L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire souligne dans un rapport un problème de maîtrise du risque d’incendie dans les galeries souterraines.
La fiabilité du futur site d’enfouissement des déchets les plus radioactifs à Bure, dans la Meuse, n’est à ce stade pas complètement garantie. C’est l’alarmante conclusion d’un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire <http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20170704_Conclusions-expertise-IRSN-sur-dossier-options-de-surete-du-projet-Cigeo.aspx#.WWN7A4TyiUk> (IRSN), l’établissement public chargé de la recherche et de l’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques, sur lequel l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s’appuie pour prendre ses décisions. La révélation de ces lacunes ne va faire que conforter l’opposition grandissante à cette installation, qualifiée à l’avance par ses détracteurs de « poubelle nucléaire ».
Porté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), le projet de Centre industriel de stockage géologique <http://www.andra.fr/andra-meusehautemarne/pages/fr/menu18/le-projet-cigeo-6875.html> (Cigéo) vise à enterrer dans une couche d’argile profonde de 500 mètres, à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne, 85 000 m3 de déchets à haute activité et à vie longue, dont la dangerosité perdurera, pour certains d’entre eux, des centaines de milliers d’années.
Ces résidus proviennent principalement de l’exploitation du parc atomique hexagonal, mais aussi des laboratoires de recherche nucléaire et d’activités liées à la défense nationale. Ils sont pour l’instant entreposés à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône).
À Bure, ce sont 240 000 « colis » – des fûts radioactifs – qui seront logés dans des alvéoles, au sein d’un réseau de 300 kilomètres de galeries souterraines couvant une surface de 15 km2. La demande d’autorisation de création du site doit être déposée dans le deuxième semestre de 2018, pour une mise en service en 2025, avec une phase pilote de cinq à dix ans. Le cimetière nucléaire sera ensuite progressivement rempli, sur une durée d’un siècle, avant d’être définitivement scellé. Le coût total est aujourd’hui chiffré à 25 milliards d’euros.
« Éliminer la possibilité qu’un incendie puisse se propager »
Mais l’Andra va devoir améliorer substantiellement sa copie. Car l’analyse de l’IRSN, qui porte sur le « dossier d’options de sûreté » présenté au printemps 2016 par l’opérateur, est sévère. Certes, les experts estiment que « le projet a atteint, dans l’ensemble, une maturité technique suffisante ». Ils n’en pointent pas moins que « la possibilité d’aboutir à une démonstration de sûreté probante (…) pose encore question pour quatre points majeurs ».
Le plus problématique concerne « la maîtrise des risques liés à l’incendie dans une alvéole de stockage de colis d’enrobés bitumineux ». Il s’agit de boues issues du traitement du combustible nucléaire, qui sont conditionnées dans un enrobage de bitume. « Ces produits gardent une réactivité chimique qui peut se traduire par un dégagement de chaleur, explique au Monde François Besnus, directeur de l’environnement à l’IRSN. En cas de départ de feu dans une galerie, le danger est un emballement thermique propageant l’incendie. Ces matières sont très difficiles à refroidir et c’est donc le scénario à éviter à tout prix. » D’autant que ces colis bitumineux seront au nombre d’un peu plus de 40 000, soit 18 % du nombre total de fûts stockés sur place.
L’Andra va donc devoir « étudier la possibilité d’un prétraitement destiné à neutraliser la réactivité thermique des enrobés » ou, à défaut, « revoir significativement les concepts afin d’éliminer la possibilité qu’un incendie puisse se propager ».
Les autres insuffisances ont trait à « la prise en compte des conséquences de certaines situations accidentelles (…), la faisabilité de la surveillance de paramètres clés de la sûreté de Cigéo et l’optimisation du point de vue de la sûreté de l’architecture du stockage ». En particulier, l’IRSN relève que « la possibilité de retrait de colis accidentés (…) n’a pas été étudiée ». Il considère qu’« il n’est pas acquis que la conception retenue par l’Andra permette d’exercer, pendant la phase d’exploitation, une surveillance adaptée ». Il juge encore qu’« un scénario d’effondrement se produisant pendant la construction ou l’exploitation » doit être pris en compte et que le risque sismique, après obturation de l’installation, doit être mieux évalué. Et il demande que la conception d’ensemble garantisse que « le transfert de radionucléides [vers l’environnement] reste suffisamment limité ».
« Dangereux, ruineux et antidémocratique »
Ce rapport met en fait en évidence l’un des écueils inhérents au projet : même si l’Andra fait valoir que le stockage géologique est « la solution internationalement retenue » pour les déchets hautement radioactifs et à vie longue, aucun pays ne l’a encore mise en œuvre, si bien que le retour d’expérience validant cette solution fait défaut.
L’Autorité de sûreté doit désormais présenter, avant la fin du mois, un projet d’avis qui sera ensuite soumis à la consultation du public. Et l’Andra devra démontrer, lors de sa demande d’autorisation de création, qu’elle a su combler des lacunes de sûreté qui pourraient, note l’IRSN, « entraîner une modification de conception du stockage ». Et peut-être faire déraper le calendrier.
Sollicitée, l’Andra n’a pas souhaité faire de commentaire. Mais cette expertise donne du grain à moudre aux anti-Cigéo, qui dénoncent depuis des années « un projet à très haut risque ». Pour le réseau Sortir du nucléaire <http://www.sortirdunucleaire.org/CIGEO-Bure-l-Institut-de-Radioprotection-et-de> , « plutôt que de s’entêter dans cette impasse, les pouvoirs publics doivent abandonner ce projet dangereux, ruineux et antidémocratique ». Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qui a déclaré vouloir « étudier davantage » le dossier, va en tout cas devoir s’en saisir sans tarder.
http://www.lemonde.fr/energies/article/2017/07/11/des-experts-pointent-des-lacunes-dans-la-surete-du-stockage-radioactif-de-bure_5158807_1653054.html
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