Forging Corp (JCFC). Outre la question cruciale de la cuve du réacteur EPR en construction à Flamanville (Manche), il est apparu que de nombreux réacteurs actuellement en service sont dotés de générateurs de vapeur non conformes, susceptibles de rompre et de causer une catastrophe nucléaire.
Il faut en effet savoir que la rupture de la cuve ou d’un générateur de vapeur est dite « exclue » des règles de sûreté, ce qui signifie qu’elle ne doit surtout pas se produire : il n’existe alors aucune parade. Il est donc totalement irresponsable de faire fonctionner des réacteurs dotés de générateurs de vapeurs non conformes, qui plus est avec des consignes qui relèvent d’un étrange bricolage, EDF étant priée de bien vouloir mettre en œuvre :

des « mesures compensatoires », par exemple faire en sorte que le réacteur ne s’échauffe ou ne se refroidisse pas trop vite. C’est comme si l’on autorisait l’utilisation d’une voiture délabrée en demandant au conducteur de ne pas trop accélérer ni freiner.
des « dispositions complémentaires », par exemple « le renforcement de la surveillance exercée par l’équipe de conduite« , pour éviter autant que faire se peut les situations dans lesquelles les « mesures compensatoires » ne pourraient être respectées, comme  « le redémarrage d’une pompe primaire à la suite d’une ouverture intempestive d’une vanne« . Cette fois, il s’agit de faire en sorte qu’aucun automobiliste ou obstacle sur la route n’oblige à accélérer ou freiner de façon trop appuyée par rapport à ce que peut supporter la voiture… sauf qu’ici il s’agit d’une centrale nucléaire !
Faut-il croire que « la surveillance exercée par l’équipe de conduite » est habituellement laxiste ? De toute façon, comme le dit si bien EDF, « le risque zéro n’existe pas » : un dysfonctionnement technique ou une erreur humaine est toujours possible, et de l’eau froide ou chaude peut à tout moment être déversée dans le générateur de vapeur, causant un « choc thermique » à même d’entrainer la rupture de l’acier.
L’Observatoire du nucléaire demande donc au Conseil d’État de contraindre l’ASN à respecter… ses propres directives, au lieu de céder à la pression d’EDF qui, confrontée au délabrement de son parc nucléaire, importe actuellement de grandes quantités d’électricité : pour des raisons purement comptables, EDF exige la remise en route de réacteurs non conformes au mépris de la sécurité de la population.
Qui plus est, l’ASN n’assume pas ses actes et bafoue les droits des associations et des citoyens en ne publiant pas les autorisations de redémarrage des réacteurs : cette opacité injustifiable semble avoir pour but de compliquer la contestation de ces autorisations devant la justice administrative, l’Observatoire du nucléaire étant contraint d’attaquer des « décisions non publiées« .
De façon générale, cette affaire illustre l’impasse dans laquelle se trouve la France avec son parc nucléaire surdimensionné et délabré, et dont les réacteurs vont être de plus en plus souvent défaillants : au risque d’accident grave s’ajoute celui de la pénurie, car aucune alternative n’a été prévue.
Depuis des semaines, c’est l’Allemagne, avec ses centrales électriques au charbon si décriées et ses parcs éoliens, qui exporte de grandes quantités d’électricité et permet à la France de se chauffer. Mais cette situation ne pourra se prolonger éternellement : que la pénurie se produise cette année ou dans les années à venir, la France est piégée par son industrie nucléaire.

http://www.observatoire-du-nucleaire.org/