Il est de fait impossible de laisser l’ASN décider de la validité de la cuve.
L’Observatoire du nucléaire rappelle d’abord que, lorsqu’il a déposé plainte en justice en mai 2016 à propos des malfaçons et falsifications à l’usine du Creusot (cf AFP : http://bit.ly/2oFE3XX ), il a désigné l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) parmi les coupables présumés.
C’est d’ailleurs seulement six mois plus tard que cette dernière a saisi à son tour le procureur, parce qu’elle y était contrainte par la loi mais aussi… pour essayer de se placer du bon côté de la barre lors du procès à venir.
Mais il est d’ores et déjà avéré que l’ASN est gravement fautive puisqu’elle n’a rien vu, ou pire rien dit, pendant de longues années : d’une part les pratiques délictueuses au Creusot concernant les pièces nucléaires durent depuis 1965, d’autre part la cuve de l’EPR de Flamanville a été (mal) fabriquée en 2006 et 2007.
Or, lorsque l’ASN a autorisé en décembre 2013 l’installation de la fameuse cuve dans l’EPR en construction, elle était déjà parfaitement informée des déboires de fabrication de cette cuve :
– Dès juillet 2007, l’ASN a « rappelé à Areva la nécessité de réaliser des essais complémentaires en zone courante sur les équipements destinés à l’EPR de Flamanville. »
– En mars 2011, l’ASN a confirmé à Areva « son exigence de réalisation d’essais complémentaires«
– En septembre 2012, Areva a proposé à l’ASN de réaliser des essais destructifs de traction et de résilience sur la calotte supérieure d’une cuve fabriquée à l’avance pour les EPR qui devaient être vendus aux USA… et qui n’ont jamais vu le jour !
Les révélations de Radio-France de ce jour ne font que confirmer (l’Observatoire du nucléaire évoquait ces faits dès avril 2015 : http://bit.ly/2nmbZrq ) que l’ASN, EDF et Areva savaient de longue date – au moins depuis 2005 – que les forges du Creusot allaient probablement produire des pièces défectueuses
Si la culpabilité d’Areva (sensée fabriquer des pièces conformes) et celle d’EDF (sensée vérifier la conformité des pièces) est évidente, celle de l’ASN ne l’est pas moins puisque, parfaitement informée de ces graves problèmes, elle a néanmoins autorisé EDF à installer la fameuse cuve dans l’EPR en chantier à Flamanville.
Cette autorisation donnée en décembre 2013 pèse aujourd’hui de façon terrible puisque, en trois ans et demi jusqu’à aujourd’hui, et malgré ses incompétences, EDF a poursuivi le chantier autour de la cuve qui ne peut désormais être extraite qu’au prix de la destruction partielle du réacteur !
Qui plus est, EDF n’a plus le temps avant la fin du chantier – qui touche tant bien que mal à sa fin avec 7 ans de retard ! – de faire fabriquer une autre cuve (si possible conforme !), alors qu’il en était encore temps fin 2013. L’ASN est donc totalement coupable de la situation inextricable dans laquelle elle se trouve aujourd’hui.
En effet, il est évident que l’ASN n’est pas en capacité de résister à la pression d’EDF et de l’État, au chantage à l’emploi, aux accusations de porter gravement tort à l’industrie et l’image de la France si elle prenait la seule décision acceptable, à savoir recaler la cuve de l’EPR.
Il faut d’ailleurs ajouter que l’ASN a de la même façon accepté l’exportation des deux cuves vendues à la Chine et installées le 5 juin 2012 et le 30 octobre 2014 dans les réacteurs EPR en construction à Taïshan : recaler la cuve de Flamanville impliquerait de recaler aussi ces deux autres cuves, avec les conséquences que l’on devine en terme financier et géopolitique, ce qui achève de rendre impossible la décision par l’ASN d’invalider la cuve de l’EPR.
Il est donc désormais avéré que la décision concernant l’avenir de la cuve de l’EPR (et de fait des deux cuves livrées aux Chinois) ne peut et ne doit en aucun cas être prise par l’ASN. Il est tout aussi évident que ce n’est pas le personnel politique qui est en capacité de prendre ses responsabilités : il serait très étonnant que, pour la première fois depuis 50 ans, la majorité des députés qui vont être élus en juin prochain ne soit pas comme toujours soumise au lobby nucléaire.
Par ailleurs, le Conseil d’État a démontré cet hiver son incapacité à prendre des responsabilités puisque, saisi en urgence par l’Observatoire du nucléaire, il a laissé l’ASN autoriser EDF à redémarrer des réacteurs défectueux (dotés de pièces mal fabriquées par Areva mais aussi par le fournisseur japonais JCFC) au simple motif qu’il faisait froid et qu’il fallait produire plus d’électricité.
L’Observatoire du nucléaire attend que sa plainte soit instruite avec la plus grande implication par la justice pénale et civile et que les « responsables » d’EDF, d’Areva et de l’ASN soient mis hors d’état de nuire. À défaut, la population pourrait être contrainte de prendre elle-même les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité.
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article326
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