MISE À L’ARRÊT PROVISOIRE DES 4 RÉACTEURS DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DU TRICASTIN, MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS !

TricastinLes 4 réacteurs nucléaires de la centrale du Tricastin et les nombreuses installations d’AREVA (conversion et enrichissement de l’uranium notamment) sont implantés dans une étroite langue de terre coincée entre le Rhône et le canal de Donzère-Mondragon (canal de dérivation du Rhône de 24 km).

L’eau du canal sert au refroidissement des installations et à l’évacuation des rejets radioactifs, chimiques et thermiques. Le niveau de l’eau se situe typiquement 5 à 10 m au-dessus du niveau d’implantation des installations. La protection contre l’inondation est assurée par une simple digue constituée de remblais associant sables, graviers et limons.

Étant donné les enjeux en matière de sûreté, la CRIIRAD avait demandé depuis longtemps des vérifications sur la stabilité et la résistance de ces ouvrages. En vain : les responsables affirmaient que le risque de rupture était totalement exclu. L’accident de Fukushima a permis de réouvrir enfin le dossier même si ce volet n’a pas été traité de façon prioritaire (Fukushima remonte en effet à mars 2011, soit plus de 6 ans !).

Bilan des études conduites par EDF en 2016 : la digue ne résisterait pas au niveau de séisme défini par la réglementation (soit une Séisme Majoré de Sécurité de 5,2 sur l’échelle de Richter). Un séisme pourrait donc entraîner la rupture de la digue (le risque d’«effacement» concerne un tronçon de 400 m !).

Sur la base de ses investigations, EDF a donc déclaré à l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN), le 18 août 2017, un « évènement significatif de niveau 1 » impliquant la sûreté de ses installations (évènement reclassé en niveau 2 au cours de l’été). Le 26 septembre, l’ASN a organisé une audition au cours de laquelle l’exploitant a annoncé qu’il allait mettre en place, à court terme, des protections type big bags, puis procéder à moyen terme à des travaux de renforcements de la digue.

Considérant que ces mesures ne permettaient pas d’écarter le risque à court terme, l’ASN a décidé, le lendemain 27 septembre, la mise à l’arrêt, à titre provisoire, des 4 réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin. Son expert, l’IRSN indique dans une note d’information publiée le 28 que « la centrale nucléaire du Tricastin n’est pas conçue pour faire face à un tel évènement qui entraînerait une perte totale de refroidissement du combustible présent dans le cœur et la piscine d’entreposage de chaque réacteur, conduisant à un accident de fusion de ce combustible ». L’expert conclut ainsi « qu’il convient dès à présent d’arrêter les quatre réacteurs afin de réduire la plus possible la puissance résiduelle à évacuer ». L’arrêt n’est pas pour autant « immédiat » mais doit intervenir « dans les délais les plus courts ». L’exploitant doit proposer sous 5 jours maximum des mesures à même de garantir la sûreté du site. Les réacteurs ne pourront redémarrer que si EDF démontre que « la digue résiste au séisme majoré de sécurité défini dans le rapport de sûreté ».

Rappelons que les réacteurs nucléaires du Tricastin ont été mis en service entre décembre 1980 et novembre 1981. Plus de 35 ans de fonctionnement avec un risque réel mais qui n’était pas pris en compte par les autorités. Les Français ont eu la chance que rien ne se produise pendant cette période… une chance qui a manqué aux Japonais.

Il n’est pas certain que cette décision suffise pour refermer définitivement le dossier de la digue. En effet, le séisme pris en référence pour le Tricastin (Séisme Maximum Historiquement Vraisemblable) est de 4,7 sur l’échelle de Richter, valeur déduite du séisme survenu en 1873 à Clansayes, à 9km à l’Est du site (ce qui donne après majoration, la valeur réglementaire de 5,2). Ce choix est-il suffisamment conservatoire ? En 1909, à Lambesc, à environ 90 km au SE du Tricastin, s’était produit un séisme atteignant 6,2 sur l’échelle de Richter. Par ailleurs, il faudrait réexaminer les autres types de risque, existants ou à venir, susceptibles d’inonder le site (le gazoduc Eridan doit par exemple passer sous le canal de Donzère-Mondragon, un peu en amont du site nucléaire).

Il est en tout cas inquiétant de constater que les affirmations répétées sur les grandes marges de sécurité du nucléaire s’avèrent, une fois encore, sans fondement.

PS : AREVA a également annoncé que des mesures de protection contre les inondations devaient être mises en œuvre sous 1 mois à l’usine de conversion COMURHEX I. L’ASN aurait demandé que l’arrêt technique en cours soit prolongé jusqu’à ce que ce soit fait.
http://www.criirad.org/installations-nucl/tricastin-mesures/2017-09-29_tricastin-digue.pdf