Avec un nouveau retard annoncé par l’électricien finlandais TVO fin août, le chantier de l’EPR finlandais accumule désormais douze ans de retard. Sa mise en service commerciale est désormais prévue pour 2022.
C’est un projet pharaonique qui suscite de nombreuses tensions. Le chantier de l’EPR de la centrale d’Olkiluoto en Finlande a débuté en 2005 pour une mise en service initialement prévue en 2009. Le montant ne devait pas dépasser les 3 milliards d’euros mais depuis, le chantier mené par le consortium entre Areva-Siemens -Areva est devenu Orano en janvier 2018 après la restructuration du groupe- ne cesse d’accumuler les retards et les surcoûts. Le montant final serait à ce jour aux alentours de 9 milliards d’euros, le triple du prix initial. Les déceptions s’enchaînent pour ce qui devait être la vitrine du savoir-faire nucléaire français.
Le bras de fer TVO – Areva
Dès les deux premières années du chantier, trois retards impactent les travaux, le réacteur OL3 est repoussé à 2012. Commence alors une série d’accusations mutuelles entre le fournisseur Areva et son client TVO. Fin 2008, les deux géants portent leur différend devant un tribunal d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (ICC). TVO demande 2,6 milliards d’euros de dédommagements mettant en cause la négligence grave d’Areva et Siemens concernant le respect du calendrier des travaux. De son côté, le consortium réclame 3,4 milliards d’euros reprochant les exigences de l’autorité de sûreté finlandaise (STUK) et la position trop contractuelle de leur client. Le groupe met notamment en cause la lenteur de la STUK qui a mis plus d’un an à rendre son rapport causant une prolongation du projet. Ce n’est qu’en 2013 que la Chambre de Commerce Internationale rend finalement un premier arbitrage en faveur de TVO. Cinq ans plus tard et après un deuxième arbitrage en faveur de TVO en 2016, les deux parties trouvent un accord mettant fin à l’ensemble des différends, le groupe français signant un chèque de 450 000 euros en réparation des retards successifs.
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Un réacteur qui fait débat
Bien qu’il soit annoncé comme le réacteur le plus puissant et le plus sécurisé selon Areva, l’EPR suscite de nombreuses critiques, notamment de l’organisation Greenpeace. Une étude menée avec l’expert du risque nucléaire John Large a été publiée en 2007 et fait suite au lancement du chantier de l’EPR de Flamanville en France. Elle met en cause le combustible utilisé par ce nouveau réacteur de troisième génération, le MOX. Ce combustible à base d’uranium et de plutonium serait plus dangereux pour les populations en cas d’accident.
L’EPR ne fait pas non plus l’unanimité dans les pays où il est en construction. Les villes de Flamanville en France et d’Hinkley Point en Angleterre ont elles aussi un chantier d’EPR en cours mais avec, là encore, de nombreux retards à déplorer. Celui de Flamanville se voit notamment confronter à des problèmes de pièces défectueuses, différents essais ayant mis en cause des problèmes au niveau des soupapes de sûreté du pressuriseur qui ont un rôle essentiel dans la sûreté des EPR. En juin 2020, la STUK a d’ailleurs mis en évidence sur le chantier finlandais une même problématique liée à cette soupape de sûreté du pressuriseur. Cette pièce apporte donc une complication supplémentaire et pose, une nouvelle fois, la question de la sûreté de ces nouveaux réacteurs. La construction de l’EPR de Flamanville accumule à ce jour 10 ans de retard et 9 milliards d’euros de surcoûts. Les deux réacteurs d’Hinkley Point sont quant à eux déjà retardés de 15 mois après le début des travaux en 2018. Les deux seuls EPR en service aujourd’hui se situent à la centrale de Taishan en Chine. Le chantier a également rencontré des problèmes de qualité et de fabrication mais a bénéficié de l’avancée des études et du retour d’expérience des chantiers finlandais et français. Les deux réacteurs chinois sont en service depuis 2018 et 2019 après dix ans de travaux.
Par Loïs Larges, publié le 27 novembre à 19h45
https://www.capital.fr/economie-politique/lhistoire-sans-fin-du-chantier-de-lepr-finlandais-1387130
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