La sortie du nucléaire, décidée par Angela Merkel en 2011, est régulièrement critiquée parce qu’elle « entraînerait » une hausse des émissions de gaz à effet de serre provenant du charbon. C’est pourtant plus compliqué que ça.
Quelques jours après la catastrophe qui frappa la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le 11 mars 2011, au nord-est du Japon, Angela Merkel annonçait un moratoire de trois mois pour inspecter les centrales nucléaires allemandes, ainsi que la sortie progressive de l’énergie nucléaire d’ici à 2022. Si la décision a été bien accueillie outre-Rhin, tant la catastrophe nucléaire au Japon a frappé l’opinion allemande, elle a soulevé bien plus de critiques, côté français.
De Nicolas Sarkozy à Arnaud Montebourg, en passant plus récemment par Vincent Peillon, les politiques français ne se privent pas, depuis cinq ans, de railler le choix allemand en soulignant que les centrales à charbon du pays auraient fait augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES). S’il est indéniable qu’elles contribuent en grande partie à la pollution de l’air, elles ont pourtant eu un impact limité sur les émissions de gaz à effet de serre.
La sortie du nucléaire n’augmente pas les émissions de GES, elle ralentit leur réduction
L’Allemagne s’est engagée, comme de nombreux pays, à une réduction progressive de ses émissions de gaz à effet de serre. Les objectifs allemands sont même les plus ambitieux de tous les grands pays industrialisés avec une réduction, d’ici à 2050, de 80 à 95 % des émissions par rapport à 1990.
Mais cette trajectoire ambitieuse est dans les faits compliquée par la fermeture progressive des réacteurs nucléaires. Le rythme annuel de réduction, de 1 % à 3 % depuis 1990, a chuté à moins de 1 % (en moyenne) depuis 2011, ce qui compromet sérieusement l’objectif de 2020 de 40 % de réduction, que le pays n’atteindra peut-être pas.
Il est, en revanche, faux d’affirmer que le charbon a fait grimper ces émissions de gaz à effet de serre. Précisons également que la hausse des émissions constatée en 2015 (+ 0,8 %) est due au climat plus froid. Les émissions ont ainsi baissé de 2 %.
Le charbon est l’une des raisons qui explique que les émissions allemandes de gaz à effet de serre ne baissent plus assez rapidement. En effet, la fermeture définitive en 2011 de huit des seize réacteurs nucléaires allemands a mécaniquement privé le pays de 8,3 GW de capacité de production, que la montée impressionnante des énergies renouvelables (passées de 20 % à 29,5 % du mix électrique entre 2011 et 2016) n’a pas comblée entièrement. En 2012, l’année qui a suivi la décision de sortir du nucléaire, la production d’électricité des centrales à charbon a rebondi (+ 5,5 %), alors qu’elle baissait régulièrement les années précédentes. La production a continué d’augmenter en 2013, avant de décliner depuis trois ans.
(NDLR: Pour mieux visualiser ces 2 documents importants, aller sur le site)
Le déclin du charbon dans le mix électrique s’explique notamment par la forte poussée des énergies renouvelables (principalement de l’éolien), dont la progression est désormais plus rapide que le déclin du nucléaire, et qui grignotent depuis trois ans sur la part du charbon. Ces nouvelles capacités de production propre d’électricité ont permis de fermer 34 centrales à charbon entre 2011 et 2015. Entre 2016 et 2019, onze autres centrales fonctionnant au lignite et à la houille seront définitivement fermées, ce qui devrait continuer à faire baisser la part du carburant fossile dans le mix électrique du pays.
Le charbon reste un problème pour le climat et la pollution de l’air
En 2017, il reste tout de même une centaine de centrales à charbon à travers le pays, la plus ancienne fonctionnant depuis 1923, dont les dates de fermeture ne sont pas encore connues. La part de l’atome devrait, elle, chuter progressivement à zéro jusqu’au 31 décembre 2022. Un réacteur sera fermé à la fin 2017, un autre à la fin 2019, les six derniers seront fermés en 2021 et en 2022. D’ici là, les énergies renouvelables devront continuer à grimper à un rythme soutenu afin de compenser à la fois le déclin du nucléaire et celui du charbon.
Au-delà des questions climatiques liées aux émissions de gaz à effet de serre, la part importante qu’occupe le charbon en Allemagne est également critiquée pour ses impacts écologiques et notamment sur la pollution de l’air provoquée par les émissions de particules fines. Une étude publiée le 5 juillet 2016 par quatre ONG précise que l’exploitation des centrales à charbon provoque 23 000 morts prématurées chaque année. La Pologne (4 690 morts) et l’Allemagne (2 490 morts) sont les pays les plus touchés par la pollution au charbon générée sur leurs propres territoires. La France, quant à elle, est le pays le plus touché par la pollution provenant de l’étranger (1 200 décès annuels sur 1 380).
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/22/en-allemagne-le-charbon-n-a-pas-remplace-le-nucleaire_5066912_4355770.html
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