Le président américain cherche un moyen pour prouver que Téhéran viole l’accord sur le nucléaire iranien, alors que les rapports de l’ONU affirment le contraire.
L’Iran « n’est pas un pays à qui on peut faire confiance. » C’est en ces termes que Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU, a justifié au Washington Post sa visite mercredi au siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Lors d’un court passage à Vienne mercredi, la responsable américaine s’est entretenue avec le chef de l’AIEA au sujet de ses inspections en Iran. « Inspectez-vous tout ? Inspectez-vous les endroits où ont eu lieu des activités secrètes par le passé ? Êtes-vous autorisés à accéder à ces zones ?» a-t-elle notamment demandé, selon l’agence de presse Reuters , à qui elle s’est confiée.
En vertu de l’accord historique sur le nucléaire iranien, conclu le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne), Téhéran a accepté de réduire drastiquement ses activités d’enrichissement d’uranium et a consenti à des contrôles encore plus poussés de ses sites nucléaires par les inspecteurs de l’AIEA afin d’en garantir l’usage civil.
Sites militaires
Depuis deux ans, l’agence onusienne a toujours confirmé dans ses rapports trimestriels (le dernier date de juin 2017) que l’Iran respectait ses engagements. Cet état de fait a d’ailleurs été confirmé à deux reprises par le président américain en personne, qui doit certifier tous les 90 jours devant le Congrès que la République islamique est bien en conformité avec l’accord, pour prolonger la levée des sanctions relatives au nucléaire iranien.
Problème, d’après l’ambassadrice américaine à l’ONU, la crainte des États-Unis ne concerne pas les sites nucléaires déclarés par l’Iran, mais ses sites militaires, qui ne sont théoriquement pas liés à l’accord. « Si vous vous fiez […] au comportement passé de l’Iran, vous vous apercevez qu’il y a eu des activités secrètes menées dans des sites militaires, des universités, de tels endroits », a ainsi souligné Nikki Haley à Reuters . Et d’ajouter : « Ils [les agents] ont désormais l’autorité de vérifier les sites militaires. Ils ont l’autorité pour vérifier tout site suspect. La question est : le font-ils ? »
Zone grise
La réalité est en fait plus contrastée. À l’issue de l’accord du 14 juillet 2015, l’Iran s’est engagé à appliquer le protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire selon lequel les inspecteurs de l’agence onusienne peuvent avoir accès, au cas par cas, à certains sites militaires iraniens. En cas de soupçons d’activités nucléaires illégales sur ces sites, l’Iran est tenu d’apporter des éclaircissements aux agents de l’AIEA. S’ils s’avèrent insatisfaisants, l’agence onusienne peut sommer la République islamique de lui ouvrir les portes de son site sous un délai de 24 jours. Pour l’heure, les inspecteurs n’ont pas effectué de telle demande.
Mais la méfiance américaine est renforcée par les activités suspectes menées par le passé en Iran, notamment dans le site militaire de Parchin, à l’est de Téhéran, où la République islamique se serait livrée à des tests de modèles d’explosion applicables à des armes atomiques. En octobre 2015, Yukiya Amano, chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, avait pu se rendre sur place. Saluant ce pas « important », le directeur de l’AIEA avait néanmoins jugé que les gros travaux effectués sur le site en 2012 avaient « fragilisé la capacité de l’Agence à y mener une vérification efficace. »
« Demandes excessives de l’ennemi »
Ainsi, dans un rapport publié cette semaine par l’Institute for Science and International Security, cité par le journal Le Monde , plusieurs experts de renom estiment que de nouvelles visites seraient nécessaires à Parchin pour dissiper tous les doutes. Or, du côté iranien, on estime que l’accès sans condition à ces sites militaires équivaut tout bonnement à une violation de sa sécurité nationale. Début août, le brigadier-général Amir Ali Hajizadeh, un haut responsable des Gardiens de la révolution – l’armée idéologique du pouvoir iranien en charge de ses sites militaires –, a ainsi rejeté les « demandes excessives des ennemis » de la République islamique, rapporte le site de la chaîne d’information iranienne en langue anglaise Press TV .
Le refus iranien est renforcé par les récentes déclarations de Donald Trump, qui ne fait pas mystère de son intention de rompre l’accord sur le nucléaire iranien. Dans une interview fin juillet au Wall Street Journal , le président américain s’est dit persuadé que l’Iran finirait par être pris en faute lors de la prochaine certification américaine qui doit avoir lieu en octobre. «Nous effectuons des études très poussées», a-t-il dit au quotidien américain à peine quelques jours après avoir déclaré l’Iran en conformité avec ses engagements. « Si cela ne tenait qu’à moi, je les aurais déclarés en faute il y a 180 jours.»
Isoler l’Iran
Et le volubile milliardaire d’égratigner au passage son secrétaire d’État Rex Tillerson. « Regardez, j’ai beaucoup de respect pour Rex et ses hommes. Il est plus facile de dire qu’ils [les Iraniens] respectent [l’accord]. C’est beaucoup plus facile. Mais c’est la mauvaise chose [à faire]. Ils ne [le] respectent pas » Résolument déterminé à isoler l’Iran, qu’il accuse de soutenir le terrorisme au Moyen-Orient, Donald Trump aurait décidé de pousser la République islamique à la faute. À en croire le New York Times, le président américain aurait chargé une équipe de conseillers de trouver le meilleur moyen d’y parvenir. D’après plusieurs responsables étrangers alliés des États-Unis, cités par le quotidien, la méthode choisie serait d’inciter les inspecteurs de l’AIEA à demander un accès aux sites militaires iraniens qu’ils jugent suspects afin d’essuyer un refus de Téhéran et, ainsi, de pointer une violation de l’accord.
Un scénario que dément catégoriquement Nikki Haley. « Le président n’a pas pris de décision », assure l’ambassadrice américaine dans le Washington Post. « Ce que nous faisons est de tenter de trouver autant d’informations que nous le pouvons.»
Article rédigé par Armin Arefi
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