QUE DEVIENNENT LES CHIENS ERRANTS DE TCHERNOBYL ?

Chiens 3Après la catastrophe nucléaire de 1986, Tchernobyl est devenue une ville fantôme. Enfin, pas tout à fait… Les animaux y sont de plus en plus nombreux. Parmi eux, les descendants des chiens laissés sur place au moment de l’évacuation. Soignés par des équipes de vétérinaires, les chiens errants sont précieux pour traquer et étudier la radioactivité dans la zone d’exclusion.

Le 26 avril 1986, le cœur du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl (Ukraine), entre en fusion après des erreurs de manipulation. Une explosion fait voler en éclat l’édifice. De la fumée radioactive s’élève dans les airs. Le combustible nucléaire brûle pendant dix jours. Le panache radioactif pollue l’Ukraine, la Biélorussie, la Russie, puis l’Europe centrale et balkanique, l’Italie, la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande… Le pire accident nucléaire de l’histoire vient de se produire.

Plus de 110 000 personnes ont dû être évacuées d’un périmètre de 30 km autour de la centrale, la zone d’exclusion. Si la zone est complètement désertée aujourd’hui par les êtres humains, des élans, des cerfs, des chevreuils, des sangliers, des loups y ont été recensés, et en nombre.

En octobre 2015, la revue Current Biology publiait des résultats de survols de la zone en hélicoptère. Les loups étaient sept fois plus nombreux dans cette zone que dans les réserves naturelles environnantes, non contaminées par la radioactivité. Les observations relevaient une multiplication des élans, des chevreuils et des sangliers, au moment où dans l’ex-Union soviétique, les populations de ces animaux déclinaient.

« Les activités humaines nettement pires »

« Il est très probable que les populations de ces animaux sont beaucoup plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient avant l’accident, estime Jim Smith de l’université de Portsmouth au Royaume-Uni, un des co-auteurs de ces travaux. Cela ne signifie pas que la radioactivité est bonne pour la faune sauvage, mais seulement que les effets des activités humaines comme l’agriculture, la chasse et l’exploitation forestière sont nettement pires. »

Dans cette zone, on compte au moins un millier de chiens errants. Très certainement les descendants des chiens abandonnés par leurs propriétaires lors de l’évacuation. Des soldats de l’armée soviétique avaient pourtant parcouru la zone pour tuer les animaux abandonnés. Mais impossible de tous les abattre.

Ces chiens-là ont survécu grâce aux 3 500 personnes qui travaillent sur la centrale nucléaire (notamment pour confiner les bâtiments), depuis 30 ans. Ces travailleurs ont eu pitié d’eux, les ont nourris pendant leur pause et permis d’entrer dans l’usine pendant les froids hivers ukrainiens, racontent les membres de Clean Futures Fund (CFF), une ONG américaine qui a envoyé sur place des équipes de vétérinaires pour s’occuper des toutous.

Pour financer son projet « Dog of Chernobyl », pensé sur trois ans, l’association lève des fonds et organise des campagnes de dons. Sur place, une fois que les chiens sont attrapés, ils sont vaccinés, stérilisés et soignés avant d’être équipés, pour certains, de capteurs de radioactivité et de GPS, pour localiser les degrés de radiations dans la zone. Les données récoltées grâce aux colliers permettent aux scientifiques d’étudier l’exposition à la radioactivité et d’accéder par le biais des chiens, à des zones dans lesquelles ils ne vont jamais à cause des risques pour la santé.

L’association estime que plus de 250 chiens errants vivent autour de la centrale nucléaire, chassés des bois par les loups, plus de 250 également dans les ruines de la fameuse ville-modèle soviétique de Pripiat et des centaines d’autres dans la campagne alentour. De nombreux chiens souffrent de malnutrition et ont des risques d’attraper des maladies au contact des animaux sauvages. D’après CFF, aucun chien n’a plus de 6 ou 8 ans, synonyme de conditions de vie assez dures.

« Nous sommes ici depuis trois semaines et demi et nous avons déjà vacciné, stérilisé et soigné près de 300 chiens et chats. Nous nous occupons aussi des chats. Tant qu’ils ont des ovaires ou des testicules, on les stérilise et on les soigne ! », détaille Lucas Hixson, cofondateur de l’association.

Il estime son travail nécessaire. « De notre point de vue, nous faisons un vrai travail pour la sécurité des ouvriers qui travaillent encore autour de la centrale et pour les touristes. Dans cette zone, le tourisme grossit de plus en plus. Ces chiens, comme ils sont en contact avec des animaux sauvages, sont exposés à des maladies comme la rage. Si les touristes ou les ouvriers jouent avec eux, nous voulons nous assurer qu’ils ne courent aucun risque. 

Depuis 2011, des visites de la zone sinistrée sont organisées depuis Kiev. Ce tourisme de catastrophe draine plus de 10 000 visiteurs près de la centrale chaque année.

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