Point de vue. Par François Lempérière, président de l’association HydroCoop et président d’honneur du Comité Français des Grands barrages et réservoirs.
L’arrêt de dix-sept réacteurs nucléaires correspond à la loi de 2015 sur la Transition Énergétique. Son objectif, repris par le programme électoral de Monsieur Macron, est de réduire la part du nucléaire, à 50 %. Pour autant, est-ce justifié ?
Dans les autres pays industrialisés (OCDE), cette part du nucléaire est de 13 % en moyenne actuellement contre 20 % il y a vingt ans. Hors OCDE, elle est en moyenne à 5 % avec 3 % en Chine et la Corée du Sud, pays le plus nucléarisé, a abandonné le nucléaire le mois dernier (1).
La France exporte plus de 15 % de l’énergie nucléaire qu’elle produit ! Celle-ci est très peu rentable depuis quelques années, correspondant à la production de dix réacteurs, et peut être abandonnée. L’énergie éolienne peut compenser en dix ans l’arrêt de sept autres réacteurs.
La souplesse d’exploitation, assurée actuellement par 15 % d’énergie hydraulique et 17 % d’énergies fossiles (dont 7 % importés) peut être maintenue.
L’arrêt de dix-sept réacteurs n’impose nullement leur démantèlement immédiat. Le risque d’un réacteur arrêté et sans combustible est quasi nul et EDF prévoit de démanteler à la fin du XXIe siècle les sept réacteurs de la filière graphite-gaz arrêtés à la fin du XXe siècle.
L’avantage de l’arrêt des réacteurs constitue un gain de sécurité. En France, le risque majeur est l’abandon d’une région par ses habitants à cause d’un nuage nucléaire ou d’un fleuve pollué.
Selon le site, la population déplacée définitivement peut varier de 100 000 à plusieurs millions et le coût varier de 100 à 1 000 milliards d’euros !
Un risque nucléaire divisé par deux
En plus de Fessenheim sur le Rhin, les sites fermés pourraient par exemple inclure Nogent-sur-Seine et Saint-Laurent sur Loire, proches de Paris, le Bugey sur Rhône près de Lyon et le Tricastin au nord de Marseille : le risque global serait ainsi divisé par plus de deux, d’ici 2025.
L’arrêt des dix-sept réacteurs, c’est-à-dire la fermeture de six sites, a deux inconvénients majeurs :
D’une part, la fermeture d’un site nucléaire pénalise des milliers d’emplois locaux, justifiant pour la reconversion une aide annuelle de plus de dix millions d’euros, de 100 à 200 millions d’euros pour six sites et de deux milliards d’euros en dix ou vingt ans.
D’autre part, l’abandon de l’exportation d’énergie nucléaire a peu d’impact. Le surcoût essentiel est celui du remplacement de 60 kilowattheures/an (NDLR : lire mégawattheures) par l’énergie éolienne, à un surcoût par mégawatt de 20 à 25 €, soit 1,5 milliard d’euros incluant le support économique des sites fermés.
Ce surcoût annuel est compensé jusqu’en 2030 par l’économie de 15 à 20 milliards d’euros du coût du « Grand Carénage » prévu pour prolonger de vingt ans l’utilisation des réacteurs.
L’impact réel sur les coûts sera postérieur à 2030 et inférieur à 2 milliards par an. En 2030, le PIB français sera supérieur de plus de 200 milliards au PIB actuel, soit 100 fois le surcoût de l’arrêt des réacteurs.
L’arrêt des dix-sept réacteurs divise le risque nucléaire par deux pour un surcoût intervenant après 2030, paraissant donc très acceptable.
(1) Les chiffres ci-dessus proviennent essentiellement des statistiques annuelles de l’Agence Internationale pour l’Énergie (A.I.E.) et d’Internet « Wikipédia – Électricité en France ».
http://www.ouest-france.fr/economie/energie/pourquoi-arreter-dix-sept-reacteurs-nucleaires-5168279
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